Paru dans la Revue de la Gendarmerie Nationale, 2ème trimestre 1994.

 

 

La violence à l’école.

 

Un peu d’histoire...

" En mars 1883, le proviseur du lycée Louis-le-Grand renvoie un élève de la classe de préparation à l’École de Saint-Cyr. Quelques jours plus tard, à la sortie du réfectoire, un certain nombre d’élèves au lieu de se promener, comme c’est l’usage, se massent sous une galerie. Un maître d’études les prie de circuler : des sifflets accueillent son ordre et des chants commencent à s’élever. Le surveillant général intervient : les sifflets et les chants redoublent. Le proviseur décide d’expulser sept mutins et de les reconduire dans leurs familles. La résistance des élèves se raidit. Ils conspuent le nom du chef d’établissement puis, forçant une grille, montent à l’assaut du cabinet du proviseur et commencent à briser les glaces de l’antichambre. Puis ils envahissent le dortoir affecté aux élèves de mathématiques spéciales et le mettent à sac, cassant les lits, éventrant les sommiers et brisant les lavabos. Le recteur est appelé à l’aide par l’administration ; ce haut fonctionnaire décide de faire intervenir une escouade de sergents de ville.

Ceux-ci entrent dans la cour du lycée, bloquent les mutins dans le dortoir. Les élèves rebelles ne capitulent pas, couvrent les représentants de l’ordre d’injures grossières, certains s’arment de barres de fer, de tessons de vases de nuit ; l’un d’eux renverse trois sergents de ville et oblige les autres à se défendre. Tandis que se déroule aux étages supérieurs ce combat homérique, le proviseur fait prévenir par télégrammes les parents et correspondants des élèves en révolte. Les sergents de ville réussissent à faire évacuer les dortoirs et à maîtriser les insurgés. Parents et correspondants, prévenus à la hâte, arrivent au lycée. Les coupables leur sont remis. Le bilan est sévère : 12 élèves sont exclus de tous les lycées de France, 93 sont exclus de l’établissement, 16 sont autorisés à rentrer comme externes, 4 sont réintégrés après une sévère admonestation.

L’administration n’est pas la seule à souffrir de l’indiscipline des collégiens. Les heures de classe ou d’étude se prêtent au chahut. Dans ses rapports l’inspection se plaint fréquemment du relâchement ou de la mollesse de la discipline dans les classes qu’elle visite. Déjà sous la Restauration, les classes d’histoire ne sont pas prises au sérieux. Durozoir, suppléant de Guizot à la Sorbonne, est incapable de tenir ses élèves : ses congés sont fréquents et prolongés. Dans certains collèges de la capitale, à Bonaparte par exemple, les élèves viennent en amateurs, la classe devient un lieu de rendez-vous mondain. En 1842, les meilleurs " disciplinaires " sont ceux qui obtiennent de leurs élèves " un demi-silence ". Edmond Saisset, sous la Monarchie de Juillet, se borne à converser avec quelques élèves assis au premier rang de l’amphithéâtre ; les autres sont livrés à eux-mêmes. Quand le bruit est trop fort, Saisset doit descendre de la chaire pour se rapprocher de ses " disciples ". Les heures d’études favorisent l’indiscipline. Alphonse Daudet, au collège de Sarlande (Alès), a su se concilier la division des petits. Transplanté dans l’étude des grands, il devient la victime de la malignité et de la " férocité " de ses nouveaux élèves. Dans ce champ clos qu’est le collège, l’agressivité de l’enfance se déploie. Balzac la souligne dans son Louis Lambert. Coteries et cabales enfantines divisent les classes ; les bandes rivales s’affrontent dans les cours ; rancunes contre les forts en thèmes, injustices mal acceptées, amitiés déçues suscitent les sévices et les tyrannies sournoises. Sous l’Empire, les offenses se règlent en duel ; c’est du moins le cas pour les rhétoriciens d’Henri IV. Les mœurs s’assagissent : le poing remplace l’épée.

Paul Gerbod. (1)

Et le port de l’épée ne sera interdit aux lycéens et collégiens qu’à partir d’un décret de 1848... Ce n’est pas d’aujourd’hui que la violence, sous toutes ses formes possibles, sévit à l’école ; ce n’est pas non plus d’aujourd’hui que les enfants ou les jeunes " règlent leurs comptes " par la violence, dans l’école ou en dehors. Et la scène du châtiment du " traître " Bacaillé, à la fin du roman de Louis Pergaud, La guerre des boutons – mise à nu, fustigation, crachats et excréments (2) –, n’est évidemment pas reprise telle quelle dans le film édulcoré d’Yves Robert... Il y a quelques années, la presse titrait abondamment sur les batailles entre gangs de " zoulous ", en région parisienne principalement, qui avaient fait un mort sur le parvis de la Défense. Mais, en 1815, un fonctionnaire local fait état de cinq morts dans des rixes entre villages du Quercy, mettant aux prises les jeunes gens célibataires, en l’espace de huit mois seulement… (3) Tout récemment, plusieurs faits divers ont mis en cause des lycéens utilisant des armes à feu pour " régler leurs comptes ". Mais pendant toute la première moitié du XIXe siècle, c’est à l’épée que se règlent les conflits. (4)

L’analyse historique (5) montre combien l’association, qui nous est devenue familière, entre ville et violence, plus précisément banlieue et violence, reste sommaire : l’urbanisation de nos sociétés va de pair au contraire avec un adoucissement relatif des mœurs ; et si la drogue, phénomène de masse nouveau, suscite bien aujourd’hui une délinquance spécifique, elle n’en fonctionne pas moins aussi comme une sorte de " sédatif " de masse, et les énergies qu’elle éteint (parfois définitivement...) pouvaient jadis se déployer de manière d’autant plus sauvage que le maillage des réseaux de " surveillance " (6) et de prise en charge sociale (école, police, médecine, etc.) (7) était beaucoup moins serré qu’aujourd’hui.

... et de géographie.

À la relativisation historique des phénomènes de violence il faut ajouter une relativisation géographique. Au moment où la presse, en France, titrait sur le mort du parvis de la Défense, un reportage télévisé sur les gangs de Los Angeles faisait état de plus d’une centaine de morts pendant les trois mois dudit reportage... Les phénomènes de violence juvénile que nous connaissons n’ont guère de rapports avec ce qui se passe dans un très grand nombre d’autres pays, notamment dans le Tiers-monde (Afrique du Sud, Brésil, etc.) mais pas seulement : il n’y a pas encore d’établissements en France où, malgré les deux ou trois faits divers récents, des portiques de sécurité vérifient à l’entrée que les élèves ne sont pas armés... Ce qui est le cas dans de nombreux établissements aux États-Unis. Sur dix meurtres de jeunes entre 15 et 24 ans commis dans des pays industrialisés, neuf le sont aux Etats-Unis. (8).

Des conditions nouvelles.

Une réflexion sérieuse sur la violence à l’école ne peut donc pas ignorer ces éléments historiques et internationaux. Cependant, en France, toutes les enquêtes, notamment auprès des enseignants, (9) reflètent le sentiment d’une violence croissante à l’école : depuis le simple bavardage généralisé, jusqu’au règlement de comptes au pistolet à grenaille ou au couteau, en passant par les projections de lacrymogènes, les chewing-gums bouchant les serrures, les injures, les menaces verbales, les dégradations de véhicules et les agressions physiques de toute nature. Certes, il importe de distinguer la réalité de la violence et sa perception : une certaine loi du silence sur ces phénomènes est en train de se rompre, et c’est tant mieux ; mais la mise en évidence médiatique de certains faits divers isolés tend à déformer l’importance réelle que peuvent prendre dans le quotidien de l’école les comportements violents ou délictueux. Et la grande majorité des classes et des établissements fonctionne à peu près normalement ! (10) D’une certaine manière, on pourrait presque dire que, dans certaines circonstances, c’est plutôt l’absence de violence qui peut surprendre que son apparition.

Ceci à cause de deux phénomènes évidents : d’une part, l’école accueille aujourd’hui, jusqu’à un âge de plus en plus avancé, des populations qui n’y avaient jadis pas accès, (11) et pour lesquelles les normes sociales ne sont pas ou plus acquises et sont donc à reconstruire, ou encore qui appartiennent à des cultures différentes (12) ; et, d’autre part, la société " duale " produit dans certains secteurs urbains (les fameux " quatre cents quartiers ") des situations économiques et humaines telles qu’il est difficile de pouvoir ne serait-ce que parler normalement aux enfants ou aux adolescents qui sont nés dans ces situations et qui, soumis au spectacle quotidien de la corruption, de l’argent facile, des mirages de la consommation, ressentent n’importe quel rappel à la loi, ou aux règles élémentaires du vivre ensemble, comme une agression personnelle. Des normes considérées autrefois comme évidentes ne le sont plus, et certains enfants ne savent même plus que tel ou tel de leurs comportements est hors la loi. S’il s’agit encore, dans certaines formes de délinquances, de défis à la loi ou aux adultes, de transgressions à valeur quasi-initiatique, (13) de nombreux comportements anomiques sont de plus en plus dus à l’ignorance pure et simple des règles ! On peut avoir l’impression que le " voyou " au sens classique du terme est en voie de disparition, et que les bandes, par exemple, sont de plus en plus éphémères, de même que les auteurs de délits sont, toujours dans ces secteurs urbains dégradés, de plus en plus jeunes. Mais l’ignorance de la loi n’est pas non plus le seul fait des jeunes " en galère " : si j’en crois mon expérience personnelle (entre six et dix classes par an, de trente à trente-cinq élèves chacune, en terminales de lycée technique, depuis plus de quinze ans...), très nombreux sont les jeunes, fumant de temps en temps un " joint " entre copains, par exemple, qui ignorent – vraiment ! – qu’ils sont passibles de poursuites !

Inévitablement, cette absence de normes ou de repères sociaux a des répercussions sur les comportements à l’intérieur de l’institution scolaire. D’autant que, dans leur immense majorité, les enseignants sont d’anciens " bons élèves " et, ne comprenant pas grand chose à ces " nouveaux lycéens " (14), se crispent sur leurs " savoirs ", ignorent à peu près tout ou presque des conditions de vie réelles des familles, et, à part de rares exceptions héroïques, s’empressent de fuir au plus vite les situations difficiles (15), laissant aux débutants inexpérimentés le soin de s’occuper des " barbares " !

Quelle mission pour l’école ?

Mais si l’école se révèle " désarmée " devant la violence dont les causes lui sont extérieures, il importe de bien voir que la violence a aussi des causes internes au fonctionnement de l’institution : enseignants, élèves et parents se trouvent pris dans une logique institutionnelle écartelée par la triple mission d’instruction, d’éducation et de formation. On demande tout aujourd’hui à l’école ! Instruire (produire des savants), éduquer (produire des citoyens), former (produire des professionnels). Or, la première mission, longtemps dominante, est aujourd’hui de plus en plus parasitée par la troisième, ce qui aboutit, sous le poids des angoisses du chômage, avec les injustices de l’orientation professionnelle et les spécialisations hâtives, à de véritables mutilations chez les enfants et les jeunes de leurs potentialités, même chez ceux qui " réussissent ". Quant à la mission d’éducation, la formation du citoyen, elle n’est conçue, là aussi à de rares exceptions près, (16) que comme un dérivé subalterne de l’instruction, en annexe souvent négligée des programmes d’histoire et de géographie.

Les violences visibles – et somme toute rares dans leurs manifestations les plus graves – risquent, dans la recherche des solutions, de détourner le regard d’autres formes de violences, cachées, dont les manifestations sont plus difficiles à déceler dans le fonctionnement ordinaire de l’institution, de la classe, de l’établissement. C’est la conjonction entre ces deux ordres de phénomènes qui engendre les violences dans l’école : rencontre parfois explosive entre, d’une part, des générations sans repères, conséquences notamment (mais pas seulement) des précarités de l’emploi et des cadres de vie dégradés, et, d’autre part, une violence institutionnelle cachée, un fonctionnement ordinaire qui ne satisfait finalement à aucune des trois fonctions d’instruction, d’éducation et de formation. Ces manifestations de violences prennent le plus souvent un caractère individuel ou ne mobilisent que de petits groupes, pour des incendies de locaux scolaires par exemple, ou, plus rarement, peuvent mobiliser des masses importantes, comme dans les manifestations lycéennes de 1986 et 1990. (17)

Ainsi, vouloir résoudre la question de la violence à l’école oblige à s’attaquer simultanément à ces deux ordres de causes (externes et internes à l’institution), à agir ensemble dans l’école pour en modifier la logique d’exclusion, et dans le cadre de vie, où sévit aussi, sous d’autres formes, la même logique d’exclusion.

Les causes extérieures de la violence.

Les réponses possibles aux causes extérieures à l’école sont maintenant connues, ce qui malheureusement ne veut pas dire qu’elles sont mises en œuvre, étant donnés les coûts et les difficultés considérables à surmonter. Elles tiennent en trois mots : emploi, ville, citoyenneté.

Le chômage.

On sait le poids du chômage dans les dégradations multiformes de la vie familiale et sociale : comment un enfant pourrait-il s’identifier à un père ou des grands frères constamment au chômage ou réduits aux emplois précaires ? La déstructuration des liens familiaux est parfois extrêmement profonde, d’autant que les médias ne cessent d’entretenir l’image de l’argent facile, que les informations sur les corruptions se multiplient, que la publicité déploie son discours et ses tentations. Si certains enfants ou adolescents versent dans la délinquance, c’est bien en partie le résultat de la perte de ces repères familiaux et de l’immoralité étalée au grand jour de trop de " décideurs " (18). Quelle différence entre la " morale " de tel spéculateur, de tel président de club sportif, de tel élu corrompu, et celle du petit " caïd " de banlieue faisant dans le bizness et les deals divers ? (19) Aucune, si ce n’est leur champ d’application ! Et les coûts sociaux engendrés par tel cabinet d’architectes qui, pour arracher le marché, construit en quelques jours – la fameuse " charrette " ! (20) – des logements qu’il faudra réhabiliter à coup de milliards moins de vingt après, n’ont aucune commune mesure avec les dégâts provoqués par quelques gamins excités qui jettent trois pierres dans une vitrine !

Développement de la formation en alternance, encouragements multiples à la mobilité, emplois de proximité, soutien aux entreprises d’insertion à vocation locale et de solidarité internationale, multiplication des régies de quartier (21), réseaux de solidarité économique, etc., les exemples foisonnent où les victimes de la crise économique actuelle se prennent en charge elles-mêmes, redevenant acteurs de développement. Les logiques de la " crise " ne constituent en rien une quelconque fatalité. Encore faut-il que ces efforts soient encouragés, ne se heurtent pas à des " parcours du combattant " administratifs invraisemblables, où les formalités rebutent les meilleures volontés et où il faut se battre de " bureaux " en " commissions ", parfois des années, (22) pour obtenir trois sous de subventions !

La ville.

La réanimation économique ne suffit pas. La tâche est immense (et pas seulement dans les secteurs dégradés) pour recomposer une ville et des quartiers à visage humain. Ce n’est pas le lieu de dessiner ici l’utopie urbaine de demain ; j’insiste seulement sur le point qui me paraît le plus important : l’essentiel, la clé de toute recomposition urbaine ou réhabilitation réussie, réside dans la capacité des acteurs à mobiliser les habitants autour de projets débattus, analysés en public, travaillés et retravaillés avec ceux qui vont en bénéficier – et qui vont les financer par leurs impôts ! La participation des habitants à la transformation et la gestion de leur cadre de vie est le seul moyen pour qu’à long terme l’argent public ne soit pas gaspillé et que l’on cesse de considérer l’habitat comme juxtaposition de " silos à main d’œuvre ", verticaux ou horizontaux (23). Il y a lieu notamment de réfléchir aux dangers de l’éloignement, constamment en aggravation, des lieux de résidence et de travail, qui, à cause des infrastructures de transport rendues ainsi nécessaires, déstructure encore un peu plus le tissu urbain, et, à cause du temps gaspillé, fragilise encore un peu plus les liens familiaux (combien d’enfants à la clé autour du cou, dès l’école primaire ?) ; de même il importerait de réfléchir sérieusement à la défiguration des proches campagnes de toutes les agglomérations d’une quelconque importance, par les implantations de " grandes surfaces " et commerces divers, dans le moment où les commerces urbains de proximité et les marchés populaires disparaissent, disparition qui contribue à rendre la ville invivable pour qui ne sacrifie pas au mythe de l’automobile ou n’en a pas les moyens.

La citoyenneté.

Mais la participation active des habitants à la réhabilitation de leur cadre de vie suppose aussi de considérables efforts de développement civique. Là aussi, les solutions foisonnent dont sont porteuses de multiples associations, à l’égard desquelles les pouvoirs publics, les élus à tous les échelons, les institutions et les services publics sont trop souvent méprisants. En réalité, on pourrait se demander si la perte de " l’esprit civique " ne touche pas bien plus certains élus et certains acteurs des administrations et institutions que les populations elles-mêmes ! Les obstacles à l’action associative sont tels, la plupart du temps, que l’essentiel des énergies bénévoles se volatilise en démarches, procédures, soucis gestionnaires ou matériels, au détriment de l’action elle-même, sans compter que le poids bureaucratique favorise la création artificielle d’associations " bidon ", sous la coupe de spécialistes des " commissions " ou de notables divers qui ne représentent qu’eux-mêmes, destinées principalement au drainage des subventions dont l’utilisation ne fait l’objet d’aucun contrôle sérieux.

La reconstruction de l’esprit civique, le développement de la vie associative et culturelle, les occasions multipliées et sans cesse renouvelées de prises de responsabilité pour les jeunes, même et surtout si elles débouchent trop souvent sur des échecs apparents à cause du caractère inévitablement temporaire de " l’engagement " des jeunes dans les actions, sont des conditions bien connues et expérimentées pour enrayer délinquance et violences. Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Si quelques jeunes, en se livrant à quelques " rodéos " ou en pillant un ou deux centres commerciaux, obtiennent en quelques jours les millions réclamés en vain depuis des années par les militants associatifs, les élus ou les travailleurs sociaux, ne pas s’étonner de la suite ! Ni des effets pervers selon lesquels on pourrait commencer à penser que " la violence paye " ! Focaliser les efforts publics uniquement sur les quartiers " chauds " aboutit à négliger ceux où il ne se passe rien encore mais où se préparent les explosions futures : c’est précisément là où c’est " calme " qu’il faut prévenir ! Pour prendre un exemple, j’ai, à plusieurs reprises, organisé dans mes classes de philosophie, de séries techniques, des rencontres entre responsables policiers et mes élèves : c’est lorsqu’il n’y a justement pas urgence que les problèmes, malentendus et préjugés peuvent se dissiper ! Et ces rencontres, organisées " à froid ", peuvent se multiplier aisément dans les quartiers, entre policiers, magistrats, etc. et jeunes. La citoyenneté ne tombe pas du ciel : elle se construit patiemment, continue à se travailler dans tous les domaines de la vie sociale, et ce travail est un constant recommencement à chaque génération.

Les causes internes de la violence.

Cependant, tous les efforts entrepris pour enrayer les causes externes de la violence à l’école seront vains si l’école ne parvient pas elle-même à transformer sa propre logique de fonctionnement : il ne s’agit plus ici de violence à l’école mais de violence de l’école.

Impossible dans le seul cadre de ce bref article de décrire à la fois les obstacles, dans le fonctionnement de l’école, à l’apprentissage de la citoyenneté et les solutions possibles pour répondre à cette exigence. Quelques éléments de réflexion cependant.

Ambiances...

Les violences graves sont rares à l’école. Ce qui se dégrade souvent est plutôt de l’ordre d’un " climat " : bavardages incessants, agitations ou apathies, " oublis " de livres ou de cahiers, insolences et injures, hurlements dans les couloirs et les préaux, bousculades, absentéisme, etc.. Dans certaines classes, bon nombre d’enseignants ont parfois l’impression de passer plus de temps à établir ou rétablir l’ordre qu’à enseigner... La vigilance la plus minutieuse à l’égard de tous les signes, même les plus anodins en apparence, de cette dégradation du climat de l’établissement est nécessaire : un " tableau de bord " hebdomadaire, ou mensuel, de tous les incidents selon leur nature et gravité peut être tenu et diffusé systématiquement aux enseignants, dont la perception de ce qui se passe reste souvent très partielle, ainsi qu’à l’ensemble des acteurs de l’établissement sans oublier, surtout, les élèves délégués de classe et les agents (qui sont souvent le personnel " aux premières loges " et qu’on " oublie " de consulter...). Ces efforts de lucidité et d’information, de transparence, ont souvent un effet décisif pour enrayer la montée des phénomènes d’agitation ou de violences.

On peut cependant aussi fournir l’effort nécessaire pour ne pas confondre les effets et les causes, pour chercher de quels dysfonctionnements de l’institution elle-même ces phénomènes sont les symptômes. Et l’on sait bien que, si le traitement des symptômes est nécessaire au soulagement du " malade ", ce n’est que la résorption des causes de la maladie qui permet de recouvrer réellement la santé. J’insiste donc ici sur les aspects ordinaires des fonctionnements institutionnels qui me paraissent, pour une véritable éducation à la citoyenneté, les obstacles les plus importants.

Les rapports institutionnels.

L’éducation civique, au sens plein du terme, ne consiste pas seulement en " cours d’instruction civique ". Elle met en cause un certain type de rapports institutionnels entre l’enseignant et les élèves (quels que soient leurs âges) : la première règle que découvre l’enfant en entrant en classe, c’est l’obéissance. Et d’emblée, dès la première minute de classe, se pose alors la question essentielle : le citoyen n’est pas seulement celui qui obéit à la loi, c’est aussi celui qui la fait, avec les autres. Dès lors, il s’agit, non pas de faire de l’école (du collège, du lycée) un lieu " démocratique " mais un lieu d’apprentissage de la démocratie, ce qui n’est pas la même chose... La difficulté en effet est que, si les enfants sont bien déjà sujets de droit, ils ne sont pas encore citoyens ; et que le défi pédagogique consiste précisément dans cette tension constitutive de l’éducation entre le " déjà " et le " pas encore "... On ne saurait devenir citoyen uniquement par la grâce de l’état civil. Or, si dans le quotidien de l’école seule l’obéissance est exigée sans que soient développées les capacités à faire la loi ensemble, alors l’apprentissage de la citoyenneté est manqué. Et il est vrai qu’on peut légitimement s’interroger aujourd’hui sur le nombre d’adultes qui, citoyens de droit, se comportent effectivement en citoyens...

On a pris l’habitude de considérer, depuis Montesquieu, que les deux conditions de la démocratie sont, d’une part, du côté de l’organisation de l’État, la distinction des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires, et, d’autre part, du côté du citoyen, la vertu. Enfin les principes fondamentaux du droit sont assez clairs : " Nul n’est au-dessus de la loi, nul ne peut se faire justice à lui-même, nul ne peut être juge et partie ", etc.. Or, le fonctionnement ordinaire de la classe contrevient, soit par abus vis-à-vis des règles en vigueur, soit du fait de l’application même de ces règles, à la plupart de ces principes fondamentaux.

En ce qui concerne précisément la violence dans la classe, quelles que soient ses formes, des plus anodines aux plus graves : le pouvoir de fixer les règles et de punir en cas de transgression appartient au même individu, l’enseignant. Cette non-distinction des pouvoirs entraîne alors des dangers majeurs. Un des plus évidents, difficilement vécu par les enfants (" C’est pas juste ! "), est l’incohérence très fréquente des règles et des sanctions, qui risque d’empêcher chez les élèves la construction de la notion même de loi : d’années en années (pour l’école primaire), d’heures en heures (dès la sixième), les règles de comportement imposées aux enfants risquent de varier en fonction de la personnalité ou du caractère (et même de la simple " humeur " !) des enseignants, les uns tolérant ce que d’autres ne supportent pas, les uns exigeant sous menace de punitions ce à quoi d’autres n’attachent aucune importance. Les exemples sont ici multiples (24) et bien connus des parents... Une deuxième incohérence très fréquente consiste à punir un comportement anodin (mâcher du chewing-gum, oublier d’enlever sa casquette, etc.) et à fermer les yeux devant des comportements plus graves (moqueries à l’égard de la " tête de turc ", injures, etc.). Là aussi, les témoignages de mes élèves sont fort nombreux (25). Enfin, la confusion des pouvoirs dans la classe aboutit à ancrer dans l’esprit des élèves – ce qui ne manque pas d’avoir des effets sur le comportement du futur citoyen – l’idée que la loi, loin d’être la convention, l’inter/dit (ce que nous " disons entre " nous pour pouvoir vivre ensemble), n’est que la traduction du " caprice " de celui qui a le pouvoir (momentanément...) d’imposer " sa " loi (" Qu’ils aillent faire ça ailleurs, mais pas chez moi ! ").

Ce qui risque alors d’avoir un triple effet :

1. pour la minorité des " bons élèves ", de ne motiver la " réussite " scolaire que par la seule envie de " passer de l’autre côté du manche ", pour pouvoir à son tour imposer ses volontés aux autres (ce qu’on appelle " l’ambition "...) ;

2. pour la minorité symétrique de la première, les élèves en " échec ", d’induire des sentiments de révolte, des comportements de " fuite " (26) ou encore des actes violents détournés vers les plus faibles et plus rarement contre l’institution elle-même et ses acteurs, dans l’illusion de retourner, même un bref instant (payé cher ensuite...), le rapport ordinaire des forces ; et…

3. …de laisser la masse intermédiaire indifférente aux responsabilités collectives et aux questions civiques, masse apathique repliée dans des comportements individualistes et manipulable au gré des forces multiples (médiatiques, publicitaires...) de séductions irrationnelles, ou d’intérêts corporatistes (en tant qu’égoïsmes de groupes repliés sur les particularismes locaux, ethniques ou professionnels, et incapables d’accéder à la notion d’intérêt général, de république). (27)

La distinction des pouvoirs.

Certes, on peut penser que, au moins dans les premières années d’école, cette distinction des pouvoirs est difficile, en tant que ces premières années (l’école " maternelle ") prolongeraient la situation familiale. Mais, précisément, l’école n’est pas la famille, et les enfants y vont pour, entre autres choses, y apprendre qu’on peut vivre et travailler avec les autres, sans être obligés de les aimer... L’école est, pour l’enfant, la première " société " : il peut y apprendre ce que ni la famille ni les attaches culturelles et ethniques ne peuvent lui apporter du fait de la prégnance des liens affectifs identitaires. Ainsi, l’école ne peut jouer son rôle d’initiation à la citoyenneté qu’à introduire progressivement cette distinction des différents pouvoirs par laquelle se définit institutionnellement la démocratie. Si la rupture avec les modèles d’autorité familiale est tout à fait nécessaire, elle ne peut cependant porter ses fruits qu’à la condition d’ouvrir le champ à des pouvoirs nouveaux, que si l’interdiction des comportements " régressifs " ouvre la voie des investissements culturels, conditions de la liberté civique.

La non-séparation des pouvoirs a aussi comme effets pervers d’empêcher les élèves de comprendre le sens de la punition en cas de transgression des règles. C’est aussi un des principes fondamentaux du droit : toute infraction entraîne punition et réparation. À condition que cette punition soit bien perçue comme l’effet légal d’un comportement illégal. Ce qui suppose que celui qui prononce le jugement et fixe la punition ne soit pas impliqué, même indirectement, dans l’affaire. Sinon la punition ne peut apparaître, même si elle est " objectivement " juste, que comme la vengeance de celui dont l’autorité a été momentanément bafouée. Ce qui risque alors d’enclencher les spirales interminables des provocations et de la répression, principalement si on a affaire à des populations " difficiles ", pour lesquelles ce " jeu " avec la loi – et l’adulte ! – constitue l’essentiel du sentiment d’exister.

Et, bien sûr, cette spirale de la violence risque d’être d’autant plus difficile à enrayer que les éducateurs, trop souvent, ne se privent pas d’enfreindre eux-mêmes des règles dont ils sont pourtant les gardiens symboliques. L’exemple le plus flagrant étant celui de la persistance, plus d’un siècle après leur interdiction (28), des châtiments corporels : les enquêtes récentes (et les témoignages de mes élèves, qui sont tous nés après Mai 68...) montrent que, s’ils ont tout de même diminué en quantité et en gravité, ils demeurent encore, dans la pratique d’une forte minorité d’enseignants, un moyen " normal " de maintien de l’ordre (29). Et on ne peut s’empêcher de constater que des générations entières successives ont été " éduquées ", depuis l’interdiction des punitions corporelles, hors la loi : tout le monde se souvient des célèbres coups de règle sur les doigts ! Pourquoi s’étonner des résultats ?

Le citoyen obéit à la loi et non au " supérieur " : lorsque j’obéis, je n’obéis pas à un individu qui aurait pouvoir sur moi, mais j’obéis à la loi dont il est, par délégation et momentanément, porteur, parce que cette obéissance à la loi garantit ma liberté. C’est cela que l’enfant a à découvrir progressivement à l’école et qu’il ne peut découvrir dans sa famille. Tous ceux (comme je l’ai fait pendant longtemps lorsque j’étais professeur en École Normale d’instituteurs) qui ont travaillé dans des classes coopératives, techniques Freinet, pédagogie institution-nelle (30), savent que cette éducation civique n’est pas de l’ordre de l’utopie : des classes, des établissements entiers existent (31), où les élèves apprennent, jour après jour, à organiser le temps, l’espace, les activités, apprennent le maniement des outils matériels, culturels et institutionnels de leur liberté, apprennent à régler les conflits par la parole et non les coups, à faire la loi ensemble et à la respecter.

Ce qui est fondamental, dans ces classes et écoles, porte sur les dispositifs de médiation : l’exigence démocratique de distinction des pouvoirs introduit le " tiers " dans la relation en évitant le face-à-face des relations duelles et leurs pièges affectifs ou violents (et parfois les deux en même temps !) ; la médiation, technique et institutionnelle, évite le très banal : " C’est moi ou c’est eux ! ", puisque, précisément, il ne peut y avoir éducation que lorsque ce " ou " exclusif perd son sens, lorsque le principe devient : " C’est eux et moi, à propos de... " (ici, placer n’importe quelle tâche et activité scolaire et culturelle).

La question de l’évaluation.

Les effets pervers de la non-distinction des pouvoirs ne portent pas seulement sur la question de la discipline, au sens de " maintien de l’ordre ", mais aussi sur celle des disciplines, au sens de l’acquisition des savoirs (l’utilisation, dans la langue française, de ce même mot est d’ailleurs très significative...). Ici aussi, le pouvoir de juger des résultats de l’enseignement appartient à l’enseignant lui-même : c’est le même individu qui instruit et qui note les résultats de cette instruction. Les effets de cette confusion institutionnelle des rôles d’" entraîneur " et de " juge " (pour utiliser la métaphore sportive) sont incalculables et imprègnent la totalité ou presque du quotidien de la classe, notamment les structures de la communication (32). Comment en effet l’élève pourrait-il exprimer ses ignorances, avouer ses manques, si ces " aveux " risquent de lui attirer des remarques désagréables et d’influer sur les notes et " appréciations " portées sur les bulletins, lesquels influent sur les décisions de passage d’une classe à l’autre, sur les commissions d’admission et les jurys d’examen ? Or, il ne peut y avoir d’enseignement efficace qu’à la condition que l’élève puisse exprimer ses ignorances, ses incompréhensions, ses représentations mentales fausses, ses préjugés, en toute sécurité. Mais si la moindre note du moindre exercice est utilisée dans les mécanismes généraux de l’évaluation (la fameuse " moyenne " !), donc de l’orientation, la recherche de la vérité est remplacée par celle de la conformité : " Qu’est-ce que je vais bien pouvoir mettre sur cette copie, qui va " faire bien " ? " Tout se passe à l’école comme si le " droit à l’erreur " y était interdit : ce qui est très précisément contraire à la définition même de l’École ! (33)

L’échec scolaire...

...n’explique pas, à lui seul, l’apparition de la violence à l’école : c’est une conjonction de facteurs qui peut la provoquer. Mais, par rapport à un environnement défavorable (brièvement esquissé ci-dessus), l’école représente souvent le seul lieu où les enfants peuvent apprendre que des relations humaines, structurées par un " contrat social ", sont tout de même possibles. D’où l’importance extrême, même si tout le monde ne réussit pas en maths ou dans n’importe quelle autre discipline, que les structures institutionnelles de l’école soient conformes aux principes élémentaires du droit. Sinon, la " réussite " n’est que le déguisement d’ambitions immorales, et l’échec renforce les sentiments de rejet (la " sélection "...), qui peuvent alors engendrer des violences, dirigées vers autrui ou retournées contre soi-même (34), notamment à l’adolescence.

En effet, acquérir des savoirs et des savoir-faire n’a de sens qu’à ouvrir à des pouvoirs nouveaux : j'obéis aux contraintes techniques et psychologiques du langage, parlé et écrit, parce que ces contraintes ouvrent l’immense champ de la liberté d’expression, de la communication et du dialogue. Il en va de même pour l’ensemble des savoirs et de la culture. Encore faut-il que les conditions scolaires d’apprentissage permettent à l’élève d’apprendre à exercer ses pouvoirs dans le présent même de l’institution scolaire. Or, si un élève majeur n’a pas plus de pouvoirs sur le quotidien scolaire qu’un enfant de maternelle, ce sont toutes les sources de la " motivation " qui s’en trouvent progressivement taries. Au lieu d’augmenter le champ des pouvoirs et des libertés, de permettre la découverte de l’immense variété des savoirs et des cultures, l’école, aujourd’hui, impose trop souvent des renoncements mutilants de la personnalité. À chaque étape des " orientations ", il faut renoncer à une part des potentialités de développement culturel : privation des dimensions de la culture technique pour les " bons élèves " ou moyens, orientés en études longues ; privation de la dimension artistique et littéraire pour les futurs " forçats " des mathématiques et des classes préparatoires ; privation des exigences et informations scientifiques nécessaires au citoyen d’aujourd’hui, pour les " relégués " littéraires ou ceux qui se retrouvent engagés dans des filières professionnelles dévalorisées.

Dès lors, que ces renoncements soient conscients ou non, les jeunes ne peuvent pas ne pas chercher à " compenser " cette absence de pouvoirs réels en " jouant " dans les interstices que laisse encore libres le fonctionnement des institutions familiales, scolaires, médicales, voire judiciaires... Et dans ces " jeux ", où le sujet cherche à éprouver, à la manière d’une auto-initiation (35), ses propres limites, la violence, comme frôlement initiatique de la mort, est parfois présente. L’affrontement à la loi risque de devenir quelles que soient les formes qu’il peut prendre, le seul moyen de se prouver qu’il reste encore une marge de liberté...

La réponse est donc pédagogique et institutionnelle (36) : fondamentalement, il s’agit d’organiser la classe et l’établissement comme lieu où on peut apprendre progressivement à articuler sa liberté avec celle des autres. Utopie ? Pas du tout. Des milliers d’enseignants le font tous les jours, (37) et depuis longtemps. Ils ne sont cependant qu’une minorité... Les réflexions et innovations pédagogiques se limitent trop souvent encore à des questions d’ordre technique (didactique), par exemple sur les " techniques " d’apprentissage de la lecture, ou sur les mathématiques dites " modernes ". Or la question préalable est bien celle du sens, celle du désir. Et si le désir humain ne trouve pas à investir ses énergies dans la culture, c’est la violence qui s’installe. Double mission alors pour l’éducateur : que l’école devienne lieu de connaissance et de reconnaissance.

Les enjeux.

La question de la violence à l’école pose donc, de manière parfois aiguë, celle de la citoyenneté. Montesquieu expliquait que, outre la distinction des pouvoirs, la démocratie supposait la vertu en chaque citoyen. L’école peut-elle être lieu d’apprentissage de la vertu ? Et en quoi consiste-t-elle ? Il ne s’agit pas de " morale " ici, au sens habituel du terme, sinon cette question serait plutôt du ressort de la famille. La vertu civique suppose que chaque citoyen décide librement de consentir à la liberté de l’autre, de respecter quelques principes fondateurs, qui ne peuvent précisément pas se discuter " démocratiquement " puisqu’ils sont précisément ce par quoi une " discussion " démocratique devient possible. Et le principe sans doute le plus fondamental à cet égard réside justement dans l’interdit de la violence. Sous toutes ses formes : physiques, bien sûr, mais aussi psychologiques, sociologiques, économiques et institutionnelles.

Les élèves que nous avons actuellement dans nos classes auront sans doute à s’affronter et à tenter de résoudre des questions sans précédent dans l’histoire de l’humanité : nous savons bien désormais que le triple défi des croissances industrielles, urbaines et démographiques met en péril la survie même de l’espèce humaine (38). Les paléontologues et les biologistes nous expliquent que la durée de vie moyenne d’une espèce mammifère est d’environ sept millions d’années. L’espèce humaine en est à trois millions et demi, semble-t-il... Voulons-nous continuer ? Ce sont nos enfants qui auront à en décider. L’éducation civique aujourd’hui consiste à permettre à tous, quels que soient la place sociale, les savoirs, les compétences, la culture de chacun, de participer à cette décision, de s’armer pour affronter ces défis majeurs et universels.

Bernard Defrance.

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(1) La vie quotidienne dans les Lycées et Collèges au XIXe siècle, Hachette, 1968, p. 104-106.

(2) Gallimard, coll. Folio, p. 256-258.

(3) François Ploux, " Rixes intervillageoises en Quercy (1815-1850) ", dans Ethnologie Française, 1991, n° 3.

(4) En 1832, c’est ainsi que meurt, tué en duel à vingt ans, Évariste Galois, qui avait cependant eu le temps de bouleverser par ses travaux tout l’édifice des mathématiques (duel au pistolet).

(5) Jean-Claude Chesnais, Histoire de la violence, Laffont, 1981.

(6) Michel Foucault, Surveiller et punir, naissance de la prison, Gallimard, 1975.

(7) Jacques Donzelot, La police des familles, Minuit, 1977 ; Philippe Meyer, L’enfant et la raison d’État, Le Seuil, 1977.

(8) UNICEF, rapport 1993, Le Monde, 28 septembre 1993.

(9) Jean-Michel Léon, Violence et déviance chez les jeunes : problèmes de l’école, problèmes de la cité, rapport au ministre de l’Éducation Nationale, dactylographié, 1984.

(10) " Les Français et l’École ", Le Monde de l’Éducation, octobre 1993, p. 46.

(11) Pour prendre un exemple, les effectifs des lycées (qui commençaient à la classe de sixième, et même dès la " 11ème " – l’actuel cours préparatoire – dans le cadre des " petits lycées " où allaient les enfants de la bourgeoisie, ce qui leur évitait les promiscuités de la communale…) ne varient pratiquement pas de 1880 à 1939 ; on sait ce qu’il en a été depuis la Libération ; voir Antoine Prost, L’Enseignement en France, 1800-1967, Armand Colin, 1968.

(12) " À l’école : l’intégration ", Cahiers Pédagogiques, n° 296, septembre 1991.

(13) Antoine Garapon, " Faut-il dédramatiser l’adolescence ? ", Lieux de l’Enfance, n° 5, mars 1986.

(14) François Dubet, Les Lycéens, Le Seuil, 1991.

(15) Par le jeu de l’ancienneté et des barèmes.

(16) Les mouvements pédagogiques ont notamment une longue expérience de l’éducation à la coopération (Office Central de la Coopération à l’École, Institut Coopératif de l’École Moderne, etc.).

(17) Le paradoxe étant d’ailleurs, pour les manifestations de 1990, qu’elles se sont déclenchées en protestation contre un sentiment d’insécurité croissant suite à quelques faits divers violents ; voir " Violences à l’École ", Cahiers Pédagogiques, n° 287, octobre 1990.

(18) Quand un maire décide délibérément d’enfreindre la loi en " interdisant " d’école des enfants d’origine étrangère, comment peut-on croire que ces enfants puissent accéder à la notion même de loi ? Voir La violence à l’école, Syros, 1992, p. 38-40.

(19) Anne Giudicelli, La Caillera, Jacques Bertoin, 1991.

(20) Voir le texte de Paul Virilio, " La charrette des condamnés à vivre ", Alternatives non-violentes, n° 38, septembre 1980, reproduit dans La violence à l’école, op. cit., p. 38-40.

(21) Le principe des régies de quartier est de permettre aux habitants eux-mêmes de prendre en charge l’entretien et les réparations courantes de leurs immeubles et ainsi, notamment, de créer des emplois sur place pour bon nombre de jeunes chômeurs.

(22) Plus de 600 jours de démarches pour obtenir un subvention de fonctionnement à un réseau d’entraide scolaire à la cité des Bosquets à Montfermeil !

(23) Les lotissements de préfabriqués horizontaux, sans équipements sociaux, envahissent les communes rurales des environs des grandes agglomérations, augmentent considérablement les temps de transport, provoquent des situations de surendettement, sans parler des fréquents problèmes de malfaçons, en donnant l’illusion d’accéder au " rêve " de la maison individuelle, pour échapper aux HLM des proches banlieues.

(24) Bernard Douet, Discipline et punitions à l’école, PUF, 1987.

(25) Sanctions et discipline à l’école, Syros, 1993.

(26) Au sens que donne à ce mot Henri Laborit, dans La nouvelle grille, Robert Laffont, 1974.

(27) Le corporatisme professionnel est certainement à cet égard, en France, un des obstacles majeurs à la démocratie ; on sait, par exemple, le poids considérable des " maffias " d’anciens élèves de grandes écoles dans l’organisation administrative de l’État et la répartition des responsabilités politiques et économiques.

(28) Arrêté du 18 janvier 1887.

(29) Voir Bernard Douet, op. cit.

(30) Voir bibliographie des ouvrages publiés par les praticiens de la pédagogie institutionnelle dans La violence à l’école, op. cit., p. 129, note 40.

(31) Par exemple, l’école qui a fait l’objet d’un bref mais remarquable reportage diffusé au cours de l’émission " Bas les masques ", de Mireille Dumas, sur France 2, le mardi 28 septembre 1993.

(32) " Tout ce que tu diras pourra être retenu contre toi : c’est une des choses qu’on apprend à l’école. Lorsqu’on dit qu’un juge instruit une affaire, on fait comme si dans cette acception le terme n’avait aucun rapport avec l’instruction publique. Et si le maître était, à sa manière, un juge d’instruction ? ", Philippe Perrenoud, Métier d’élève et sens du travail scolaire, ESF, 1994, p.151 ; c’est l’auteur qui souligne.

(33) C’est précisément le " droit à l’erreur " qui constitue la différence essentielle entre l’école et le monde du travail : l’enfant et l’adolescent s’y trouvent protégés des exigences de " productivité " en vigueur dans la vie professionnelle ; et c’est ce qui rend problématique l’extension de l’apprentissage - pour lutter contre le chômage des jeunes – parce qu’il suppose une articulation très précise des différences d’exigence entre les établissements scolaires et les entreprises, qui auront alors à transformer considérablement leurs modes d’approche respectifs de la question, si l’on souhaite que la formation en " alternance " porte tous ses fruits ; voir Cahiers Pédagogiques, " École et entreprise ", n° 250, janvier 1987, et " L’alternance : quelle pédagogie ? ", n° 260, janvier 1988, et aussi : Les parents, les profs et l’école, Syros, 1990, p. 109-116.

(34) Anne Tursz, Yves Souteyrand et Rachid Salmi, Adolescence et risques, Syros, 1993.

(35) David Le Breton, Passions du risque, Métaillé, 1991 ; Patrick Baudry, Le corps extrême, approches sociologiques des conduites à risques, L’Harmattan, 1991 ; voir aussi, sur une forme particulière de ces simulacres d’initiation, les bizutages, la revue Panoramiques, n° 6, 1992, p. 172-180 et 190-194, notamment.

(36) Jacques Pain, Écoles : violence ou pédagogie ?, Matrice, 1992.

(37) Voir par exemple le reportage de Nathalie Gillot : " Cette classe où les élèves font la loi ", dans le cours préparatoire de Marie-Hélène Imbert à l’école Victor-Hugo de la cité des Bosquets à Montfermeil (ce n’est pas n’importe où…), France-Soir, 13 mai 1993.

(38) Michel Serres, Le contrat naturel, François Bourrin, 1990, et Le tiers-instruit, François Bourrin, 1991.