Deux
bombes…
11
septembre 2001 - journal de 19 heures (extraits)
Ce 11 septembre 2001 restera historique dans nos mémoires : deux
véritables bombes ont en effet explosé.
La première a été annoncée par une dépêche de 14 h 52. Pas moins de 40
000 enfants meurent chaque jour dans le monde en raison de la malnutrition ou
d’infections médicales. Cela représente le chiffre phénoménal annuel de 14
millions par an. Tous les parents qui nous écoutent ne manqueront pas d’être
d’autant plus horrifiés que la plupart de ces enfants pourraient être sauvés si
le minimum vital leur Ă©tait garanti. Vingt milliards de dollars seraient
nécessaires pour assurer la nourriture, l’eau, l’éducation, les soins et le
logement aux 1,3 milliards de personnes vivant avec moins d’un dollar par jour.
Cette somme est énorme. Mais c’est à peu près ce que le monde dépense tous les
dix jours, en armements.
Quelques minutes plus tard, Ă 15 h 10, nous recevions sur nos
téléscripteurs la seconde terrible annonce : en Afrique subsaharienne, 8%
de la population est infectée par le virus du Sida. Pour se représenter la
situation, c’est comme si, en France, quatre millions de nos concitoyens
étaient concernés (ils ne sont « que » 110 000). Aucun soin ne
pouvant leur être prodigué du fait des prix prohibitifs pratiqués par les
grands trusts pharmaceutiques, une longue agonie attend près de quarante
millions de femmes, d’hommes et d’enfants dans les années à venir.
Reprises de minutes en minutes par les médias, ces informations choc
ont contraint les journaux Ă refondre leur une, les magazines Ă y consacrer
d’importants dossiers, les radios et les télés à diffuser tout au long de la
journée des flashs spéciaux. Des slogans ont fleuri sur des t-shirts ou sur des
banderoles accrochées sur les maisons : « Nous sommes tous des
enfants du tiers-monde » ou encore, « Je suis solidaire des quarante
millions d’êtres humains condamnés en Afrique, et toi ? »
Dans les écoles les enfants traumatisés ont longuement parlé de ce que
le monde des adultes avait fait de leur puissance. Des collectes ont été
organisées. Un deuil mondial de huit jours a été programmé. Les drapeaux ont
été mis en berne. Trois minutes de silence ont été respectées sur tout le
territoire européen.
Les autorités politiques du monde, saisies par leurs opinions
publiques, ont du réagir : le premier ministre italien a parlé d’un G7
consacré à la lutte contre la misère. Les pays industrialisés, USA en tête, qui
avec 20% de la population mondiale consomment jusqu’à présent 80% de l’énergie
disponible, devront à terme décider une révision déchirante de leur politique
Ă©conomique, faisant plus de place aux plus pauvres. La puissance
nord-américaine qui avait au cours des cinquante dernières années porté le feu
et le sang aux quatre coins du monde, fomentant coups d’État, attentats et
massacres de populations, devra reconnaître ses responsabilités. Son président
pourrait, dans une allocution devant le Congrès, affirmer par exemple :
« Nous, qui revendiquons de dĂ©fendre le Bien contre le Mal, commençons dĂ©jĂ
par sortir de notre égoïsme de grande puissance. »
Dépêche de dernière minute : trois avions kamikazes viennent de
se précipiter sur des bâtiments civils et militaires aux USA. On déplore
plusieurs milliers de morts. Les auteurs de ces attentats seraient des fanatiques
religieux. Passons maintenant aux affaires intérieures en France : la
polémique fait rage autour des voyages présidentiels privés, payés en liquide
(…) et toujours la violence à l’école : dans un lycée de
Seine-Saint-Denis, un professeur a reçu le contenu d’une bouteille d’eau,
lancée par un jeune cagoulé qui avait fait irruption dans son cours…
Marc Jenquintesti,
Journal du Droit des Jeunes, n°
208, octobre 2001,
avec l’ajout des trois dernières lignes par Bernard
Defrance,
par autorisation spéciale de l’auteur pour la publication
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