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VIOLENCES, UNE REALITE COMPLEXE

 

 

VIOLENCES, UNE REALITE COMPLEXE

 

Intervention devant les Francas le 18 décembre 2003

 

par Jean - Louis AUDUC

Directeur - adjoint de l'IUFM de Créteil

 

Parler de la violence, c'est évoquer les conduites agressives, le climat de tension, c'est aussi voir qu'un établissement se situe dans un territoire et que des actions de prévention dans un établissement pour être efficaces ne peuvent se concevoir qu'en synergie avec l'environnement de l'établissement.

 

La situation des établissements scolaires est mieux connue depuis la mise en place du logiciel SIGNA à la rentrée 2001 qui a pour vocation de recueillir toutes les données des écoles, collèges et lycées concernant les actes violents connus dans les établissements.

L'analyse des données montre que plusieurs approches sont assez révélatrices concernant le développement important ou non de comportements violents ou agressifs dans un établissement scolaire.

 

Je souhaite dans cette intervention présenter un certain nombre de réflexions pour essayer de saisir ce que sont aujourd'hui les violences.

 

 

1) Violences ou violence

 

Il me semble préférable de concevoir violences au pluriel plutôt qu'au singulier. Plutôt qu'une violence, il y a différentes formes de violence avec des caractéristiques différentes.

 

Une violence, c'est une rupture du contrat social , c'est une agression contre une personne ou contre des biens, c'est un refus de l'autre, du vivre ensemble.

La violence, c'est aussi un ressenti de celui qui en est victime qui implique de prendre en compte ce qu'il a subi quelles que soient les conditions dans lesquelles la violence s'est produite.

 

Il faut faire attention à ne pas trop globaliser la notion de violences. Je suis de ceux qui sont très méfiants vis-à-vis de la notion de « violences verbales ». L'injure, on sait ce que c'est… Une violence verbale, ce peut être une agression verbale, condamnable et donc à réprimer, mais ce peut être aussi une phrase dite un peu forte, sans intention d'agression. Considérer les deux formes de la même manière peut conduire un jeune à refuser de s'exprimer, de parler…

Pourtant, tant qu'on est dans le dialogue, la parole, l'argumentation, on n'est pas dans la violence physique.

Un conflit verbalisé peut aboutir à un compromis positif, bien préférable à un consensus mou qui peut très vite se déchirer et aboutir à des violences.

 

Il faut sans doute également considérer comme des violences, les climats de tension entre élèves, entre enseignants et enseignés, producteurs de stress existant dans certains établissements scolaires.

 

Les violences des jeunes, ce sont aussi les auto-violences des jeunes, les conduites suicidaires ou à risques…..

 

 

2) Les violences, des phénomènes qui se sont modifiés dans l'histoire

 

Le seuil de tolérance vis-à-vis des violences s'est modifié dans l'histoire.

Le seuil de tolérance est différent dans une société rurale où la violence peut s'exercer dans les espaces non peuplés, rester connu des seuls habitants d'un village, et une société urbaine et de communication où la moindre violence est médiatisée et s'exerce dans des espaces peuplés.

 

La perception de la violence des jeunes a également évolué : qu'on songe aux violences entre jeunes ruraux évoquées dans La guerre des boutons de Louis Pergaud et acceptées par la société de l'époque ! Qu'on songe également à la violence des « monômes » des lycéens ou les quelques dizaines de bacheliers de l'époque « jetaient leurs gourmes » en affrontant les forces de police…

 

La vie moderne amène également d'autres formes de violences. Ainsi, on parle beaucoup aujourd'hui parmi les formes de violences existant dans la ville, du bruit.

Le bruit ressenti par beaucoup d'habitants comme une violence insupportable est, par exemple, très lié au fait qu'aujourd'hui les rythmes de vie des citadins n'est plus uniforme comme il y a cinquante ans ou l'on se levait vers 6/7 heures et l'on s'endormait vers 22 heures. À présent, les uns se lèvent, partent, parlent, quand les autres dorment et vice-versa, ce qui provoque tensions et sentiments d'agression par les bruits…

 

 

3) Les enjeux du vivre ensemble

 

Les jeunes de nos villes, de nos quartiers, sont souvent devant un « grand écart » d'identités ambivalentes et floues : ni d'ici, ni d'ailleurs.

Ils ne se reconnaissent pas par rapport à la globalité de la Ville, souvent une juxtaposition d'espaces où ségrégations sociales et spatiales se mêlent. Ils ont donc tendance à rechercher une culture d'identification en se repliant sur des groupes ethniques, religieux, voire des sectes…

Cette ségrégation spatiale est productrice de violences, d'où l'enjeu de créer des espaces de mixité dans la ville.

L'école se doit d'être cet espace de mixité sociale permettant le « vivre ensemble » et rejetant les replis communautaires.

 

La ghettoïsation de certains quartiers pousse au refus de l'autre et produit donc une certaine violence. Quand j'évoque ce phénomène, je pense à tous les ghettos, y compris à ceux des nantis qui, sous divers prétextes plus fallacieux les uns que les autres, refusent l'implantation près de chez eux d'un centre pour handicapés, d'une structure pour toxicomanes ou demandeurs d'asile……

 

 

4) Que peut-on qualifier de « conduites à risques » ? Quelle(s) place(s) pour l'aventure ; quels espaces pour canaliser, réguler les conflits ? Comment confronter le jeune très tôt aux risques ? Quels enjeux du travail sur les risques et les limites ?

 

 

Les phénomènes de violence, ce sont aussi les phénomènes d'autodestruction (suicide, anorexie) les conduites à risques ( consommation de drogues, recherche de sensations fortes…), l'absentéisme.

Ces phénomènes doivent être suivis avec attention. Les élèves en danger doivent nous préoccuper autant que les élèves dangereux, d'autant plus qu'ils se confondent parfois.

Des actions de prévention menées très tôt dans ces domaines peuvent permettre de construire dans la suite du cursus des actions de médiation entre jeunes et de lutte contre les conduites agressives.

 

La société se veut de plus en plus aseptisée. Elle refuse de plus en plus la notion de « risque ». Ce type de comportement fait qu'aujourd'hui le jeune adolescent, la jeune adolescente a de plus en plus tendance à rechercher en dehors des activités un tant soit peu contrôlées, la prise de risque, la recherche d'aventures, de sensations « fortes ». Est-ce que les difficultés, la multiplication des textes pour les encadrer, concernant l'organisation de sorties à bicyclette avec les élèves, la mise en place de campings dans la nature, etc., ne poussent pas les jeunes à se chercher eux-mêmes, ou en bande, leurs limites... en conduisant à grande vitesse, en prenant l'autoroute à contresens, en recherchant des « excitants » ?

 

 Pourquoi y a-t-il de moins en moins de « terrains d'aventure » et de plus en plus des installations « aseptisées » aux normes dans nos villes ?

Il ne s'agit pas de prôner le laisser-faire, le laisser-aller, le n'importe-quoi, mais de réfléchir sereinement à l'articulation entre absence d'espaces, de temps pour canaliser les énergies, les pulsions et montée des pratiques de « jeux extrêmes ». La compétition sportive ne peut servir de seule réponse à ces besoins.

 

Nous sommes dans un paradoxe : nous voulons prévenir la violence, les conduites à risques et nous supprimons ou rendons extrêmement difficiles de nombreuses occasions de régulations de risques conflictuelles dans un groupe de jeunes en réservant une portion congrue aux jeux, aux « sorties d'aventure »,... qui peuvent permettre de pacifier et de transformer les pulsions agressives.

Qu'on y songe ! Quel serait aujourd'hui le sort réservé par les institutions aux enseignants, aux élèves décrits par l'instituteur Louis Pergaud dans La guerre des boutons ? Nul doute que le procureur de la République serait saisi...

 

Les familles se rendent-elles compte qu'un risque calculé, encadré, peut permettre d'éviter que des jeunes n'aillent rechercher des sensations extrêmes du type du jeu du foulard... et que quelques plaies ou bosses, des déchirures dues aux ronces en forêt, peuvent être le prix à payer pour que le jeune se confronte à l'aventure, aux risques, à ses limites, et n'essaient pas de le faire, seul ou en bande, sans aucun contrôle !

 

Travailler avec un jeune sur les risques et les limites, c'est aussi lui permettre de ne pas garder pour lui les paroles nécessaires en cas d'agressions ou de rackets.

 

Mettre le jeune en situation de rompre la loi du silence implique de ne pas le culpabiliser, de ne pas lui faire sentir qu'il peut être pour quelque chose dans son agression.

 

De ce point de vue, le responsabiliser, lui faire prendre conscience de ses limites, de la nécessité de gérer des risques, ne pas lui donner l'impression que la société est aseptisée et sans aucun risque, peut lui permettre de prévenir la violence et pour le moins de ne pas se taire si celle-ci se produit y compris à son encontre.

 

 

5) Quelle(s) construction(s) de seuils initiatiques pour aider le jeune à se responsabiliser ?

 

 

Dans la construction de sa personnalité, le jeune qu'il soit garçon ou fille a toujours eu besoin de seuils d'initiation, de rites d'intégration. Ceux-ci ont longtemps été religieux (confirmation, communion...), puis civique (les « trois jours » pour les garçons). Aujourd'hui, il n'existe plus que deux rites initiatiques pour marquer la fin de l'adolescence : le baccalauréat et le permis de conduire.

 

Pour comprendre le rôle initiatique pour une classe d'âge que représente le baccalauréat, il suffit de penser à l'utilisation que les médias audio-visuels font de cet examen (sites internet, émissions, fêtes...).

Conséquence de cet aspect initiatique du baccalauréat, symbole d'une classe d'âge : l'exclusion , la marginalisation par les médias de ceux qui n'y parviennent pas parmi les jeunes de la classe d'âge.

 

Il est important pour l'école de travailler sur les seuils et les ruptures tout au long de la scolarité.

L'accès à la puberté est notamment une étape importante dont il est essentiel que l'école tienne compte.

Ce n'est pas pareil de présenter des conduites de rupture avant 15 ans et après 15 ans.

 

Créer dans l'école des rites permettant d'indiquer les passages de tels ou tels seuils peut être une démarche intéressante évitant que ces rites nécessaires soient le fait de bandes, voire de sectes face à une absence de projet global de vie en commun dans le futur.

 

 Face à une telle situation, il est important que la société s'interroge sur ce qui peut redonner sens à du collectif.

 

-                N'avons-nous pas trop rapidement abandonné des rites collectifs ? La construction de la personnalité,  le sentiment d'appartenance à un groupe, à un établissement, à une nation passe par des rites.

S'il n'y a plus aucun rite organisé par la société, ceux-ci passeront par d'autres : la bande, les groupes ethniques ou religieux…

Il est important que de tels rites intégratifs puissent exister :

·                Pourquoi ne pas organiser des distributions de prix dans les écoles, collèges, lycées ? Cela valoriserait les élèves en réussite scolaire .

·                Pourquoi ne pas organiser des cérémonies dans le lycée ou la mairie pour tous les jeunes ayant la majorité dans l'année ?

 

-                L'appartenance à un collectif est un élément important du vivre ensemble. Pour dépasser les tensions communautaires, il faut proposer les éléments d'une appartenance collective.

L'établissement scolaire public doit se concevoir comme porteur d'un projet collectif approprié par tous, élément d'un projet national collectif.

Donner le sentiment qu'on appartient à un collectif doit être au cœur des projets d'établissements.

 

 

6) Combattre le grand écart entre le dire et le faire

 

Des conduites violentes peuvent également être suscitées par le fait de principes, de valeurs présentées à l'école et qui apparaissent comme non appliquées et même comme méprisées par la société.

Ce grand écart entre le faire et le dire est un facteur d'incompréhension pour les pratiques de ces valeurs dans l'école.

 

Il faut donc en permanence rappeler qu'il ne suffit pas que des principes soient inscrits sur des murs ou dans des lois pour qu'ils s'appliquent spontanément. Liberté, égalité, fraternité, laïcité, justice égale pour tous restent des horizons à atteindre.

Développer la vie associative, les pratiques collectives, dans l'établissement scolaire, dans les centres de loisirs est un enjeu essentiel pour que le jeune se situe dans une situation de responsabilisation et d'action par rapports aux principes républicains qui fondent notre vécu commun.

 

Soyons-en conscients, l'école voit souvent les principes qui la guident détricotés en permanence par les médias, notamment la télévision, la télé-réalité, qui fonctionne sur l'individualisme, la compétition à outrance, le rejet, le mépris de l'autre…

Être conscient de cette situation implique que l'école et ses partenaires comme les associations complémentaires se vivent non comme de simples récepteurs de ce qui se passe à l'extérieur, mais comme des émetteurs de valeurs vers la cité.

C'est un enjeu d'autant plus fondamental que comme le dit le sociologue Jean Viard « Au cours d'une vie, on passe 30 000 heures à l'école, 63 000 au travail et 96 000 devant la télé… »

 

 

7) Des personnels stables, gage de bon fonctionnement d'une école

 

Les actes de violence sont moins nombreux dans les établissements où les personnels sont stables.   

S'il y a un fort turn-over des enseignants dans une école ou un collège, le projet d'établissement, le règlement intérieur, la mémoire de l'établissement n'est appropriée concrètement par l'équipe qu'en novembre.

Si les personnels sont stables, c'est dès septembre que les projets et la mémoire de l'établissement sont appropriés par les personnels.

Dans le premier cas, novembre - décembre sont des mois de forts conflits avec les élèves qui eux, depuis la rentrée, se sont construit leur mémoire et des projets particuliers et collectifs hors des règles.

 

 

8) La diminution dans un collège des « passages à l'acte » violents ne veut pas toujours dire apaisement des tensions :

 

 « Il y a stabilisation des actes de violence, mais pour autant le climat n'est pas apaisé. (...) On est souvent sur le fil du rasoir avec des équipes pédagogiques et éducatives extrêmement mobilisées pour éviter l'explosion et anticiper les situations violentes. Certains éléments laissent à penser qu'il y a un certain report de la violence hors de l'établissement scolaire comme le montre l'augmentation des actes de délinquance des jeunes recensés par les commissariats. » ( Jean-Louis Auduc, Le Monde 22 décembre 2001) 

 

Il semble que pour certains élèves, l'école n'est pas le lieu de passages violents à l'acte, de rackets parce que le développement des surveillants, des aides-éducateurs, les bonnes relations école-police-justice ont rendu ceux-ci plus « risqués ». Plus de 70% des actes violents commis dans les collèges, voient leurs coupables démasqués et signalés aux autorités judiciaires et policières. Pour ces élèves, il est plus « simple » de passer à l'acte à l'extérieur ou le taux d'élucidation et de signalement est moindre…

 

Ce phénomène de transfert du lieu de passage à l'acte de l'intérieur vers l'extérieur peut d'ailleurs amener pendant la journée à une montée de tensions entre groupes, bandes rivales dans le collège qui ne se traduira pas par des passages violents à l'acte, mais qui peut pourrir l'atmosphère du collège.

   

9) La fracture sexuée

 

C'est une préoccupation importante dans les établissements scolaires.

Les écarts en terme de réussite scolaire s'accroissent entre filles et garçons et les violences faites aux filles également.

Le rapport au savoir, à l'institution scolaire des filles n'est pas le même que celui des garçons. Quand on regarde les statistiques, on s'aperçoit que les garçons sont extrêmement majoritaires parmi les élèves de SEGPA, les jeunes sortant sans qualification, les ''décrocheurs''.

L'écart s'accroît chaque année entre les filles et les garçons concernant la réussite scolaire. Près des 3/4 des filles arrivent au niveau du baccalauréat alors qu'il n'y en a qu'un peu plus de 55% chez les garçons.

 

Il y a là un sujet de réflexion important pour tout éducateur, notamment dans l'académie de Créteil : comment gère-t-on la mixité ? Comment traitons-nous avec un corps enseignant très majoritairement féminin, cet échec scolaire, ce décrochage masculin ?

 

« Les comportements sont de plus en plus différenciés entre les filles et les garçons. Entre les deux sexes, l'écart s'accroît en terme de réussite scolaire. Les filles, peu ou mal reconnues dans la famille, ont surinvesti dans l'école et elles y sont reconnues. À l'inverse, les garçons sont souvent reconnus dans leur famille, mais ils vivent une crise identitaire dans l'école, que l'institution ne sait pas gérer ou gère mal. Certains garçons sont déstabilisés. Ils ne restent alors que leur pouvoir physique et sexuel » (Jean-Louis Auduc, Le Monde, 22 décembre 2001).

 

Notre société doit s'interroger sur le fait qu'aujourd'hui, entre 2 et 18 ans, les jeunes ne vont rencontrer pour travailler avec eux que des femmes : professeurs, chefs d'établissements, assistantes sociales, infirmières, médecins généralistes, employées de préfecture ou de mairie, voire juges, tous ces métiers sont très majoritairement féminins. Au fond, les seuls métiers masculins de proximité sont les policiers… Cette situation peut entraîner une crise d'identité pour certains garçons qui peut amener certains à manifester leur masculinité par la force et la violence, voire à être tentés par des idéologies rabaissant le rôle de la femme… 

 

 

 10) Un travail en commun de toute la communauté éducative

 

Faire que tous les adultes de l'établissement aient un discours cohérent est un enjeu important pour toute la communauté éducative.

Cela implique que chacun, de l'aide éducateur à l'enseignant, du personnel administratif à l'équipe de direction, soit conscient qu' :

-                il faut une cohérence entre le dire des discours et le faire du travail quotidien ;

-                il est nécessaire que chacun dans ses activités applique les mêmes règles que l'autre, ait le même seuil de tolérance concernant ce qui est inacceptable, non négociable.

Il est fondamental que l'élève ressente que tout l'établissement, toutes les heures de cours fonctionnent selon les mêmes règles. Les règles fonctionnant dans l'école n'étant déjà pas les mêmes que celles fonctionnant dans la rue, dans la cité ou évoquées dans les médias, il est difficile pour les élèves de se les approprier, s'ils ressentent que, concernant par exemple les retards, le rendu des devoirs, les injures, il y a une règle en français, une en mathématiques, une en EPS, etc..

 

Cela ne peut que déstabiliser les jeunes et rendre plus difficile l'exercice du métier enseignant. Cette caractéristique des établissements français ou la règle varie souvent selon les enseignants apparaît dans les enquêtes internationales comparatives.

La France n'apparaît pas différente par rapport aux autres pays européens concernant les actes de violence, mais elle l'est sur un point : 53% des élèves français (c'est moins de 20% ailleurs) jugent que la sanction infligée a été injuste, car l'interdit n'avait pas été explicité. Lorsqu'on donne une sanction, il faut se dire qu'il est important que celui qui reçoit la sanction, comme les autres élèves de la classe, comprenne la justesse de la décision.

 

La construction d'un seuil de l'intolérable commun à toute l'équipe éducative implique la construction d'un compromis entre tous les personnels où chacun apporte sa vision mais accepte de pratiquer, dans sa classe, dans son atelier, la loi commune. Il faut se garder de penser qu'un simple consensus sans réflexion de toute l'équipe de l'établissement puisse y suffire.

 

 

 11°) Faire des élèves des acteurs de prévention

 

Dans le même ordre d'idée, la prévention de la violence passe également par le fait que les élèves soient des acteurs de prévention.

Pour faire des jeunes des acteurs de prévention, pour travailler avec eux sur les techniques de médiation, il est nécessaire non seulement de les initier au droit mais de prendre en compte la parole des jeunes, de l'écouter, de mettre en place un apprentissage de l'argumentation.

Initier au droit, comprendre les sanctions est important, mais l'est également le travail sur les valeurs et leur vécu.

Je ne développe pas ce point qui sera au cÅ“ur de l'atelier 4 avec des questions importantes comme « Comment donner aux enfants (comme aux adultes) des compétences relationnelles et sociales ? Comment aider certains enfants à accepter la contrainte de la loi sans soumission, mais comme contrat indispensable pour « vivre ensemble » ?

 

 

12)  Travailler en réseau et en partenariat

 

Les premiers partenaires de l'école sont les familles qui sont membres de l'équipe éducative de l'établissement. Travailler avec les familles, c'est notamment partager avec elles les savoirs concernant l'organisation, le fonctionnement, les programmes de l'école, rendre l'école plus transparente, mieux reconnaître les parents et leurs associations, agir avec les associations complémentaires de l'école.

 

Ce partenariat est d'autant plus indispensable que le jeune ne peut pas se découper en tranches suivant les heures de la journée et que, souvent, les centres de loisirs ont lieu dans les mêmes locaux que les activités scolaires.

 

Un travail en réseau  implique par exemple qu'un enseignant, dans le cadre de son travail et de ses missions, joue un rôle d'aiguilleur des demandes des jeunes. L'enseignant doit indiquer face à des problèmes soulevés par des jeunes, les personnes ressources existant dans l'environnement susceptibles de répondre à leur besoin. Il doit également leur montrer qu'il est en contact avec l'institution ou le professionnel auquel il les adresse.

Le partenariat ne doit être pour personne d'essayer de se substituer à d'autres institutions. Travailler en partenariat, ce n'est pas se chevaucher ou se superposer, mais s'additionner en complémentarité pour donner plus aux publics concernés, et notamment de la cohérence aux actions menées sur le même territoire.

 

 

L'éducation a la citoyenneté

 

 

L'éducation a la citoyenneté ne doit pas être une cerise sur le gâteau, mais être au cœur des apprentissages et un outil de réussite scolaire.

Elle s'adresse à tous les élèves, à tous les établissements et pas uniquement à ceux réputés en difficulté. Elle n'est pas le fait que des heures d'éducations civiques.

Il s'agit de donner du sens à l'école, de valoriser les réussites dans leur diversité, donc y compris dans la vie professionnelle qui n'est plus une impasse, mais dont tous les diplômes ont une double finalité : l'entrée dans une profession et la possibilité de poursuivre des études pour continuer à gravir l'escalier social.

L'école doit valoriser ceux qui grimpent, grâce à leurs efforts, l'escalier social, montrant ainsi que suivre les règles, c'est payant.

Dans les quartiers défavorisés, il n'y a pas que la délinquance et de l'échec scolaire. Un nombre de plus en plus important des élèves de ces quartiers réussissent leurs parcours scolaires et s'insèrent positivement dans la société. Même si ces élèves restent une minorité, celle-ci est de plus en plus importante et significative.

 

Il s'agit de redonner espoir à des jeunes et à leurs familles, de leur montrer qu'ils ne sont pas fatalement assignés à résidence à perpétuité dans l'assistanat.

 

Les pratiques de citoyenneté à développer.

 

Les pratiques de citoyenneté dans toutes les disciplines doivent donc reposer sur :

·                des valeurs non négociables qui sont les fondements d'un fonctionnement social démocratique : refus du racisme ou du sexisme, respect des droits de l'homme, etc. ;

·                une réflexion sur ce qu'est le bien commun, l'intérêt général, qui n'est pas la somme des intérêts particuliers ;

·                des pratiques de médiation concernant la gestion des conflits dans un cadre clairement identifié et reconnu par tous les partenaires ;

·                un apprentissage de l'argumentation, du débat, base de la vie démocratique. La minorité a le droit de conserver ses idées, mais elle doit accepter les lois, les règles, les règlements définis par la majorité.

 

Elles reposent également sur une laïcité présentée, explicitée, développée pour et avec tous les élèves.

 

Défendre la laïcité, c'est défendre la liberté de conscience, c'est promouvoir l'universalisme et les droits de la personne humaine.

L'enjeu de la laïcité c'est la construction d'un projet collectif :

-                approprié par tous,

-                reposant sur un vivre ensemble que ne nie pas d'où l'on vient et ce qu'on est, mais qui sache où l'on va et sur quelles valeurs.

 

 

 

Jean-Louis AUDUC

Directeur-adjoint de l'IUFM de Créteil

 


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