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De : artsoc@horschamp

De : artsoc@horschamp.org [mailto:artsoc@horschamp.org]

Envoyé : jeudi 3 juillet 2003 19:03

À : bd@bernard-defrance.net

Objet : Intermittents: Contribution au débat

 

Voici une "modeste contribution" au débat sur les intermittents.

 

Les marchands du temple

 

Au secours, les festivals d'été sont menacés par les intermittents !

Ministres et collectivités locales s'affolent. Doit-on applaudir à un brutal

éveil des consciences de nos gouvernants, soudain soucieux de que le geste

artistique apporte à une collectivité ? Rassurons nous, il ne s'agit surtout

pas de cela. La logique de maquignons qui nous gouverne - et qui n'est hélas

pas l'apanage de la seule droite dure - s'inquiète uniquement des retombées

économiques menaçant les villes festivalières.

Ces cris d'orfraie prêteraient à rire, s'ils n'étaient révélateurs du vide

abyssal de la réflexion politique sur le rôle de l'art et la culture dans la

société.  Un an de gouvernement Raffarin précipite l'enterrement - hélas

amorcé auparavant - de cinquante ans d'exception culturelle française.

Inutile d'invoquer les dangers pourtant bien réels de l'AGCS et de l'OMC :

pour enterrer dans les cerveaux son exception culturelle, la France n'a eu

besoin de personne. Même le directeur du Festival d'Avignon geint sur les

retombées dramatiques d'une éventuelle annulation du festival...

 

Qui eût cru que ces gueux d'intermittents cossards, ces privilégiés, étaient

à la source d'une manne considérable de retombées économiques pour le

développement de nos villes et nos campagnes ? Parlementaires et maires de

droite, si prompts à leur couper les vivres et si soucieux de réduire les

dépenses publiques supposées " improductives " de la culture s'en sont bien

gardés. Gestionnaires à la petite semaine des deniers publics toujours

rognés à la création et l'action culturelle, ils découvrent aujourd'hui que

leurs " forces vives " commerçantes survivront difficilement à l'asphyxie de

la culture...

 

La mission essentielle de la création et de l'action culturelle, encore pour

quelque temps soutenue par des fonds publics, est désormais clairement

définie : promouvoir le tourisme et arrondir le chiffre d'affaires des

boutiquiers.

 

Qui, parmi les artistes et acteurs culturels, osera répondre crânement : " On s'en moque ! " ?

Qui dénoncera ce glissement sémantique qui a vu  " l'ingénierie culturelle "

transformer les artistes en  agents du développement économique local et en

joyeux ornements de la prospérité touristique !

 

On ne peut qu'admirer le zèle avec lequel les multiples formatages des " managers culturels " ont devancé les classifications de l'OMC, pour laquelle

la culture a tout simplement disparu corps et biens, bibliothèques, musées,

théâtres et cinéma ne relevant plus que du " tourisme " et du " récréatif ".

Le chœur des pleureuses sur les " retombées dramatiques " de l'annulation

des festivals montre avec quelle longueur d'avance les élus de tous bords

ont intériorisé ces catégories. Le populiste Georges Frêche n'ayant rien

à envier à cet égard à la très droitière maire d'Avignon.

 

Oserons-nous nous exposer aux ricanements gras des dircoms en rappelant que

le geste artistique est d'abord porteur de sens dans la communauté ? Que

l'utilité de l'art est celle de l'inutile et qu'il reste une zone de

gratuité à préserver dans la société marchande ?

 

Merci aux intermittents de mettre le feu aux poudres, après l'asphyxie du

mouvement social sur les retraites. Merci à ceux qui prennent le risque -

qu'ils risquent de payer démesurément - d' aller jusqu'au bout, de révéler à

une société l'inanité de ses priorités et de ses calculs à courte vue. Merci

à ceux qui ne cèdent pas au chantage consensuel de leurs employeurs

opportunistes et qui s'obstinent à revendiquer le sens de leur place dans la

société, hors de toutes " retombées économiques ".

 

Valérie de Saint-Do

Pour le groupe REFLEX(E)


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