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Ö Proposition 10

 

 

Argumentaire pour les

dix propositions

du CRAP-Cahiers PĂ©dagogiques

 

Proposition 1

La nation, en liaison Ă©troite avec le monde enseignant, doit dĂ©finir ce qu’elle attend des Ă©lĂšves en terme de connaissances et de compĂ©tences fondamentales Ă  la fin de la scolaritĂ© obligatoire. Les capacitĂ©s de lecture et d’écriture sont essentielles mais les fondamentaux, c’est aussi aujourd’hui, par exemple, savoir s’exprimer Ă  l’oral, utiliser les nouvelles technologies, dĂ©coder les images, connaĂźtre les risques pour l’environnement


C’est Ă  travers le travail sur ces compĂ©tences que les activitĂ©s scolaires prennent davantage de sens.

 

Argument 1 : des connaissances Ă  rĂ©duire

Si l’on parle de socle commun ou de compĂ©tences de base on admet qu’un choix est Ă  faire parmi les connaissances disponibles. On ne peut plus aujourd’hui raisonner par accumulation. Il faut faire un tri afin d’aboutir Ă  un minimum de connaissances alors qu’on a eu tendance Ă  superposer des couches successives de connaissances Ă  acquĂ©rir. Ce tri devrait permettre d’aboutir Ă  une granularitĂ© Ă©lĂ©mentaire et Ă©volutive, qui ne peut ĂȘtre dĂ©cidĂ©e une fois pour toutes ni de façon uniforme. D’autre part rĂ©duire propose une autre dimension Ă  celle du tri et de l’élimination, celle de la synthĂšse. De quelle maniĂšre peut-on regrouper des connaissances ou bien choisir une connaissance comme exemplaire ?

 

Argument 2 : des critĂšres Ă  dĂ©finir

La masse des connaissances s’accroĂźt. On ne peut donc viser Ă  l’exhaustivitĂ©, au contraire il faut chercher Ă  les rĂ©duire autant que possible. Lesquelles sont-elles fondamentales ? Les connaissances de base ne peuvent se dĂ©finir d’aprĂšs une vision nostalgique de ce qu’on croit avoir appris lorsque nous Ă©tions nous-mĂȘmes Ă©lĂšves. Elles restent donc Ă  dĂ©finir. Pour y parvenir il s’agit d’abord de s’entendre sur des critĂšres :

-          des connaissances au service de la mise en place de compĂ©tences,

-          des connaissances comme reprĂ©sentatives d’un type de connaissances,

-          des connaissances indispensables Ă  l’acquisition d’un type de savoir,

-          des connaissances nĂ©cessaires Ă  la vie d’un citoyen Ă©clairĂ© et acteur dans la sociĂ©tĂ©.

 

Argument 3 : des disciplines Ă  dĂ©passer

Le lire, Ă©crire et compter n’est plus suffisant face Ă  la demande sociale mais aussi pour rĂ©pondre aux besoins de culture de citoyens en devenir. Le partage des connaissances en disciplines scolaires, hĂ©ritage historique et universitaire, est artificiel et a contribuĂ© Ă  crĂ©er des groupes de pressions qui ont ƓuvrĂ© Ă  la juxtaposition et Ă  l’accumulation de connaissances. Il conviendrait de raisonner en termes de culture :

-          une culture sĂ©miologique : une grammaire des signes qui permette de lire et produire des textes sous toutes leurs formes, des images, des mĂ©dias, des langues Ă©trangĂšres ou tout systĂšme de signification,

-          une culture scientifique et technique : conduisant Ă  la maĂźtrise des systĂšmes de logique, de la dĂ©marche scientifique, du langage mathĂ©matique, des technologies,

-          une culture humaine et sociale : en termes de philosophie, d’histoire, d’économie, de droit, ou de politique afin de construire le citoyen au sein de l’idĂ©al dĂ©mocratique,

-          une culture du corps, des sens et de la santĂ© : permettant Ă  chacun de se connaĂźtre et de respecter autrui, d’advenir Ă  l’émotion artistique.

Ces cultures traversent les champs disciplinaires et ne peuvent ĂȘtre rĂ©servĂ©es ni Ă  telle discipline ni Ă  tel enseignant. Le dĂ©passement des disciplines implique Ă  la fois le renforcement du travail en Ă©quipes au sein des Ă©tablissements et une ouverture de chaque enseignant au delĂ  de sa discipline universitaire d’origine. En rupture avec nos habitudes de travail, il est nĂ©cessaire de mettre en place une politique Ă©ducative Ă  la fois incitative Ă  l’innovation pĂ©dagogique et ouverte aux expĂ©rimentations.

 

Argument 4 : des connaissances et des compĂ©tences Ă  relier

En soi une connaissance ne sert Ă  rien, et ne peut se contenter de constituer un savoir encyclopĂ©diste. Elle doit servir Ă  la prise de dĂ©cision et Ă  l’action de chacun Ă  travers le dĂ©veloppement de ses compĂ©tences. Le dĂ©veloppement et la multiplication des compĂ©tences se requiĂšrent des connaissances et contribuent Ă  en crĂ©er de nouvelles. L’éducation apporte des connaissances premiĂšres Ă  l’apprenant qui s’en nourrit et se les approprie, pour devenir un acteur autonome capable de rechercher, de solliciter, d’intĂ©grer de nouvelles connaissances. Cette capacitĂ© Ă  traiter les connaissances implique l’acquisition des compĂ©tences indispensables Ă  la construction du savoir et de l’identitĂ© de chacun. Ces compĂ©tences devraient se trouver au cƓur du socle commun Ă  apporter aux Ă©lĂšves. Cependant elles doivent trouver leur support dans des connaissances appropriĂ©es et ne prennent sens qu’à travers l’exemplaritĂ© des connaissances qui les supportent.

 

Argument 5 : des compĂ©tences Ă  rendre prioritaires

La prioritĂ© ne concerne donc pas les connaissances mais les compĂ©tences indispensables Ă  tout citoyen cultivĂ©, libre et actif. De la dĂ©finition de ces compĂ©tences peuvent ĂȘtre dĂ©terminĂ©es les connaissances qui permettent de les Ă©laborer et des acquĂ©rir.

 

Argument 6 : des domaines Ă  approfondir

C’est de la conjonction entre une compĂ©tence et son corpus de connaissances, que peuvent ĂȘtre dĂ©finis des domaines du savoir. Un savoir n’étant pas clos sur lui-mĂȘme, mais ouvert sur de nouveaux savoirs, il est nĂ©cessaire de faire adopter une posture d’interrogation et de doute, un esprit critique. Il faut donc privilĂ©gier certains domaines Ă  approfondir, c’est-Ă -dire Ă  cultiver et Ă  maĂźtriser suffisamment pour les mettre en question. Cette acquisition de la mise en question, ou de l’esprit critique, conduit Ă  une mise en appĂ©tit pour dĂ©velopper sa propre culture, multiplier ses connaissances et accroĂźtre ses compĂ©tences.

 

Argument 7 : une pĂ©dagogie Ă  rendre active

On ne peut atteindre les objectifs signalĂ©s ci-dessus dans le simple rapport transmissif de la pĂ©dagogie. Les Ă©lĂšves doivent apprendre Ă  (se) construire (dans) leurs propres savoirs. Ils leur faut donc acquĂ©rir des comportements et des savoir-faire Ă  travers des actions de recherche, d’interrogation, de construction et de mise en cause. Les enseignants doivent donc Ă©laborer des dĂ©marches pĂ©dagogiques qui rendent actifs leurs Ă©lĂšves.

 

 

Argument 8 : un socle commun : pour quoi faire ?

Le socle commun ne vise donc pas un minimum de connaissances en soi, mais les connaissances nĂ©cessaires Ă  la construction de compĂ©tences et Ă  l’acquisition culturelle. Un Ă©lĂšve sortant du collĂšge doit donc avoir une vision non rĂ©ductrice de ses savoirs. Quelle que soit la suite de son parcours, il dĂ©tient les outils du citoyen responsable et autonome, capable de se dĂ©finir face Ă  la demande sociale et d’entrer de plain-pied dans le monde. S’il dispose des capacitĂ©s pour poursuivre des Ă©tudes, il doit pouvoir le faire disposant d’une culture lui permettant de dĂ©velopper des champs de connaissances et de compĂ©tences spĂ©cialisĂ©s qu’il puisse relativiser, interroger et relier aux autres.

 

 

aRéférences Cahiers Pédagogiques

Les contenus d’enseignement, n° 298, novembre 1991

Esprit critique , es-tu lĂ  ? n°386, septembre  2000

Savoir, c’est pouvoir transfĂ©rer, n° 408, novembre 2002

 

 

 


Proposition 2

Nous dĂ©fendons l’idĂ©e d’un CollĂšge pour tous, c’est-Ă -dire oĂč tous les Ă©lĂšves sortant du collĂšge doivent avoir acquis les mĂȘmes  fondamentaux.  Cela implique une Ă©volution des pratiques, encouragĂ©e par des dispositifs comme les IDD, l’heure de vie de classe, la pĂ©dagogie de projet
 Tout Ă©lĂšve doit avoir rencontrĂ© un aspect du monde et de la formation professionnels. La connaissance des mĂ©tiers doit concerner tous les Ă©lĂšves dĂšs le primaire ainsi que la connaissance des outils et des machines d’aujourd’hui.  Le brevet doit ĂȘtre transformĂ© (Ă©valuation de compĂ©tences disciplinaires, mais aussi transversales, Ă©valuation de la prĂ©sentation d’un travail poursuivi toute l’annĂ©e, etc.)

 

CollĂšge unique, collĂšge pour tous, collĂšge de la rĂ©ussite de tous, etc. : quelle que soit l’expression retenue, il y a tension entre la nĂ©cessitĂ© d’une  individualisation et l’idĂ©e d’égalité  des chances, si du moins cette expression est entendue comme signifiant des structures et des contenus identiques pour tous dĂšs l’entrĂ©e au collĂšge. Si au contraire on entend que c’est l’égalitĂ© des chances Ă  la sortie qu’il faut viser, on admet qu’elle soit recherchĂ©e Ă  travers des structures diffĂ©renciĂ©es et Ă©ventuellement  des rythmes diffĂ©rents.

La plupart  des Ă©lĂšves poursuivent dĂ©sormais des Ă©tudes aprĂšs le collĂšge, et le collĂšge doit les y prĂ©parer, en leur donnant les mĂ©thodes de travail  et en les aidant Ă  s’orienter. Mais il faut prendre en compte les Ă©lĂšves qui manifestent Ă  cet Ăąge  une aversion, souvent temporaire, pour le travail scolaire traditionnel ; et donc prĂ©voir des formules qui permettent provisoirement un autre mode de formation, comme par exemple l’apprentissage Ă  temps total ou partiel. Pour ne pas ĂȘtre une orientation prĂ©coce et irrĂ©versible, ces formules doivent ĂȘtre assorties d’une possibilitĂ© de retour Ă  la scolaritĂ© “ normale â€. Elles ne peuvent concerner qu’un petit nombre d’élĂšves et ne doivent pas ĂȘtre une maniĂšre de se dispenser d’une interrogation sur les maniĂšres de travailler au collĂšge pour tous les Ă©lĂšves.

Le principal Ă©cueil serait est ici de se contenter d’une Ă©galitĂ© simplement proclamĂ©e entre ces structures  ou formules. Si l’on veut vraiment  que la culture technologique soit Ă©gale en dignitĂ© (et en dĂ©bouchĂ©s offerts) aux autres formes de culture, cela suppose des changements importants dans les pratiques d’évaluation et dans les critĂšres d’orientation, pour que l’orientation vers les enseignements professionnels ou l’apprentissage ne soit plus en faut une relĂ©gation loin des enseignements gĂ©nĂ©raux. LĂ  encore, cela doit se marquer au niveau de la formation des professeurs qui, devraient tous, quelle que soit leur discipline, pouvoir se familiariser avec le monde de l’enseignement professionnel.

Le brevet des collĂšges actuel n’évalue pas sĂ©rieusement les compĂ©tences acquises par les Ă©lĂšves. L’existence d’une certification finale du collĂšge est sans doute nĂ©cessaire, mais elle doit prendre des formes originales. A cĂŽtĂ© d’épreuves classiques, Ă©valuant autant l’acquisition de mĂ©thodes que de connaissances, on doit envisager l’évaluation de compĂ©tences qui du coup seraient davantage travaillĂ©es au collĂšge. Par exemple, la capacitĂ© Ă  faire un court exposĂ© devant un auditoire, prĂ©sentant une rĂ©alisation individuelle ou collective. Ou Ă  chercher, trier et hiĂ©rarchiser des documents (une compĂ©tence essentielle du citoyen du XXI ° siĂšcle). Le B2I, les prĂ©sentations de travaux en IDD sont de bons exemples de ce qui pourrait ĂȘtre fait

 

ComplĂ©ment (atelier des journĂ©es d’automne du CRAP)

La place de la voie professionnelle dans le socle commun

Il ne s’agit pas de mettre des options professionnelles ouvertes Ă  tous, Ă  cĂŽtĂ© du socle commun des fondamentaux , comme le propose la question 4 ; il s’agit de l’inclure dans les fondamentaux. Cette propension Ă  mettre les connaissances professionnelles Ă  cĂŽtĂ© du socle commun montre les rĂ©sistances Ă  reconnaĂźtre les compĂ©tences professionnelles  ( ex : dessiner un objet pour le fabriquer, programmer une machine, utiliser un outil, organiser son travail dans le temps et l’espace, s’inscrire dan un projet dont on est pas le seul acteur, repĂ©rer et aller rechercher des informations auprĂšs d’autres, pour rĂ©aliser une tĂąche
.). Il nous faudrait tous ĂȘtre bien conscient de la richesse, de la complexitĂ© des cultures professionnelles, qui ne peuvent s'illustrer par "savoir planter un clou", tout comme la culture gĂ©nĂ©rale ne peut l'ĂȘtre par "savoir lire Balzac".

Comment lutter contre la dĂ©prĂ©ciation de la voie professionnelle ? Il y a tant d'implicite dans notre sociĂ©tĂ© ! Quels indicateurs prendre pour comparer ? Les salaires ? Le plaisir que diffĂ©rents professionnels peuvent Ă©prouver dans leur travail, (comme l'artisan d'art Ă  l'extrĂȘme)? La relative libertĂ© de gestion de son temps de l'agriculteur ou de l'artisan ?  La rĂ©ussite des bacs pro et la disparition progressive de diplĂŽmĂ©s CAP, BEP, l’évolution de la complexitĂ© des mĂ©tiers de l’industrie (machines Ă  commande numĂ©rique
..) tend Ă  montrer que l’objectif de l’école et de la sociĂ©tĂ© est de former des personnes qualifiĂ©es. On constate cependant que des jeunes sortent, encore, du LP pour devenir de simples exĂ©cutants dans l’entreprise.

Une des missions de l’école ne serait-elle pas, de faire en sorte que les Ă©lĂšves soient aussi formĂ©s pour rechercher ailleurs que dans leur travail la gratification dont tout ĂȘtre a besoin. Mais est-ce acceptable ? Peut-on se contenter de cela ?

a Références des Cahiers Pédagogiques

‱ Les lycĂ©es professionnels, n° 403, avril 2001

‱ Des pistes pour changer le collùge, n°404, mai 2001


Proposition 3 :

Les programmes doivent ĂȘtre rĂ©orientĂ©s dans le sens de la mise en Ɠuvre de compĂ©tences, parallĂšlement Ă  l’acquisition des connaissances, en Ă©tablissant des ponts disciplinaires. Il faut veiller Ă  ce que certaines avancĂ©es, comme le programme de français Ă  l’école primaire, ne soient pas remises en cause. SymĂ©triquement, il faut (veiller Ă  ce)  que les examens servent Ă  certifier une rĂ©elle formation plutĂŽt qu’à mesurer la soumission Ă  des normes formelles dont la seule fonction est de sĂ©lectionner.

 

Quelle est la nature du savoir qui est transmis dans un cadre oĂč l’on ne reconnaĂźt Ă  l’élĂšve que des obligations et oĂč l’on n’exige de lui que la soumission Ă  des normes ? Peut-on transmettre de cette façon autre chose que des savoirs formels?

Est-ce que la demande de la nation qui attend de l’école qu’elle forme de futurs citoyens responsables est satisfaite par un fonctionnement qui privilĂ©gie des savoirs dont on se contente de mesurer l’acquisition sans mettre les Ă©lĂšves en situation de les utiliser? Quel besoin d’esprit critique s’il s’agit de restituer ce qui permet d’obtenir la note qui autorisera le passage dans la classe suivante et qui permettra de dĂ©crocher les diplĂŽmes?

 

À force de rĂ©clamer que l’école transmette un savoir minimum, on a peut-ĂȘtre parfois oubliĂ© que le plus important est la maniĂšre dont l’élĂšve le reconstruit, qu’il s’agit davantage de. susciter des questions plutĂŽt que de donner des rĂ©ponses qui ne servent qu’à ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©es le jour de l’examen.

Et on a du coup transformĂ© le savoir en marchandise et l’école en supermarchĂ© garni de savoirs jetables.

Il y a une relation Ă  nouer ou renouer entre savoirs et formation. Les savoirs ne sont rien s’ils n’entrent pas en rĂ©sonance avec d’autres savoirs, s’ils n’éveillent aucun Ă©cho dans l’expĂ©rience de l’élĂšve ni dans la rĂ©alitĂ© qui l’entoure.  Ces savoirs sont des savoirs morts s’ils ne donnent aucune compĂ©tence et s’ils n’ont servi que de monnaie d’échange.

 

Le devoir de l’école, dont la mission est de former des citoyens ouverts sur leur environnement et sur la culture de leur Ă©poque, capables d’articuler connaissances et compĂ©tences, est de mettre les Ă©lĂšves en mesure de confronter leurs acquisitions scolaires et la complexitĂ© de la rĂ©alitĂ© qui les entoure. Cette rĂ©alitĂ© c’est la rĂ©alitĂ© socio-Ă©conomique et culturelle qui fait l’identitĂ© d’une rĂ©gion, d’un territoire donnĂ©, c’est aussi la vie de l’établissement scolaire et de la classe

 

Pour cela, il faut que l’organisation de l’école mais aussi les mĂ©thodes d’apprentissage accordent aux Ă©lĂšves de vĂ©ritables responsabilitĂ©s afin que l’institution formatrice et l’objet mĂȘme de leur formation ne leur soient pas complĂštement extĂ©rieurs.

Il est nĂ©cessaire Ă  la fois que les Ă©lĂšves aient une prise sur leurs sujets d’étude, mais aussi que les programmes offrent un corpus de connaissances capable de donner un contenu Ă  une vĂ©ritable vision citoyenne du monde.

Dans cet esprit, l’école doit renoncer Ă  la rĂ©pĂ©tition de connaissances encyclopĂ©diques dont l’empilement ne dĂ©bouche sur aucune formation. Nous pensons que, sans renoncer aux spĂ©cificitĂ©s disciplinaires et aux contraintes du savoir, l’école doit privilĂ©gier les dĂ©marches qui permettent de croiser les divers angles d’attaque de maniĂšre Ă  permettre aux Ă©lĂšves de se mettre en quĂȘte de sens et en position de rĂ©unir les Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse aux questions qu’ils se posent.

Ainsi tout ce qui est une invitation Ă  proposer une lecture personnelle et argumentĂ©e, une observation, une Ă©tude de cas nous semble Ă  dĂ©velopper et Ă  valoriser grĂące Ă  une Ă©valuation et Ă  une certification qui prendraient en compte le rĂ©sultat d’une dĂ©marche plutĂŽt que de mesurer une somme de connaissances et de savoir-faire inopĂ©rants.

C’est dans ce sens que vont les IDD, les TPE, etc.

C’est dans ce sens que le brevet et le bac devraient Ă©voluer

Ainsi les productions personnelles et collectives rĂ©alisĂ©es au cours de l’annĂ©e devraient constituer la partie la plus importante des travaux pris en compte pour la dĂ©livrance des diplĂŽmes.

 

a Références Cahiers Pédagogiques

Les examens, dossier du n°387, octobre 1999

Quelle pédagogie pour les lycées, n° 376-377, sept-oct 1997

Changer l’école primaire, n° 397-398, oct-nov 1999

Le collÚge , supplément 2000

 

 

 


Proposition 4

Nous devons dĂ©fendre ardemment, au lycĂ©e, au collĂšge des dispositifs  qui ont fait leur preuve (TPE, ECJS) ou qui les feront si on leur redonne plus d’importance (PPCP, IDD). Au lieu de les remettre en cause, il faut amĂ©liorer leur fonctionnement et Ă©tendre les TPE aux voies technologiques des lycĂ©es.

 

Ces dispositifs contiennent en germe l’espoir d’une autre maniĂšre de travailler et d’apprendre, pour sortir de l’alternative entre le “ cours sĂ©rieux â€ et les activitĂ©s rĂ©crĂ©atives sympathiques mais peu productives en termes de savoirs.

 Ils sont le prolongement d’une trĂšs ancienne tradition oĂč on trouve en fait les grands principes de l’éducation nouvelle, mais aussi l’intĂ©gration d’exigences actuelles, ouvertes sur le futur du XXI° siĂšcle.

Les Ă©lĂšves sont incitĂ©s Ă  ĂȘtre actifs, crĂ©atifs, et le professeur Ă  ĂȘtre davantage un pilote, un guide pour mener Ă  bien des travaux pas trop parcellisĂ©s, pas trop standardisĂ©s. Bien des enseignants dĂ©clarent qu’à cette occasion, ils ont eu plaisir Ă  “ travailler autrement â€, Ă  moins intervenir, Ă  laisser du temps et de l’espace aux Ă©lĂšves. L’expression “ travailler autrement â€ est discutable cependant, car elle laisse penser qu’il s’agit simplement de “ respirations â€ provisoires au milieu d’une norme inchangĂ©e, alors que IDD, TPE et PPCP pourraient ĂȘtre le ferment, le levier vers d’autres pratiques, qui deviendraient les pratiques ordinaires.

                Mais ce qui semble particuliĂšrement intĂ©ressant ici, c’est le dĂ©veloppement de compĂ©tences essentielles pour l’avenir. Par exemple, savoir trouver des informations, et surtout les trier, savoir reconnaĂźtre leur validitĂ© ou travailler rĂ©ellement l’oral. Dit-on suffisamment le scandale que constitue le fait que tant d’élĂšves sortent du collĂšge sans ĂȘtre capables d’exposer pendant trois minutes, sans notes, une question Ă©tudiĂ©e auparavant ? Et bien des lycĂ©ens continuent Ă  ĂȘtre dans ce cas-lĂ .

Autre compĂ©tence : la capacitĂ© Ă  parler de son travail (ou Ă  Ă©crire sur celui-ci), Ă  travers notamment l’existence du carnet de bord. On commence Ă  savoir que les activitĂ©s de mĂ©tacognition, de bilans, de retours rĂ©flexifs, sont des facteurs essentiels de la rĂ©ussite scolaire[1] .

 

Par ailleurs, l’intĂ©rĂȘt principal de ces nouveaux dispositifs est de ne pas sĂ©parer les efforts pour motiver les Ă©lĂšves, les rendre plus actifs et un travail de fond sur les contenus scolaires et sur la culture.
Dans le travail à deux, entre collÚgues, naßt parfois un questionnement nouveau. Et dans ce contexte, des matiÚres trop marginalisées comme la technologie au collÚge devraient pouvoir trouver une place importante.

 

Pour qui ?

                Reste l’objection : les IDD, voire les TPE seraient un luxe, alors mĂȘme que les savoirs essentiels ne seraient pas maĂźtrisĂ©s. Certes, ils peuvent ĂȘtre facteurs d’exclusion si on ne tient pas compte des diffĂ©rences de rythmes, de capacitĂ©s, de degrĂ© d’autonomie des Ă©lĂšves. Ils doivent s’inscrire dans le cadre d’une pĂ©dagogie diffĂ©renciĂ©e visant Ă  rĂ©duire les diffĂ©rences.  Dans de nombreux cas, les enseignants Ă©voquent bien le cas d’élĂšves difficiles ou dĂ©motivĂ©s dans les cours classiques et s’appliquant, s’investissant dans l’IDD ou le TPE.

 

 

a RĂ©fĂ©rences :

Florence Castincaud et Jean-Michel Zakhartchouk, Croisements de disciplines au collùge, CRDP d’Amiens et CRAP, 2002

Raoul Pantanella, Les TPE, vers une autre pĂ©dagogie, CRDP d’Amiens et CRAP, 2000

Elisabeth BergĂ© et Françoise Vuillequiez, accompagner les PPCP, CRDP d’Amiens et CRAP, 2003

Cahiers Pédagogiques, n°413-414, Pratiquer les IDD, les TPE, les PPCP, avril-mai 2003

 

 

 


Proposition 5

A l’école primaire comme au collĂšge, il faut dĂ©velopper des alternatives au redoublement. Cela passe par la rĂ©activation de la politique des cycles et la mise en place de formes souples de regroupements temporaires ou de pĂ©dagogies diffĂ©renciĂ©es. Les Cahiers PĂ©dagogiques ont publiĂ© lĂ -dessus de nombreux textes  qui restent d’actualitĂ©.

 

Toutes les Ă©tudes internationales , on le sait, montrent l’inefficacitĂ© globale du redoublement. Certes, localement, ponctuellement, celui-ci peut s’avĂ©rer utile pour un Ă©lĂšve particulier, mais ces cas sont mis en avant pour sauver un dispositif qui est coĂ»teux Ă  la fois financiĂšrement et psychologiquement.
Bien entendu, il faut trouver des alternatives.

Dans le premier degrĂ©, elles passent par l’abandon d’une pression excessive qui fait qu’on voudrait que les enfants “ sachent  lire â€ Ă  NoĂ«l. La politique des cycles n’a jamais vraiment fonctionnĂ©, car elle nĂ©cessite la mise en place d’une pĂ©dagogie diffĂ©renciĂ©e dont on ne parle plus guĂšre dans les discours officiels. Pourquoi ce qui a pu exister, mĂȘme si c’est sous des formes pas forcĂ©ment exemplaires partout, dans les classes uniques, Ă  savoir faire la classe avec des activitĂ©s diffĂ©rentes selon les Ă©lĂšves, ne serait-il pas possible aujourd’hui ?

Il est vrai qu’on a abandonnĂ© ce qui pouvait se dessiner par exemple avec la Charte pour l’école du XXI° siĂšcle (travail commun avec des chercheurs, rĂ©flexion sur l’utilisation des aides Ă©ducateurs, etc.). La solution du cours prĂ©paratoire allĂ©gĂ© actuellement en vogue, peut ĂȘtre valable si et seulement si cela s’accompagne d’une formation au travail plus individualisĂ©, ne se fait pas Ă  la place de la politique des cycles, n’est pas isolĂ© d’une rĂ©flexion globale au niveau de toutes les classes d’une Ă©cole.

Dans le secondaire, la rĂ©flexion sur les formes de regroupements semble Ă©galement en panne. Il faudrait en fait tirer parti de l’expĂ©rience, souvent relatĂ©e dans les Cahiers PĂ©dagogiques , de groupements diffĂ©renciĂ©s (groupes de besoins, monitorats, groupes Ă  gĂ©omĂ©trie variable, regroupements par projets). Quand existent des moyens pour des regroupements par petits effectifs, trop souvent il n’y pas optimisation (faire la mĂȘme chose Ă  huit qu’à trente est une aberration et un gaspillage de l’argent des contribuables !)

Les dispositifs officiels changent souvent. Qu’en est-il des Ă©tudes dirigĂ©es en collĂšge ? Laisser de l’autonomie aux Ă©tablissements implique en contrepartie un pilotage, un accompagnement par l’institution. Or, Ă  l’heure actuelle, c’est plutĂŽt la cacophonie (voir par exemple les pratiques au lycĂ©e des modules et des heures d’aide individualisĂ©e).

Le travail fait dans les Ă©tablissements novateurs (qu’ils soient ou non “ expĂ©rimentaux â€) doit ĂȘtre mieux connu. On ne peut que dĂ©plorer la mise Ă  mort du conseil national de l’innovation qui aurait pu jouer un rĂŽle essentiel de diffuseur de ces innovations (cela ne concerne pas que cette proposition d’ailleurs !)

 

a Références des Cahiers Pédagogiques

Le redoublement, n° 254-255, mai-juin 1987

Il n’y a pas que la classe, n°279, dĂ©cembre 1989

Retours sur la pédagogie différenciée (supplément)

Les cycles Ă  l’école primaire ,n° 321-322, fĂ©vrier-mars 1994

 

 


Proposition 6 :

 

Il faut dĂ©velopper les pratiques culturelles des Ă©lĂšves Ă  l’école en les reliant aux apprentissages.

Les efforts faits pour dĂ©velopper ces pratiques doivent ĂȘtre poursuivis et accentuĂ©s en lien avec les partenaires les plus divers. Cela inclut aussi bien les arts que la culture technique et scientifique.

 

Trop souvent, les activitĂ©s dites culturelles apparaissent, Ă  l’école, comme un “ supplĂ©ment d’ñme â€ et de plus on les limite au domaine artistique et littĂ©raire. Il convient Ă  la fois d’élargir la notion de culture et de mieux relier ces activitĂ©s aux apprentissages.

Les activitĂ©s culturelles crĂ©atrices permettent de donner plus de sens Ă  ce qu’on apprend. Les Ă©lĂšves ne peuvent Ă©crire des textes (contes, nouvelles, poĂšmes) sans se rĂ©fĂ©rer Ă  des lectures, sans avoir recours aux outils de la langue. La crĂ©ation musicale implique l’écoute et le travail technique.

Mais, les activitĂ©s culturelles ne peuvent d’autre part ĂȘtre menĂ©es par tous les Ă©lĂšves (pas seulement ceux qui sont motivĂ©s Ă  l’avance ou ceux qui “ baignent â€ dĂ©jĂ  dans la culture) sans que le professeur mobilise toutes les ressources de la pĂ©dagogie (capacitĂ© Ă  mener un travail en groupes oĂč tous les Ă©lĂšves sont impliquĂ©s, partage des tĂąches, planification du travail, capacitĂ© Ă  articuler projet et activitĂ©s “ dĂ©crochĂ©es â€, etc.)

Il faut s’élever contre toute remise en cause par exemple des activitĂ©s artistiques Ă  l’école primaire sous prĂ©texte que les “ fondamentaux â€ passent avant. Autant il est important de rĂ©flĂ©chir sur ces activitĂ©s pour Ă©viter d’en faire de simples moments rĂ©crĂ©atifs (la “ cerise sur le gĂąteau â€) ou d’exaltation spontanĂ©iste de la “ crĂ©ativitĂ© â€ de l’enfant, autant il serait dĂ©sastreux de ne pas poursuivre les efforts faits ces derniĂšres annĂ©es dans ce domaine.

Dans le secondaire, le dĂ©veloppement d’ateliers scientifiques permettant l’émergence d’une culture vĂ©ritable dans ce domaine doit ĂȘtre poursuivi. Encore une fois, cela ne doit pas se faire Ă  la marge et ne concerner que les volontaires. Ces activitĂ©s doivent avoir des effets sur la pratique de la classe. Un Ă©lĂšve de classe scientifique doit possĂ©der des Ă©lĂ©ments d’histoire des sciences et ĂȘtre amenĂ© Ă  se poser des questions sur la place de la science dans la culture. De mĂȘme, les activitĂ©s culturelles doivent-elles ĂȘtre mises en relation avec l’évolution des techniques et impliquer la technologie au collĂšge.

Les itinéraires de découverte et les TPE sont, là encore, des occasions de développement de cette culture multiforme.

Tant pis pour ceux qui ironisent tel cet homme politique clamant que l’école n’a pas Ă  “ former de petits artistes â€ (le problĂšme n’est pas lĂ ). Il s’agit bien de faire jouer Ă  l’enseignant un rĂŽle de “ passeur culturel â€ pour une vraie appropriation culturelle.

 

aRĂ©fĂ©rences  des Cahiers PĂ©dagogiques :

Le monde de l’art et l’école, numĂ©ro 371, fĂ©vrier 1999

Musique ! , n°394 mai 2001

Des grandes Ɠuvres pour tous, n° 402, mars 2002

 

 


Proposition 7

Pour crĂ©er un climat propice aux apprentissages dans les Ă©tablissements scolaires, et pour instaurer une autoritĂ© lĂ©gitime, il faut dĂ©velopper tous les  moyens qui ont Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ©s et qui ont fait leur preuve : travail en Ă©quipe, structures de mĂ©diation, instances de concertation et de dĂ©mocratie, 


Invoquer le retour à l’ordre et à la discipline est simplificateur et dangereux.

 

Le ministĂšre parle beaucoup de “ retour Ă  l’autoritĂ© â€. Mais celui-ci est en fait illusoire si on considĂšre cela comme un “ prĂ©alable â€ et si on ne parvient pas Ă  redĂ©finir ce que doit ĂȘtre l’autoritĂ© (le CRAP prĂ©pare un colloque sur ce sujet et un dossier des Cahiers PĂ©dagogiques pour fin 2004) L’autoritĂ© de l’enseignant doit s’appuyer sur la responsabilisation des Ă©lĂšves, donc sur leur implication dans la vie de la classe et de l’établissement. Le “ rappel Ă  l’ordre â€ ne pourra ĂȘtre efficace sans cela, et sans le travail solidaire de tous les acteurs de l’établissement. Le travail d’équipe des enseignants , mĂȘme minimal, est souvent le facteur dĂ©cisif qui explique que tel ou tel Ă©tablissement est moins touchĂ© par la violence et les incivilitĂ©s (cf. les travaux de Debarbieux).

Il est irresponsable de faire croire aux jeunes enseignants que c’est Ă  coup de slogans dĂ©magogiques (“ tolĂ©rance zĂ©ro â€), de paris impossibles (“ ne rien laisser passer â€) ou de mesures spectaculaires mais qui ne touchent pas l’essentiel (mettre plus d’enseignants au conseil de discipline par exemple), que l’on va rĂ©gler quoique ce soit. On isole en faisant cela l’instauration de la Loi dans la classe de la mise au travail des Ă©lĂšves, alors que les deux sont liĂ©es, qu’il faut les mener de pair, sans esprit de prĂ©alables.

Les enseignants doivent ĂȘtre davantage formĂ©s aux techniques et dispositifs de mĂ©diation, de communication, Ă  condition qu’ils ne soient pas conçus comme remĂšdes miracles, mais retravaillĂ©s dans des Ă©changes de pratiques. La diffusion de “ ce qui marche â€ ici ou lĂ  est Ă©galement nĂ©cessaire, non pour modĂ©liser, mais pour donner des idĂ©es. On sait davantage aujourd’hui ce qui produit des “ effets-Ă©tablissements â€ positifs, mais ces travaux ne sont pas assez connus.

Allons plus loin : la prĂ©vention de la violence, la mise en place de bonnes conditions pour apprendre (le but principal de l’école), cela passe par plus de dĂ©mocratie dans l’École. Pour certains, puisqu’il y a dissymĂ©trie entre adultes et Ă©lĂšves, l’école ne peut ĂȘtre un lieu de dĂ©mocratie. Et pourtant, dans nos sociĂ©tĂ©s menacĂ©es par le rĂšgne de la marchandise et le recul de l’action citoyenne, oĂč donc s’apprendrait cette si nĂ©cessaire conscience dĂ©mocratique, sinon Ă  l’école ? Et cela commence par un exercice quotidien de cette dĂ©mocratie (on s’y exerce et elle s’exerce). Les Ă©lĂšves ne sont pas des “ citoyens â€, mais des apprentis-citoyens. Les responsabiliser est parfois la seule maniĂšre de les impliquer, de faire qu’ils ne se sentent plus extĂ©rieurs au cadre scolaire. La formule “ construire la rĂšgle â€ avec les Ă©lĂšves est sans doute ambiguĂ« et prĂȘte Ă  mauvaises interprĂ©tations (ce sont les Ă©lĂšves qui vont faire la loi..). Il s’agit en fait de mettre en place une vraie rĂ©appropriation, qui est en quelque sorte une reconstruction, en sĂ©parant ce qui est nĂ©gociable de tout ce qui ne l’est pas (les programmes, tout ce qui est dans la loi rĂ©publicaine, etc.) Construire une autoritĂ© dĂ©mocratique reste un chantier Ă  explorer, bien plus intĂ©ressant que d’illusoires mouvements de menton


 

À propos du travail d’équipe :

Les Ă©lĂšves ont de plus en plus de mal Ă  faire les liens entre leurs diffĂ©rents apprentissages, Ă  y mettre le moindre sens. Les matiĂšres sont enseignĂ©es trop souvent de façon complĂštement indĂ©pendante. Sans le dire on demande continuellement aux Ă©lĂšves de transfĂ©rer d’une matiĂšre Ă  l’autre leurs apprentissages. On leur reprochera tantĂŽt de ne pas savoir prendre leurs notes, tantĂŽt de ne pas savoir apprendre telle ou telle leçon, alors que trĂšs souvent les enseignants ne mettent pas du tout les mĂȘmes choses sous les mĂȘmes mots. RĂ©investir un cours n’a pas toujours la mĂȘme signification ; d’autant que les mots employĂ©s n’ont pas le mĂȘme sens dans telle ou telle matiĂšre.

Le travail en Ă©quipe pluridisciplinaire au sein d’une mĂȘme classe, est un moyen de leur permettre de faire ces liens. Un minimum d’accords communs entraĂźne un langage de mĂȘme type et des exigences de mĂȘme nature : les Ă©lĂšves ne changent pas de planĂšte Ă  chaque heure mĂȘme si de toutes façons chacun agit avec sa personnalitĂ©. Une maniĂšre commune de considĂ©rer “ l’erreur â€ est indispensable Ă  la mise en confiance dans tout apprentissage ; encore faut-il se l’ĂȘtre dit ?

L’objectif commun de toute Ă©quipe est nĂ©cessairement la rĂ©ussite la meilleure possible pour chaque Ă©lĂšve ; cet objectif peut recouvrir diffĂ©rentes formes et ĂȘtre centrĂ© sur tel ou tel aspect de cette rĂ©ussite, par exemple la capacitĂ© Ă  relier, et aussi Ă  distinguer les diffĂ©rents types de raisonnements, les diffĂ©rentes maniĂšres d’argumenter, dans les disciplines dites littĂ©raires et dans les disciplines dites scientifiques, la capacitĂ© Ă  construire un exposĂ©, la capacitĂ© Ă  prendre la parole, etc


L’initiation Ă  la dĂ©mocratie au sein d’une classe prend tout son sens quand l’ensemble des professeurs associĂ© au conseiller d’éducation participe Ă  la “ vie de classe â€. Les relations interpersonnelles s’en trouvent nĂ©cessairement modifiĂ©es. Dans ce travail commun le rĂŽle du conseiller d’éducation est primordial : pour les Ă©lĂšves il est la personne de l’équipe qui n’a pas de rĂŽle Ă©valuateur.

Le travail en Ă©quipe disciplinaire est plutĂŽt un confort pour l’enseignant mais aussi un moyen pour l’élĂšve de savoir qu’il effectue le mĂȘme travail que d’autres classes et que ce qui lui est demandĂ© n’est pas uniquement liĂ© au professeur avec lequel il travaille.

Dans le second degrĂ©, il est donc indispensable de donner de vrais moyens aux Ă©tablissements : d’une part des moyens horaires pour inclure dans les services des enseignants des moments de concertation soit entre eux soit avec les Ă©lĂšves, le temps des uns et des autres n’étant pas extensibles, d’autres des locaux adaptĂ©s oĂč les enseignants puissent se concerter.

 

 

a Références des Cahiers Pédagogiques

Ouvrage : Apprendre et vivre la dĂ©mocratie Ă  l’école, sous la direction de M.Amiel, R.Etienne et MC Presse, en partenariat avec le CRDP d’Amiens

Dossiers :

Face à la violence, juin 1999, n° 375 (avec Education & Devenir)

Existe-t-il une vie scolaire , juin 2003, n°415

 


 

 Proposition 8

Nous rĂ©affirmons l’importance de la formation professionnelle des enseignants. Nous dĂ©fendons les IUFM qui marquent le choix de la professionnalisation des enseignants Ă  travers notamment le mĂ©moire professionnel, les analyses de pratiques


Nous souhaitons une articulation renforcée entre formation initiale et continue. La formation continue doit accompagner les réformes et répondre aux besoins identifiés des personnels.

Il faut aussi remettre en chantier les modalités des concours de recrutement des enseignants.

 

Chaque annĂ©e, trente Ă  quarante mille stagiaires sont formĂ©s dans les IUFM et les Ă©tablissements oĂč ils sont en stage. Ils deviennent professeurs des Ă©coles, des collĂšges, des lycĂ©es, y compris professionnel et technologique, et ce sont d’excellents professionnels, mĂȘme si les dĂ©buts de carriĂšre sont souvent assez difficiles dans la mesure oĂč ils se passent sur des postes dĂ©laissĂ©s par leurs collĂšgues plus anciens. Ce qui permet de dĂ©celer quelques dĂ©fauts rĂ©els de ce dĂ©but de carriĂšre Ă  la française, dĂ©fauts dont certains n’ont rien Ă  voir avec la formation des enseignants. La formation continue joue un rĂŽle de complĂ©ment Ă  la formation initiale mais permet aussi de faire face aux Ă©volutions rapides du mĂ©tier et de ses conditions d’exercice.

En effet, l’effort de formation porte essentiellement sur le mĂ©tier d’enseignant : suffit-il de savoir pour savoir enseigner ? Tout le monde sait bien, y compris les ennemis dĂ©clarĂ©s de la pĂ©dagogie, que non, mais la premiĂšre protection, illusoire, du mandarin est sa culture qu’il Ă©tale frĂ©nĂ©tiquement. Le souci des formateurs et des enseignants n’est Ă©videmment pas de dĂ©velopper l’art d’apprendre Ă  ignorer. Mais plutĂŽt de se poser la question d’une rĂ©elle transmission des savoirs. Car il est clair que, si Ă©duquer est un mĂ©tier impossible, ce qui Ă©tait l’opinion de Freud, la formation des enseignants initiale ou continue est aussi indispensable que dĂ©licate Ă  mettre en Ɠuvre ! Elle s’appuie sur un triptyque bien connu : une acquisition sans faille des connaissances (fini le temps des impasses oĂč il suffit d’obtenir la moyenne pour avoir son diplĂŽme), une compĂ©tence didactique (ou, si l’on prĂ©fĂšre, comment faire passer nos connaissances) et un art de la conduite de la classe dans l’établissement d’affectation (ce que l’on appelle, depuis la plus haute antiquitĂ©, la pĂ©dagogie).

Ne pourrait-on, Ă  l’instar de ce qui se fait dans la majeure partie des pays dĂ©veloppĂ©s, envisager de confier Ă  l’universitĂ© la formation des enseignants ? Bien sĂ»r, au QuĂ©bec et Ă  GenĂšve, pour ne donner que ces deux exemples, cette mission est confiĂ©e aux facultĂ©s de sciences de l’éducation et ce n’est pas la catastrophe pour autant. En France, la seule explication plausible d’une formation dans une institution spĂ©cifique tient Ă  l’hĂ©ritage des Écoles normales qui ont fourni bĂątiments, bibliothĂšques et personnels rompus Ă  la formation des enseignants. Notre expĂ©rience actuelle nous conduit Ă  approuver le schĂ©ma proposĂ© en 1989 : la collation des grades et des diplĂŽmes devrait rester l’apanage de l’universitĂ© alors que la prĂ©paration au mĂ©tier d’enseignement et l’accompagnement des dĂ©buts dans le mĂ©tier mĂ©ritent une institution qui leur soit consacrĂ©e. On pourrait mĂȘme introduire davantage de recherche pratique et concrĂšte dans la formation des enseignants. C’est le chantier, entre autres, du mĂ©moire professionnel que l’on peut rapprocher davantage de la maĂźtrise et la prĂ©sence obligatoire d’universitaires dans les jurys permettrait d’aller vers un diplĂŽme qui reconnaĂźtrait, enfin, aux enseignants leur vĂ©ritable niveau : bac + 5 (3 pour la licence et 2 pour la prĂ©paration puis la formation liĂ©es au concours). VoilĂ  un projet bien concret de valorisation de la formation des enseignants !

Enfin, il est un sujet qui dĂ©range mais qui hypothĂšque gravement la lecture des premiĂšres annĂ©es d’enseignement. C’est l’affectation des professeurs qui se fait systĂ©matiquement dans une logique folle de barĂšme fondĂ© sur l’anciennetĂ© : en France, vous pouvez prĂ©parer le concours Ă  CrĂ©teil, ĂȘtre formĂ© Ă  Montpellier et affectĂ© Ă  Amiens ! Le bizutage des nouveaux enseignants aboutit Ă  leur donner ce qui reste, parfois provisoirement pour quelques mois, une annĂ©e au maximum, une fois le festin des titulaires servi. Or, si l’on se forme sur le terrain et en centre de formation (c’est l’alternance), il faut reconnaĂźtre qu’entre ce que dĂ©couvre le stagiaire au lycĂ©e Joffre de Montpellier et les classes de lycĂ©e professionnel de Gagny dont il aura la responsabilitĂ© sur une durĂ©e d’au moins trois ans les transpositions ne sont guĂšre aisĂ©es. VoilĂ  pourquoi il est indispensable de construire des groupes de stagiaires du second degrĂ© cohĂ©rents et complĂ©mentaires qui coopĂšrent entre eux et avec des Ă©quipes grĂące Ă  une base stable de conseillers pĂ©dagogiques, vĂ©ritables formateurs de terrain dont la formation devrait ĂȘtre une des missions essentielles des IUFM. Cette belle logique partant du terrain, qui a la faveur des stagiaires et de leurs tuteurs, a toujours Ă©tĂ© contredite par les rentrĂ©es manteau d’Arlequin : on affecte des stagiaires sur les trous Ă  boucher et non en fonction des besoins et ressources en formation. Il faut dire et souligner que les stagiaires, du premier et du second degrĂ©s, sont devenus des piĂšces rapportĂ©es qui cachent la grande misĂšre de notre systĂšme Ă©ducatif incapable de se rĂ©former en fonction des besoins d’éducation des Ă©lĂšves et de formation des professeurs, article premier de la si dĂ©criĂ©e et mĂ©connue loi d’orientation du 10 juillet 1989 : “ L’éducation est la premiĂšre prioritĂ© nationale. Le service public d’éducation est conçu et organisĂ© en fonction des Ă©lĂšves et des Ă©tudiants. Il contribue Ă  l’égalitĂ© des chances. â€ La formation n’est pas suffisamment prioritaire au cours des premiĂšres annĂ©es d’exercice du mĂ©tier puisqu’on impose aux professeurs des postes dĂ©laissĂ©s par leurs collĂšgues.

Si l’on accorde Ă  une AcadĂ©mie moyenne comme celle de Montpellier six cents emplois de stagiaires pour le premier degrĂ© et autant pour le second, des emplois pas trop difficiles (on a vu des stagiaires exercer dans des classes de cinquiĂšme prĂ©-orientĂ©es en quatriĂšme technologique !), qu’ils occuperont pendant les cinq premiĂšres annĂ©es de leur carriĂšre, puisque nous savons que c’est le temps nĂ©cessaire pour une formation efficace, nous amĂ©liorerons grandement la formation des enseignants qui se professionnaliseront en exerçant le mĂ©tier. Cela ne mobiliserait qu’un dixiĂšme des postes. Si l’on y ajoute un rĂ©seau de conseillers pĂ©dagogiques formĂ©s et rĂ©munĂ©rĂ©s avec un contrat en bonne et due forme, la formation devient une prioritĂ© rĂ©elle et servie par une mĂ©thode cohĂ©rente.

Il restera Ă  la complĂ©ter en reprenant des logiques de formation d’adultes fondĂ©es sur les critĂšres et exigences de la recherche appliquĂ©e Ă  l’expĂ©rience professionnelle. La logique de formation l’emportera alors sur la simple gestion des moyens d’enseignement. Enfin, il est possible de revoir la formation avec les stagiaires, de l’inscrire dans le dĂ©but et le dĂ©roulement de leur carriĂšre. Ce n’est pas vouloir faire disparaĂźtre les avantages liĂ©s Ă  un haut niveau acadĂ©mique qu’il y aura Ă  maintenir, voire Ă  Ă©lever tout au long de la vie. Ce n’est pas non plus chercher Ă  faire disparaĂźtre les IUFM mais mettre en place autre chose que des parlottes plus ou moins magistrales pour traiter les attentes authentiques de jeunes collĂšgues. Ils ne refusent pas l’entrĂ©e dans le mĂ©tier mais expriment un malaise persistant quant Ă  leur insertion dans des Ă©coles et des Ă©tablissements qui, plutĂŽt de les voir dĂ©filer annĂ©e aprĂšs annĂ©e, ont tout intĂ©rĂȘt Ă  les intĂ©grer dans leur projet de dĂ©veloppement.

Concernant la formation continue proprement dite, celle-ci a Ă©tĂ© dĂ©laissĂ©e depuis plusieurs annĂ©es. Elle doit ĂȘtre un des piliers de la transformation du systĂšme, mĂȘme si elle ne peut ĂȘtre confondue avec par exemple le simple accompagnement des rĂ©formes. Elle concerne aussi bien le domaine disciplinaire que le domaine transversal (qui ne se limite pas aux questions de “ vie scolaire â€).Elle doit Ă  la fois  rĂ©pondre aux besoins du terrain, mais aussi permettre les nĂ©cessaires prises de recul

Les plans de formation d’établissement ne sont dans bien des cas que des coquilles vides car ne sont pas mis en place des dispositifs comme par exemple des correspondants formation dans chaque Ă©tablissement (ce ne peut ĂȘtre une charge de plus pour le chef d’établissement), lesquels seraient en relation permanente avec des correspondants dĂ©partementaux chargĂ©s de les aider Ă  dĂ©finir les besoins.

Il faut parvenir Ă  valoriser l’effort de formation continue des personnels, en envisageant enfin de parvenir Ă  un statut du formateur Ă  temps partagĂ©.

 

a Références des Cahiers Pédagogiques

La formation des enseignants, n° 335 (juin 1995) et 338 (novembre 1995)

Notre métier, notre identité, n° 380, janvier 2000

Comment peut-on ĂȘtre conseiller pĂ©dagogique, n°390, janvier 2001

Les premiers pas dans l’enseignement, n° 418, novembre 2003

 

 

 


Proposition 9 

Dans l’Ecole rĂ©publicaine et dĂ©mocratique qui doit ĂȘtre garante du vivre ensemble et de l’apprentissage de savoirs fondĂ©s en raison, il faut dĂ©fendre la laĂŻcitĂ©.

Celle-ci n’est pas seulement neutralitĂ© en matiĂšre religieuse, politique ou autre. Elle doit garantir, dans l’espace public scolaire, la possibilitĂ© de dĂ©battre avec esprit critique des grands problĂšmes de sociĂ©tĂ©, dans des formes respectueuses des croyances et des opinions de chacun, avec une visĂ©e universaliste.

 

 

La laĂŻcitĂ© de l’école publique, puis celle de l’état ont Ă©tĂ© instaurĂ©es il y a plus d’un siĂšcle dans un contexte de lutte contre le clĂ©ricalisme catholique. Ce rappel nĂ©cessaire doit ĂȘtre complĂ©tĂ© par le suivant : les lois et les institutions laĂŻques sont aujourd’hui presque gĂ©nĂ©ralement admises et la “ laĂŻcitĂ© Ă  la française â€ est une originalitĂ© de notre pays. MĂȘme la querelle sĂ©culaire Ă  propos de l’enseignement privĂ© catholique semble apaisĂ©e dans la plupart des rĂ©gions.

 

Cependant la situation a évolué.

- L’ignorance dans le domaine religieux, aussi bien chez les Ă©lĂšves que chez beaucoup de professeurs, est prĂ©occupante, en termes de culture littĂ©raire ou artistique comme en termes de capacitĂ© au dialogue pacifique entre personnes se rĂ©clamant des diffĂ©rents courants philosophiques, religieux et spirituels. 

- L’Islam est devenu la seconde religion de France, mais sa perception par l’opinion reste confuse, parfois caricaturale, parfois plus ou moins hostile, ou polluĂ©e par la situation en Palestine. Les agissements des islamistes, mĂȘme s’ils ne sont le fait que d’une petite minoritĂ©, orientent cette perception.

- A cĂŽtĂ© des religions proprement dites, on assiste Ă  une montĂ©e de l’irrationalisme, au dĂ©veloppement,  y compris dans des milieux cultivĂ©s, de pratiques comme l’astrologie, la numĂ©rologie, la voyance, Ă  l’implantation des sectes, dont certaines sont des dangers pour la libertĂ©, voire pour la santĂ© des citoyens qu’elles manipulent.

 

La laĂŻcitĂ© est concernĂ©e, Ă  trois points de vue :

-          Politiquement, sans que nous ayons Ă  dĂ©velopper ici cet aspect : la laĂŻcitĂ© est et doit rester le refus d’une emprise des religions sur les institutions. Il importe, pour la clartĂ© des dĂ©bats, de ne pas confondre les manifestations acceptables d’une appartenance religieuse et les manipulations Ă  fins politiques.

-          Culturellement : le patrimoine philosophique, littĂ©raire et artistique des diffĂ©rentes religions fait partie du patrimoine de l’humanitĂ© et Ă  ce titre l’enseignement doit permettre aux jeunes d’entrer en contact avec lui, dans une perspective universaliste d’enrichissement et de dialogue  au delĂ  des particularismes.

-          PĂ©dagogiquement : l’école publique ne peut pas abandonner aux Ă©coles confessionnelles ou  aux Ă©glises et communautĂ©s religieuses la tĂąche de transmettre ce patrimoine. Elle doit donner Ă  tous un enseignement sur les faits religieux. Mais cette tĂąche se heurte Ă  plusieurs difficultĂ©s. Parmi ces difficultĂ©s :

‱ quel consensus sur les contenus d’un tel enseignement

‱ quels contenus et quelles mĂ©thodes pour le diffĂ©rencier d’une instruction religieuse (ou d’une catĂ©chĂšse) telle que la donnent les religions

‱ comment ne privilĂ©gier aucune religion tout en Ă©vitant une Ă©numĂ©ration qui pourrait ĂȘtre fastidieuse, comment dĂ©velopper un intĂ©rĂȘt sans exercer une pression

‱ quels enseignants,  qui ne devront pas ĂȘtre les reprĂ©sentants d‘un culte quelconque

‱ quelle ampleur, quelle place dans les programmes et les cursus.

 

 

 

 

En prĂ©alable :  Il y a besoin d’une information solide des enseignants, de tous niveaux et de toutes disciplines, sur les religions, leur histoire et leur prĂ©sent, sur la laĂŻcitĂ©, son histoire et sa portĂ©e, et d’une rĂ©flexion approfondie sur la façon de dĂ©velopper l’esprit critique des Ă©lĂšves, de les familiariser avec la pratique de dĂ©bats qui respectent les croyances et les opinions sans se rĂ©fugier dans une neutralitĂ© frileuse.

Cela implique qu’on ne confonde pas la laĂŻcitĂ© avec la neutralitĂ©. Loin de la fadeur de cette neutralitĂ©, l’école doit mettre en avant l’engagement citoyen ; elle doit le faire dans le respect de la diversitĂ© des opinions, du moins pour les opinions qui s’inscrivent dans le cadre  de la dĂ©mocratie et de la RĂ©publique.

Ces questions nouvelles sont difficiles. Elles doivent ĂȘtre abordĂ©es de façon nuancĂ©e en raison mĂȘme de cette difficultĂ©. Mais ceux qui sont attachĂ©s Ă  la laĂŻcitĂ© se doivent aujourd’hui de les affronter pour ne pas laisser se dĂ©velopper un nouvel obscurantisme et faire de l’école un lieu de dĂ©bat citoyen.

 

Et la question du voile ? MalgrĂ© la place qu’elle prend dans les media et les prĂ©occupations, la laĂŻcitĂ© ne se rĂ©duit pas Ă  cette question, qui  n’est d’ailleurs pas toujours bien posĂ©e. Il importe de   ne pas confondre la manifestation banale d’une croyance et une entreprise de prosĂ©lytisme. Il importe de distinguer dans le dĂ©bat ce qui touche Ă  la religion musulmane et ce qui relĂšve des dĂ©marches de groupes islamistes, dont la motivation n’est pas seulement d’ordre religieux. Les aspects inadmissibles de certaines de ces dĂ©marches, celles qui touchent en particulier la libertĂ© des femmes ou leur situation infĂ©rieure dans la famille et dans la sociĂ©tĂ©, ne peuvent pas ĂȘtre gommĂ©s par de simples dispositions rĂ©glementaires internes Ă  l’école, encore moins par le rejet hors de l’école publique ; c’est la sociĂ©tĂ© dans son ensemble (insertion, urbanisme, emploi, 
) qui doit prendre en charge ces questions. Mais l’école, quant Ă  elle, doit s’attaquer au problĂšme difficile de l’acceptation par tous les Ă©lĂšves de l’enseignement qu’elle dispense.

La nĂ©cessitĂ© de lĂ©gifĂ©rer ou non sur le port Ă  l’école de signes manifestant une appartenance religieuse (en laissant de cĂŽtĂ© la dimension ostentatoire ou non, qui serait source de contentieux rĂ©pĂ©tĂ©s) est en dĂ©bat, avec des arguments de poids dans les deux formules. Si le principe d’une loi est retenu, celle-ci ne saurait de toutes façons dispenser d’un travail de persuasion avant tout recours aux sanctions prĂ©vues. Par ailleurs, ceux qui sont hostiles Ă  une loi ne sont pas pour autant partisans du port du voile ni du prosĂ©lytisme qu’il manifeste dans certains cas ; ils pensent seulement qu’une loi aurait des effets pervers, contraires au but recherchĂ©.

Les militants pĂ©dagogiques, qu’ils soient ou non partisans d’une loi, savent que l’exclusion est la pire des solutions  et qu’une loi ne dispenserait pas d’un combat au quotidien pour une vraie laĂŻcitĂ©, comprise et vĂ©cue par tous.

 

a Références Cahiers Pédagogiques

Les religions et l’école laĂŻque, mars 1994, n°323

L’école et la pluralitĂ© ethnique, dĂ©cembre 2003, n° 419

 

 


 

Proposition 10

Il convient de maintenir et renforcer l’aide publique apportĂ©e aux mouvements d’éducation populaire et aux mouvements pĂ©dagogiques. Ceux-ci ne sont pas seulement utiles pour les Ă©lĂšves dĂ©crocheurs (ateliers-relais), mais leur expĂ©rience servirait beaucoup l’école, si cette derniĂšre savait mieux utiliser leurs acquis et leurs compĂ©tences.

 

Les mouvements d’éducation nouvelle, qu’ils soient directement engagĂ©s sur le terrain de l’école ou sur la pĂ©riphĂ©rie, apportent depuis longtemps un plus au service public de l’éducation.

Il s’agit lĂ  d’énergies militantes, d’enthousiasmes qu’il convient de soutenir (on ne peut prĂŽner l’engagement chez les jeunes sans le promouvoir quand il existe parmi les enseignants et autres personnels). Les militants pĂ©dagogiques ne sont pas avares de leur temps et sont un aiguillon indispensable. L’aide qui peut leur ĂȘtre donnĂ©e est Ă  la fois d’allĂ©ger leur emploi du temps afin qu’ils soient plus disponibles pour les tĂąches pour lesquelles ils sont compĂ©tents et de faciliter leur travail (formalitĂ©s administratives par exemple).

Souvent ces mouvements ont lancĂ© des innovations reprises par le systĂšme. Qui peut nier que les programmes de l’école primaire reprennent certaines idĂ©es dĂ©veloppĂ©es par le mouvement Freinet ? Des dispositifs nouveaux comme l’heure de vie de classe ou les itinĂ©raires de dĂ©couverte sont largement inspirĂ©s d’expĂ©rimentations portĂ©es par les mouvements. Actuellement, l’institution fait appel Ă  ces mouvements pour par exemple former les dĂ©lĂ©guĂ©s-Ă©lĂšves, animer les ateliers relais
Il y a peu, des universitĂ©s d’étĂ© Ă©taient confiĂ©es Ă  ces mouvements, avec un incontestable succĂšs (bilans Ă©valuatifs des participants trĂšs positifs, diffusion d’outils suite Ă  ces stages
) : l’expĂ©rience a Ă©tĂ© malheureusement abandonnĂ©e rĂ©cemment.

Puisque la compĂ©tence et le professionnalisme sont reconnus dans ces domaines, pourquoi ne pas les utiliser ailleurs ? Le CRAP-Cahiers PĂ©dagogiques a montrĂ© ses capacitĂ©s Ă  travailler en partenariat notamment avec le CNDP en publiant des documents permettant l’accompagnement de rĂ©formes majeures (cf. le livre-rĂ©fĂ©rence sur les TPE, entre autres) ; la revue est un puissant diffuseur de “ bonnes pratiques â€ : elle est largement utilisĂ©e dans les IUFM notamment. Une aide plus consĂ©quente permettrait d’accroĂźtre les efforts de diffusion. L’atout d’un organe indĂ©pendant est de ne pas avoir une image officielle et d’éviter les rejets de principe de certains dispositifs parce qu’apparaissant “ venus d’en haut â€.

Sur des questions qui tournent autour de l’autoritĂ© et de la prĂ©vention de la violence, l’expĂ©rience scolaire et extra-scolaire des mouvements peut aussi ĂȘtre un atout, pas assez utilisĂ©.

 

Les mouvements, en contrepartie de cette aide, acceptent bien sĂ»r de discuter des modalitĂ©s d’évaluation de leur action (qui ne doit cependant pas ĂȘtre Ă  trop court terme). Ils doivent combattre les tendances Ă  “ donner des leçons â€ et Ă  croire possĂ©der les rĂ©ponses. S’il convient de les prĂ©senter lors des formations initiales, cela doit se faire de maniĂšre souple, sans qu’il y ait la tentation de donner Ă  voir des “ modĂšles â€. Le repli sur soi, le maximalisme, le purisme, l’exaltation trop grande du secteur expĂ©rimental, les rĂ©clamations excessives sont Ă  rejeter au profit d’une coopĂ©ration pas toujours simple, avec l’institution.

 

a Références des Cahiers Pédagogiques

La pédagogie coopérative, n° 347, octobre 1996

L’éducation toujours nouvelle, n° 395, juin 2001

 

 

 

 

 

CRAP-Cahiers PĂ©dagogiques

 

10 Rue Chevreul

75011 PARIS

Tel : 01 43 48 22 30

Fax : 01 43 48 53 21

E-mail : crapcahierspedagogiques@wanadoo.fr

 

Site : http://www.cahiers-pedagogiques.com

 

 

 



[1] Si on en croit diverses recherches rassemblĂ©es par Aletta Grisay voici quelques annĂ©es. (Facteurs d’efficacitĂ© de  l’apprentissage, in  “ Documenter, informer â€, n°31, juin 1995.

 


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