pour imprimer le texte

LĂ©vinas, Le visage

L

 

 

L

a connaissance rĂ©vèle, nomme et, par lĂ -mĂŞme, classe. La parole s’adresse Ă  un visage. La connaissance se saisit de son objet. Elle le possède. La possession nie l’indĂ©pendance de l’être, sans dĂ©truire cet ĂŞtre, elle nie et maintient. Le visage, lui, est inviolable ; ces yeux absolument sans protection, partie la plus nue du corps humain, offrent cependant une rĂ©sistance absolue Ă  la possession, rĂ©sistance absolue oĂą s’inscrit la tentation du meurtre : la tentation d’une nĂ©gation absolue. Autrui est le seul ĂŞtre qu’on peut ĂŞtre tentĂ© de tuer. Cette tentation du meurtre et cette impossibilitĂ© du meurtre constituent la vision mĂŞme du visage. Voir un visage, c’est dĂ©jĂ  entendre : Â« Tu ne tueras point Â». Et entendre : « Tu ne tueras point Â», c’est entendre : « Justice sociale Â». (...)

L’universalitĂ© est instaurĂ©e par ce fait, après tout extraordinaire, qu’il peut y avoir un moi qui n’est pas moi-mĂŞme, un moi vu de face : la conscience, par ce fait extraordinaire qu’un moi souverain, envahissant le monde naĂŻvement, aperçoit un visage et l’impossibilitĂ© de tuer. La conscience, c’est l’impossibilitĂ© d’envahir la rĂ©alitĂ© comme une vĂ©gĂ©tation sauvage qui absorbe ou brise ou chasse tout ce qui l’entoure. Le retour sur soi de la conscience n’équivaut pas Ă  une contemplation de soi, mais au fait de ne pas exister violemment et naturellement, au fait de parler Ă  autrui.

 

Emmanuel LĂ©vinas.


pour imprimer le texte


Haut de la page


COPYRIGHT 2002-2021 Bernard Defrance - tous droits réservés