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                   Cher(e)s camarades (archéos), ami(e)s et collègues !

                                               Bonne année 210 !

 

Toutes et tous attachés au pacte républicain, si porteur d'espoir d'une vie apaisée et sereine, surtout depuis un certain 21 avril qui a permis, en élisant un Grand Républicain (des deux rives ?) vertueux, de terrasser l'hydre et de redonner l'espoir d'une vie encore meilleure. Et surtout l'arrivée d'une majorité républicaine friande de l'extension des libertés en combattant le carcan des droits abusifs qui entravent l'initiative personnelle.
Je tiens à vous adresser ces vÅ“ux républicains, au moment où nous entrons dans la nouvelle année 210, pour qu'elle vous soit, au plan personnel comme aux plans professionnels ou de loisirs, la meilleure possible. Après une année 209 qui a de nouveau vu battre les estrades et pavés, de germinal à fructidor (et même durant messidor et thermidor, malgré la bienvenue "canicule" qui a permis de soulager les dépenses en supprimant nombre de ceux qui, ne travaillant plus, n'en grèvent pas moins les comptes de notre chère nation), cela ne serait que justice !
En espérant que cette année 210 de notre ère encore républicaine (mais jusqu'à quand ?) réalisera tout ce à quoi vous aspirez (dans une perspective autogestionnaire ­encore un gros mot, excusez moi- je ne peux que souhaiter que chacun souhaite ce qu'il veut)!

Mais c'est, surtout, une occasion d'adresser à toutes et tous (que c'est embêtant de se plier, pour ne pas encourir les foudres des sirènes ou de la  meute, à la parité des mots féminins et masculins !) un cordial souvenir et de sincères remerciements pour les réunions, entretiens et échanges que nous avons pu entretenir depuis des années en des lieux ou réseaux divers (pour certaines et certains depuis plus de 40 ans !) et de vous dire combien je regrette de devoir interrompre des activités professionnelles où je pouvais avoir l'impression de servir à quelque chose, même de façon limitée.
En effet, le couperet est tombé qui impose une "cessation d'activité ayant atteint la  limite d'âge" et donc me voici, à mon corps défendant, "rayé des cadres". Je n'ai ni la possibilité, ni le goût de m'exiler pour poursuivre ailleurs les fonctions qui me sont, dans ce pays de liberté, interdites !
Foin de nostalgie, je veux avant tout encourager celles et ceux qui continuent à penser et agir dans leur cadre professionnel (et je pense notamment aux secteurs sinistrés de l'éducation, de la santé et de l'environnement) sans perdre la seule boussole qui vaille : le service rendu aux personnes dans l'intérêt général et pour toujours plus , non pas de moyens, mais de justice sociale.

Mais quitter des fonctions ce ne peut être cesser des activités ! Je refuse pour ma part cette notion archaïque et stigmatisante de "retraite" : personne ne peut obliger à se mettre en retrait ou en marge de la société, sauf à vouloir renforcer des formes d'exclusion ! Il s'agit plutôt d'adaptation ou de reconversion avec un avantage, celui de pouvoir être davantage maître de son temps.
Surtout au moment où une période exaltante s'ouvre, celle des remises en question et de la possibilité soit de progresser soit de revenir en arrière.
Quelle chance de se colleter au grand bond en avant du retour en arrière : un élève devenant cible et non plus centre,  un malade devenant coût et non plus à soigner, des personnes âgées devenant charge et non plus respect, des jeunes redevenant danger et non plus espoir, des consommateurs devenant clients et non plus usagers, l'éducation devenant discipline et non plus apprentissage.
Et surtout, au nom de la Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité, renouer enfin avec les vraies valeurs du Travail et de la Famille, trop longtemps bafouées par les enragés soixante huitards ! Comme en 1939/40 où la France a sombré suite aux congés payés, à la semaine de 40 heures, aux loisirs dont la populace (la France d'en bas de l'époque) ne comprenait pas qu'elle sabordait l'ordre des choses et menaçait l'économie. Malheureusement ces idées fallacieuses ont gangrené notre pays, après la prétendue Libération, non seulement par le vote des femmes mais aussi par la sécurité sociale et le droit au travail. Il n'est que temps de penser au sursaut et à l'effort et, comme le dit si bien monsieur le Baron "Après des années de propagande fallacieuse sur les loisirs" il était temps de "siffler la fin de la récréation" reprenant une formule prémonitoire, en 1984, du Ferry en kimono qu'était JP Chevènement.  Il est encore difficile, avec l'Union européenne, de parler de Patrie même s'il va bien falloir se décider, non pas seulement à en restreindre l'accès mais aussi à bouter hors du Pays, les envahisseurs barbares, fouleurs de nos croyances ancestrales !  
Déjà pointe le redressement : la police et la justice reviennent à l'ordre. Et bientôt nous allons pouvoir, au prétexte du voile, retrouver le bon vieux temps de la séparation, du chacun à sa place, pour apprendre que filles et garçons ne peuvent avoir les mêmes préoccupations, qu'ils ne peuvent se mélanger et travailler ensemble et qu'ils sachent enfin reconnaître les vraies différences :  que les unes sont par définition faibles et les autres forts, que les unes doivent se protéger et les autres être insensibles.

Si je quitte, forcé, le paquebot de l'éducation et ses équipages, ce n'est ni par crainte des pirates ou des tempêtes pour rester à quai, ni par peur des "tous voiles dehors" ou signes ostentatoires que sont casquettes, colifichets, kippas ou croix, mais pour rejoindre d'autres flottilles de remorqueurs, de chaloupes, de canots, pour continuer à escorter ou baliser la route... Et, parfois, étant sorti par la passerelle, revenir par les écoutilles !
Et tenter, écologiquement parlant – avec tous ceux pour qui solidarité et fraternité conservent toute leur valeur pour définir un climat humain â€“ de démonter les mers qui montent et les océans qui réchauffent en leur sein tous les serpents menaçants !!!

Bon courage à toutes et tous ceux qui continuent sur une route semée d'embûches de la part de celui qui, regrettant de s'écarter, entend bien ne pas trop s'éloignerÅ  pour piétiner d'autres plates bandes, continuer des formes d'action pédagogique, intervenir et agir, explorer ce qui n'est pas encore interdit , emprunter tous les chemins de traverse, retrouver  et y croiser celles et ceux pour qui un avenir se construit au quotidien
.

                                                  Amicalement
                                                              Jean Claude Guérin

PS/ Vous comprendrez, j'en suis sûr, que je ne puisse déroger ni rompre brutalement avec des habitudes et une pratique fort anciennes, mon péché mignon, de parler (ou plutôt, ici, d'écrire). ..
Incorrigible, je ne peux faillir  Ã   ce que certains ont souvent "subi", sans pour autant vouloir laisser un testament (c'est trop tôt !) ni livrer une ratiocination d'ancien combattant mais plutôt continuer de participer aux débats . Et surtout, puisque la veille éducative est à la mode, jeter quelques pavés dans la mare.
Jean Claude Guérin

jcl.guerin@laposte.net

UN DEBAT SUR L'ECOLE?

Libre vagabondage et libre cours à quelques élucubrations…

 

"Le monde souffre d'avoir trop de gestionnaires, pas assez de prophètes" (Régis Debray, sept 2003)

 

 

           Mais d'où parles tu donc (Lacan)?

 

C'est une question légitime qui a à voir avec l'autorité et le pouvoir…

Poursuivi depuis quelques temps par la monstrueuse limite d'âge, constamment refoulée, celle ci a enfin réussi à accomplir sa sinistre besogne et m'a atteint en juin dernier. Le petit sursis obtenu subrepticement jusqu'à cette rentrée ne peut plus être prolongé.

Mais si cette " LA" (limite d'âge et non liste d'aptitude) a imposé ce que l'on appelle pudiquement une cessation de fonctions, elle a, concomitamment, exigé, honneur partagé avec une population de plus en plus nombreuse,  l'inscription sur le "Grand Livre de la Dette" (malgré quelques péripéties où beaucoup ont été forcés de battre en retraite malgré leurs offensives désespérées pour avancer ou maintenir la barrière comme une ligne Maginot). Une inscription qui permet aux victimes de la "LA" et bientôt de ceux du "NA" (nombre d'annuités) d'être à la charge de tous ceux et toutes celles qu'elle n'a pas encore rattrapé et que l'on dit actifs, même s'ils sont inoccupés pour cause de chômage ou de maladie…voire de flemme aiguë.

Permettez moi de m'en excuser auprès de tous ceux qui refusent, en général, un endettement au dessus de leurs moyens; mais la loi est la loi… tant qu'elle n'a pas changé!

Si je dis victime, c'est parce que je pense qu'en ces matières (entrée et sortie d'une vie professionnelle, le choix devrait être laissé, tout en garantissant une limite selon les métiers: il m'étonnerait que chauffeur routier ou métallo ou instit en maternelle j'aurais voulu continuer…

Pour autant est-il au pouvoir de la "LA" d'obliger à cesser des activités qui, pour être moins, peu ou pas rémunératrices, n'en sont pas moins gratifiantes et même, oserais - je le dire, parfois utiles?  Non, justement et équitablement…

 

       Mais c'est insupportable de continuer à… (Madelin, Fabius et d'autres)

 

Mais non, car chaque voix à sa part de vérité; il n'y a pas que les mandarins ou les politiques (de droite, de gauche, députés ou sénateurs …) qui ont droit à la parole jusqu'à leur dernier souffle. Je compte donc profiter, encore plus qu'auparavant, d'une complète liberté d'organisation de mon temps (avantage particulièrement appréciable) pour poursuivre des activités entamées depuis 60 ans (eh oui…) et en reprendre certaines, mises en veilleuse pour cause d'obligation de réserve ou de non confusion des genres. Et ce, aussi longtemps que d'autres limites ne viendront pas imposer l'inéluctable.

J'aurais mauvaise grâce, certes, à me plaindre d'horaires moins rigides, de "missions" différentes, de temps personnels retrouvés pour la famille et les amis, de disponibilité accrue pour les échanges et les rencontres, d'activités associatives et de rythmes choisis, même s'il y a d'autres contraintes ... et surtout d'une liberté complète de parole et d'écriture…!

Et puis la "LA" ne peut aucunement signifier qu'il y a un âge limite à partir duquel vous ne pouvez plus avoir d'activités et que vous devez ainsi, à l'image des soldats qui se retirent ou fuient, signant la défaite, vous mettre à l'écart ou au rancart. Encore que, si j'en juge par les décisions récentes de ne plus prescrire au delà de 4 ou 5 médicaments pour les personnes de plus de 75 ans, on s'achemine vers de telles solutions. Bien sûr cela se comprend puisque la durée de vie s'allongeant il va bien falloir en limiter les effets désastreux pour l'économie: où est le temps béni où une grande partie des travailleurs de l'industrie mouraient avant ou juste après (s')être mis en retraite, ce qui permettait d'économiser et d'assurer les fonds pour ceux qui, grâce à leur métier (médecins, avocats, fonctionnaires, militaires, instituteurs…), pouvaient encore vivre longtemps. Comme pour les impôts directs (contribution) ou indirects, il faut prendre l'argent là où il se trouve: puisqu'il y a davantage de miséreux ou de pauvres que de riches ou aisés, c'est ceux la qu'il faut rançonner et non ceux ci. Heureusement que les évènements climatiques, genre canicule, grippe ou inondations permettent de réduire les coûts et de diminuer la masse d'ayants droits…Comme quoi les lois de la nature doivent être, elles aussi, respectées.

 

       Et pourquoi maintenant (les décideurs, les responsables, des IG)?

 

D'abord je l'ai déjà affirmé, parfois, il est vrai, sous des formes plus diplomatiques…Si j'ai attendu cette date du 23 septembre, en référence à l'an I,  pour adresser non un adieu mais un au revoir accompagné de tous mes encouragements, ce n'est pas seulement pour laisser un petit temps au temps mais aussi parce que pour beaucoup d'entre vous, contrairement à nombre de nos édiles, l'idéal républicain n'est pas une simple révérence sans conséquence mais une vraie référence fondée sur des valeurs et principes.

Malgré les difficultés de la tâche et, souvent, les incohérences administratives ou ministérielles, la plupart d'entre vous a ainsi essayé d'appliquer les orientations de la loi de 1989 et tenté d'expliciter l'enjeu et les conditions du développement de l'éducation dans une société et un monde en mutations profondes.

M'étant efforcé de ne pas pratiquer la langue de bois, je ne vais pas faire preuve d'angélisme: professionnel, je ne vais pas faire accroire que "tout le monde il est beau, il est gentil"…Pas plus chez les IEN que chez les enseignants, pas plus chez les chefs d'établissement que chez les chefs de service ou IA ou IPR, pas plus dans l'administration que dans l'Inspection générale, pas plus chez les syndicalistes que chez les journalistes… Je sais, aussi bien que vous, que nous ne sommes pas tous sur la même longueur d'onde, que nos investissements et nos motivations ne sont pas les mêmes, que certains (et certaines) travaillent beaucoup (parfois trop) tandis que d'autres mettent la pédale douce, faisant d'ailleurs parfois illusion.

 Mais, au delà des affinités, après avoir quitté des fonctions, je veux simplement apporter une impression d'ensemble, en m'appuyant sur les multiples échanges, entretiens, exposés, rencontres, débats, conversations… tenus, avec la grande majorité d'entre vous, dans des situations et cadres divers, institutionnels ou associatifs. C'était, c'est toujours, se préoccuper d'abord de l'élève qui apprend, l'élève qui est au centre des apprentissages, l'élève qui doit conquérir et construire son savoir. L'élève qui ne se dépouille pas de son vécu d'enfant ou d'adolescent dès qu'il franchit la grille… L'important n'étant pas de savoir si l'enseignant a survolé ou accompli le programme mais si l'élève possède les savoirs qui lui permettront d'être autonome et de choisir, qu'il a acquis les outils indispensables pour "réussir sa vie " (comme dit un essayiste contemporain) personnelle et professionnelle, qu'il dispose des bases pour exercer ses responsabilités de citoyen.

 

Ah oui… encore un bilan et un donneur de leçon (Responsables, enseignants, grévistes, non grévistes)?

 

Aujourd'hui, sans aucune légitimité institutionnelle autre que celle d'un engagement, je me permet de faire part de réflexions fondées sur une expérience et des convictions. Ce n'est pas un bilan, encore moins une "leçon" (de quel droit?)

Mais je sais que la période qui s'ouvre ne sera pas de tout repos, tant sur les finalités de l'éducation et de l'Ecole que sur le plan des missions et responsabilités des divers professionnels et, notamment, des IEN. [1]

Le fameux débat public, réclamé depuis des années, mobilisera t- il ou se contera-t-on de grandes messes , sera t- il sérieux ou superficiel, traitera-t-il des questions de fond ou de querelles médiatiques, sombrera t-il dans le toujours plus ou abordera t-il le enfin mieux…?

Va t-on continuer de se gargariser avec l'incantation républicaine (élitisme républicain, méritocratie, citoyenneté…) ou approfondir les réponses aux défis d'une éducation pour tous?

Serait-ce possible qu'enfin on reprenne la formule de Langevin Wallon (héritiers en l'occurrence de Jean ZAY): "former l'Homme, le Citoyen, le Travailleur". La reprendre, non pour y "coller" mais bien pour la resituer, non plus en termes (ou finalités) juxtaposés mais en termes indissolublement liés et interactifs dans une perspective d'éducation permanente (ou son avatar d'éducation tout au long de la vie) correspondant à la complexité de la pensée et de l'intelligibilité du monde.

En d'autres termes, Morin et Habermas .. et d'autres.

On peut en douter…

 

       Que diantre: un peu de réalisme, à bas l'angélisme ou l'utopie (Finkielkraut, Milner, Chevenement)?

 

 

Contrairement aux croisés de la Culture ou aux Don Quichotte des "idées simples" comme à l'armée des "Faucon Yaka", l'éducation n'est pas simple mais éminemment complexe . Il faut donc douter, mettre tout à plat, et construire des propositions puis les débattre. C'est pourquoi on ne peut se contenter de dénoncer ni tomber dans une radicalité et une opposition au nom de la seule défense d'acquis mais qu'il faut prendre parti et avancer des suggestions réalisables. Si le débat s'enlise, nous pouvons le reprendre et le mener. L'initiative conjointe de la Ligue (de l'enseignement bien sûr, pas celle du parti de la grève), de la FCPE et d'Education et Devenir me semble adaptée: organisons nous mêmes ces débats sur l'Ecole que nous voulons.

 Mais construire ce n'est pas sombrer dans la nostalgie mythique, pour ne pas dire mystique ou mystificatrice; ce n'est pas s'appuyer sur des stéréotypes ou des "émotions" (LA violence, l'Ecole ne fait pas, LA baisse de niveau, 25% d'illettrés…). Mais ce n'est pas  plus verser dans la modernité sans rivage, pour ne pas dire l'innovation pour l'innovation.

L'Ecole est, certes, en crise, reflet d'une société qui se cherche, mais elle va beaucoup mieux qu'on ne le dit (ne serait-ce que parce que l'on attend tout d'elle) et cependant moins bien qu'il ne le faudrait (puisqu'elle laisse un trop grand nombre en situation d'échec). Mais, contrairement à ceux qui affirment sans rire que "résoudre les problèmes de l'école n'est pas compliqué, il faut seulement quelques "idées simples" (lire, écrire, compter) et en revenir à l'effort et au mérite", on doit craindre les diagnostics erronés sources de remèdes pires que le mal..

Encore faut-il , justement, analyser cette crise qui est avant tout celle du sens (et de l'utilité) de l'Ecole, pour les élèves comme pour les enseignants, comme pour les parents et de la souffrance qui en résulte pour tous.

Crise renforcée par les incohérences ou les effets de mode ou des finalités affirmées par certains en fonction de leurs seuls intérêts à courte vue. Par exemple que l'Ecole doit préparer à l'emploi tandis que d'autres clament qu'elle doit épanouir; ou encore le chef d'établissement, chef d'entreprise, pour revenir ensuite au pédagogue…Sans que jamais on définisse le sens et le contenu des termes employés. Et cela sans parler de "l'innovation" qui, par définition, est fruit d'engagement, de responsabilité, de tâtonnement et de recherche, mais qui est étroitement encadrée et donc vidée de ses potentialités : innovez  mais dans le cadre que je vous fixe et sans débordements. 

Et après on vient parler d'expérimentation.

Malgré les efforts, durant un an et demi, d'un Conseil de l'Innovation, il n'a pas été possible d'imposer la reconnaissance du droit d'innover. Néanmoins, malgré ces limites, ce Conseil devenait probablement trop "dérangeant" dans ses réflexions, comme dans le soutien aux initiatives, puisqu'on l'a étouffé au prétexte que l'administration était elle même innovante….

 Le vrai débat est celui des finalités et des méthodes: à quoi et à qui doit servir l'Ecole? Finalités d'abord, contenus ensuite puis méthodes et enfin, mais enfin seulement, les structures.  [2]

Le statut des écoles d'une part, une plus grande autonomie des établissements d'autre part, s'inscrivent ainsi en bout de course, en termes de moyens de faire, et non de fins: pour répondre aux finalités, pour que les contenus soient appropriés, pour que les méthodes rendent les élèves conscients de l'utilité des savoirs pour eux mêmes et en fassent de réels apprentis, quelles structures sont nécessaires, de quoi avons nous besoin? Les réseaux d'école dans le cadre d'EPCI, le renforcement de l'autonomie des EPLE n'en sont alors que les moyens, dont il reste à définir contours, limites et modalités de fonctionnement.

Au travers de l'incertitude, qui doit être acceptée, il reste des convictions dont la première est que tout individu est éducable, que chacun peut apprendre à condition qu'on lui fasse confiance et qu'on l'accompagne à son rythme sans rien abandonner des exigences tant culturelles (accès au savoir et à une culture commune de référence) que sociales (combattre les inégalités).

Ce qui signifie d'ailleurs que l'Ecole doit (re)devenir un espace "protecteur" (havre de liberté de conscience et de parole, hors des pressions sociales ou familiales ou culturelles) et non un espace "protégé" (en dehors de la société, ignorant des pressions ou du vécu). Bref ni ouverte à tous vents, ni sanctuaire.

La deuxième est que le savoir auquel tout individu a droit, pour conquérir son autonomie, ne peut plus être simplement "présenté" ou "offert". Il doit aujourd'hui, encore plus qu'hier, être construit et approprié par l'enfant et l'adolescent dans un cadre d'échange et de coopération avec ses pairs mais aussi en relation avec les autres moments de la vie (famille, loisirs, sports, culture, activités…). La formule d'un mouvement pédagogique, "l'auto-socio construction" est encore plus d'actualité avec les recherches tant des sciences psychologiques que biologiques, notamment les neuro sciences.

Une troisième réside dans le fait qu'aujourd'hui le compagnonnage est la forme moderne de tout apprentissage et qu'il se traduit pour tous dans la notion d'accompagnement. Accompagnement de chaque élève mais aussi de chaque enseignant comme de chaque cadre, à tous les niveaux. Et un accompagnement qui doit s'appuyer sur, autant que susciter le travail d'équipe.

Un accompagnement qui rime autant avec confiance qu'avec pilotage, avec initiative qu'avec rigueur, avec évaluation qu'avec recherche. Mais, surtout, qui s'inscrit dans une démarche dynamique, en tous lieux et tous moments, celle du projet (qu'il soit personnel ou d'école, de circonscription ou d'établissement, professionnel ou politique) [3].

 

Des mots, toujours des mots… soyons d'abord pragmatiques (Ministère, Directions…)

 

Bien sûr, et continuons à multiplier chantiers et injonctions sans jamais réfléchir au bilan de ce qui a été engagé précédemment, sans regarder ce qui se fait au quotidien. Et si nous donnions d'abord du sens et ensuite du temps à ce que nous faisons?

Or le projet est d'abord un constat et une analyse, ensuite une élaboration collective  du cheminement par lequel on pense atteindre un but visé (afin de modifier et/ou améliorer une situation de départ) en fonction d'objectifs personnels ou institutionnels ou collectifs. Il ne peut être un catalogue fourre tout, modèle La Redoute ou Camif. Seul un projet - visée, peut ensuite se décliner en programmes d'actions qui s'insèrent dans cette vision donnant cohérence et s'évaluent en fonction des résultats obtenus.

Dans cette perspective, en relation avec la décentralisation ou la régionalisation (et en s'inscrivant dans une politique concrète de développement local et durable), les projets politiques d'école, d'établissement, de circonscription ne sont pas des actes administratifs, de simples obligations administratives, mais avant tout des actes de participation, de proximité et de responsabilité pour démontrer l'investissement des personnels, leur volonté d'agir sur un territoire donné pour les élèves comme pour délimiter les responsabilités et formes d'intervention de chacun .

En quelque sorte l'image, et la réalité, d'un caractère propre de l'école publique. Le partenariat n'est plus alors concurrence ou démission ou chasse aux subventions mais avant tout coordination et respect des compétences et de la professionnalité des uns et des autres.

 

Ces questions sont au cœur des politiques éducatives locales, qui vont se développer, et fondent la place et prérogatives de chaque acteur, individuel ou collectif, comme elles sont à la source d'une politique contractuelle définissant rôle spécifiques, actions complémentaires et objectifs communs des différents partenaires. [4]

C'est pourquoi, en ce qui concerne l'école maternelle et élémentaire, la mise en place des cycles (abolissant la rigidité des classes au profit de groupes à géométrie variable en fonction des compétences et capacités acquises ou visées) doit être poursuivie et surtout accélérée, pour tenir compte des découvertes scientifiques sur les modes d'apprentissage comme pour répondre aux difficultés de certains élèves.

 

Acteur, acteur: vous plaisantez? Nous sommes tous des exécutants ou des libéraux (Tous…)

 

Libéraux sûrement, comme le dit souvent A. Prost. Mais des libéraux (c'est à dire qui ne veulent aucun contrôle d'aucune hiérarchie) à statut de fonctionnaire garanti, c'est à dire irresponsables. Quant à acteur oui tout le monde l'est, hélas parfois. Mais, avant tout, il n'est pas possible de généraliser: nombre d'enseignants, de cadres, d'administratifs se sentent responsable de leur travail au regard des objectifs du système. Comme dans toute profession…

Mais, justement, le projet est le premier jalon de la responsabilité et de l'action pour une raison: en bref tout peut s'emboîter, prendre sens et cohérence, si l'on se donne la colonne vertébrale du projet, si l'on coopère et coordonne toutes les activités en prenant constamment le soin d'en évaluer les résultats…et si les élèves sont véritablement, au delà de formules de circulaires, des acteurs de leur apprentissage.

Bien évidemment il s'agit, personne ne peut le nier, d'une articulation entre l'Ecole et la société…

La référence à l'Ecole de Jules Ferry (je n'irais pas jusqu'à mimer Victor Hugo parlant des Napoléon, l'un Grand et l'autre petit…) doit être complète: elle correspondait à un projet de société fondé sur une opposition de classes (avec les risques d'affrontement), sur une culture commune de référence permettant d'arracher les masses paysannes tant à la pression de l'Eglise qu'à celle des hobereaux et de domestiquer la future main d'œuvre ouvrière, et sur une conception de la République et de la démocratie essentiellement parlementaire par la voie du suffrage universel.

Rappelons nous les séquences de morale autant que les images hygiéniques ou d'Epinal. Souvenons nous aussi que sous le suffrage universel, il ne s'agissait, jusqu'en 1945, que de la moitié masculine… En d'autres termes c'est renouer avec Ferry (Jules) que de repenser l'Ecole en relation avec un projet de société…qui n'est pas obligatoirement le même. Ce que semblent "oublier" nos républicains, de quelque rive qu'ils soient. Et attention, toujours aux mots, le "national socialisme" était il socialiste? Les "démocraties populaires" étaient elles démocratiques?

Sur ce plan, s'il y a de telles relations entre Ecole et société, on comprend mieux pourquoi l'Ecole (et l'éducation) est à la fois un enjeu politique et un terrain de conflits qu'il faut aborder clairement sans s'abriter derrière des faux fuyants ou des présupposés non explicites. Et l'on retrouve ici tous les choix qui dépendent de convictions philosophiques ou religieuses, d'idéologies (surtout lorsqu'elles prétendent ne pas en être), d'intérêts personnels ou de groupes, de situations sociales …. Transformer des usagers en clients, par exemple, n'est pas plus anodin que de parler de "métier" d'élève ou… de parent.

Nous sommes bien au cœur de la politique, entendue dans son sens de choix de vie sociale et de rapports entre individus et collectivités (ou de communautés?). Choix pour lesquels, aujourd'hui, on ne peut plus se contenter d'une démocratie représentative (soumise aux aléas médiatiques et politiciens) influencée par des experts sans contrôle et des sondages sans lisibilité laissant cours à toute démagogie et à un "clanisme" constituant d'écuries présidentielles…

Peut être que l'Ecole pourrait participer, par ses pratiques, (conseils, coopératives, élaboration des projets, productions d'élèves, apprentissage du débat…) de l'émergence d'une démocratie délibérative et participative? A  condition que des zones de pouvoir (que peut on décider dans la classe, dans l'Ecole…?) soient instaurées et de ne pas sombrer dans la réunionnite aiguë…

Peut être, aussi, à condition que se constitue une nouvelle association de chasseurs, défenseurs d'une écologie de la  pensée: les chasseurs d'idées reçues…

 

On peut rêver….

Et tenter que le rêve devienne, au moins en partie réalité?

Ne vaut il pas mieux rêver et agir pour essayer de construire, plutôt que se plaindre, réclamer et dénoncer… en attendant de disparaître (pensons à la sidérurgie…)?

 

Renouons avec la filiation tant de l'Université populaire qu'avec l'Education nouvelle, des Condorcet, Cousinet, Montessori, Freinet, Gloton, Kergomard, Legrand, Monod, Schwartz… et tant d'autres qui ont su mettre en relations constantes convictions, propositions, prises de risques et actions.

 

JCG

Quintidi sanculottide 209

 

 

 



[1] Comment l'éducation, et le système scolaire,  pourraient ils  échapper aux bouleversements sociaux et culturels?  Comment pourrait  elle rester à l'écart du "règne de la marchandise" et ne pas se poser la question de son efficacité au regard de quelles finalités?

[2] L'article de Suzanne Citron "Repenser les questions du savoir et de l'imaginaire social" dans Libération du 18 septembre, pose à l'évidence ces problèmes fondamentaux. Cela fait d'ailleurs   des années, sans remonter aux colloques de Caen et d'Amiens, que quelques voix les posent….

[3] Voir les circulaires  du  secrétariat  d'état à l'enseignement technique, de juin juillet 1988, qui définissent la politique  et la démarche de projet,  dans la logique du séminaire  de Souillac (octobre 1982),  que l'article 18  de la Loi de 1989 reconnaîtra.

[4] Sur ce point il  est temps de considérer que tout établissement  (école, collège, lycée..) est à la fois un équipement collectif, un lieu de vie ET un lieu de travail sur un territoire donné (obéissant à une politique locale des collectivités), avec un recrutement particulier (lié à l'habitat), un environnement spécifique (lié à la géographie et l'économie)… Ce qui suppose qu'il soit intégré à une politique éducative locale et que les différents acteurs (élus, professionnels, usagers…) confrontent et élaborent ensemble leurs  objectifs et leurs projets. L'angle d'attaque de l'ergonomie scolaire, proposé par le Conseil de l'Innovation, peut y aider…


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