Textes divers d’élèves proposés à la revue PANORAMIQUES

pour le n° 16, 4ème trimestre 1994, " Jeunesses d’en France "

Les textes publiés par la revue sont indiqués par un astérisque à la signature.

Élèves de classes terminales F et G, lycée Pierre de Coubertin, Meaux.

 

Dans le domaine amoureux, pour moi, il ne se passe rien... Je demande... et elles disent non.

Benoît.

Mes parents sont géniaux... Géniaux, Papa et Maman le sont !

Geoffroy. *

Les relations avec mes parents sont en général assez " cool ", mais il peut y avoir quelques fois des accrochages assez méchants...

Christophe. *

Mes parents sont divorcés et j’habite chez ma mère ; je vais en vacances chez mon père. Les rapports avec ma mère sont parfois difficiles mais sinon tout se passe bien...

Ludovic. *

Je vis en parfaite harmonie avec mes parents, tout est parfait, je m’entends très bien avec eux et les quelques disputes se terminent toujours bien.

Catherine. *

Avec mes parents tout va bien, ils sont très sympas, sauf qu’ils n’ont toujours pas compris que je suis adulte, que je vais avoir bientôt 19 ans. Je n’ai que ça à leur reprocher. Ils me disent aussi qu’ils ont peur qu’il m’arrive quelque chose, un pépin ou un accident, et que c’est normal qu’ils s’inquiètent pour moi, et que je verrai plus tard qu’avec mes gosses je ferai pareil...

Je veux bien qu’ils me disent que c’est parce qu’ils m’aiment qu’ils veulent me protéger. Mais je voudrais bien qu’ils fassent la différence entre aimer et couver ! Lorsque je leur en parle la discussion dure cinq minutes, au maximum, et ils deviennent sourds, ils ne veulent plus rien entendre. Alors la discussion s'arrête... et basta !

Je suis heureux avec eux mais je voudrais être libre de mes agissements. Je pense que c’est peut-être normal qu’ils soient comme ça mais c’est parfois chiant. Si je devais leur dire ce que je viens d’écrire ce serait me résigner à une engueulade et des reproches jusqu’à la fin de leur vie...

Christophe. *

Avec mes parents tout se passe dans l’ordre et la politesse...

Marc.

Mes parents sont divorcés depuis maintenant quatre ans et je vis avec mon père car ma mère était dans l’impossibilité de nous prendre en charge ma soeur et moi du point de vue financier. Aujourd’hui encore je vis chez mon père, mais il règne un éternel conflit entre nous deux, et cela a toujours été, il a toujours préféré‚ ma soeur qui a 21 ans et cela m’a marquée. Depuis les vacances de Noël, pratiquement plus une parole ne passe entre mon père et moi, seulement bonjour, bonsoir. Ceci après une discussion furieuse sur de prétendus problèmes... et toujours le même refrain : " Tu sais ce qui t’attend ! ", c’est-à-dire de ne plus mettre les pieds chez mon père. Toutes ses autres paroles et ce refrain ont fini par provoquer chez moi un ras-le-bol complet : je n’attends qu’une chose c’est de pouvoir partir. Mais chez ma mère ce n’est pas possible, puisqu’elle habite avec son ami et qu’ils ne disposeraient pour moi que d’un petit coin de canapé pour dormir, ce qui ne pourrait pas être vivable. Chez mon petit ami ce n’est pas possible non plus puisqu’il doit déjà partager sa chambre avec son petit frère. Aucun moyen pour moi de partir. Maintenant, j’essaie de ne plus rien dire à mon père, de ne plus rien lui demander. Avant il m’accompagnait au lycée mais maintenant je me débrouille, ce qui me vaut quelques retards parfois.

Cela soulage parfois d’écrire...

Cécile.

Ce sont mes premiers amours qui ont été les plus difficiles, parce qu’après on s’habitue. Mais d’abord, soyons clair : moi y en a être pédé et moi le dire à tout le monde et moi m’en foutre !

Mon premier et seul véritable amour s’est passé, en fait, comme les autres : une rencontre dans une boîte de nuit homo... Banal ! C’est la trame générale... Oui, mais lui c’était le premier ! Pour parler façon romans " à l’eau de rose ", c’était lui que je désirais depuis tant d’années... Et pan ! Au bout d’une semaine, il m’apprend que ce n’était que pour un soir car il vivait depuis sept ans avec un mec qu’il aimait et qu’il avait seulement profité des vacances de son mec pour s’accorder un peu de liberté... Et c’était sur moi que ça tombait ! Je l’ai pleuré pendant des mois, allant de mecs en mecs en recherchant quelqu’un susceptible d’être son " jumeau "... Et puis, au fil du temps, l’idée qu’il n’en existait qu’un comme lui et pas deux a fini par forcer la porte de mon cerveau (et de mon cœur ?), et donc j’ai repris mon envol...

Mes parents sont au courant. Cela n’a pas été facile, mais ils savent maintenant que, comme ils disent, j’ai fait " un choix ", celui de ma sexualité. Notre entente aujourd’hui est quasi-parfaite, je n’ai donc rien à dire de particulier là-dessus... Je sais que j’ai " toujours " été homo : c’est inné ! Et de toutes façons, à quoi bon écrire ce que je ressens de la vie ? C’est impossible à décrire... Rien à ajouter.

Cédric.

Je ne peux pas parler de " relations " avec " mes " parents. Je n’en ai qu’avec ma mère. Je n’en ai pas avec mon père. Ma mère est pour moi comme une amie, une " grande sœur ". Elle me connaît, m’écoute et me comprend. Parfois on se dispute mais ça ne dure jamais longtemps. Elle me soutient dans mes peines, comme je m’efforce de soulager les siennes.

Mon père ? Je le connais peu. Et lui ne me connaît pas du tout. Avant, quand j’étais petite, je l’aimais. En effet, quand il s’agissait de faire des choses " imprudentes ", c’était toujours avec lui : d’ailleurs, un jour, mon frère a failli se noyer ! Avec ma mère je ne voulais pas faire de " bêtises ". Mon père était comme un héros pour moi. Mais j’ai dû grandir, et voir qui il était vraiment : un ancien enfant gâté, qui en a gardé la mentalité... Il est égocentrique et ne supporte pas que l’on ne cède pas au moindre de ses caprices. Il faudrait tout faire pour lui, alors que lui ne prête aucune attention à nous, sauf quand, tout d’un coup, il se met à gronder mon frère (le plus souvent) ou ma sœur. C’est pourquoi je peux dire qu’il ne me connaît pas du tout. Le pire c’est qu’il a le même comportement avec ma mère et pourtant elle a tout fait pour que ça aille mieux. Elle fait tout à la maison et il trouve encore le moyen de l’engueuler en prétendant qu’il en fait, lui, beaucoup plus et qu’elle ne fait rien. J’ai d’abord eu peur que mes parents ne finissent par divorcer, mais c’est impossible car mon père ne pourrait pas vivre seul, ce serait une trop grande responsabilité ! Il me parle parfois en s’efforçant d’être gentil, comme si j’avais trois ans... Il enfonce mon frère, qui a onze ans et des difficultés à l’école, alors que ma mère se donne beaucoup de peine pour essayer de l’aider à s’en sortir. Quand ma mère dit quelque chose à quelqu’un, il s’empresse de dire le contraire juste par esprit de contradiction. Dans cette situation, comment serait-il possible que mon frère et ma sœur aient une éducation correcte ? D’ailleurs ils ont du mal à s’y retrouver et je m’efforce de les soutenir.

Voilà à peu près l’" équilibre " dans lequel je vis, quand je sors du chaos du lycée.

Sandrine. *

J’ai perdu mon cousin jeudi dernier. Il s’est suicidé. Il m’était très cher, je l’admirais beaucoup. Il avait 24 ans, il venait de finir des études de commerce à Lille (Bac + 6). Depuis quelques mois, il travaillait dans une entreprise en Creuse, sa région d’origine. Il aimait beaucoup voyager, ce qu’il a fait durant toute sa jeunesse. Sa mère était professeur et son père agriculteur. Malheureusement, sa mère est décédée il y a deux ans, c’était la personne la plus chère au monde pour lui, et il avait eu du mal à s’en remettre. Il s’entendait bien avec sa sœur, qui a 23 ans, qui a aussi fait ses études à Lille et est partie travailler et vivre avec son copain à Rouen depuis quelques mois. Mon cousin s’est donc retrouvé en Creuse avec comme seule famille un père avec qui il ne s’entendait pas. C’est pour cela, je pense, qu’il a dû mettre fin à ses jours, n’ayant plus personne à qui s’attacher.

Je ne lui en veux pas, car cela a dû le soulager, il devait être très malheureux. Il n’avait rien fait savoir à sa famille et je l’avais vu encore aux vacances de Noël et il m’avait paru en bonne forme. Il avait énormément profité de sa jeunesse, en voyages et fêtes. Mais les dernières années de sa vie ont dû être un véritable " sac de merde " pour lui.

Je ne l’oublierai jamais. C’était quelqu’un de souriant, aimant plaisanter, toujours d’humeur égale. Je me dis qu’il est encore parti en voyage. Un très long voyage…

Fabien Duret, 14 janvier 1994.

 

Je pense qu’il sera de plus en plus difficile de faire des enfants à notre époque et dans l’avenir, si cela continue comme ça et cela paraît bien parti pour continuer comme ça... Car faire un enfant demande beaucoup de réflexion, à mon avis : la question est de savoir s’il pourra assurer son avenir. S’il doit devenir un adulte obligé de voler, mendier ou même vivre à ma charge jusqu’à l’âge de 40 ans... Pire, peut-être qu’un jour il me regardera et me dira en tête à tête : Papa, pourquoi m’as-tu conçu, avec Maman, si c’est pour être obligé de vivre dans un monde aussi pourri, où le seul moyen pour les jeunes est de repousser le plus possible la date fatidique d’entrée dans le chômage et donc d’essayer de faire des études le plus longtemps possible ?

Je crois que cela risque d’être encore pire : ce sera peut-être une nouvelle guerre ou une révolution ou une grande crise, les exemples du passé ne manquent pas... Alors un enfant qui risque de naître dans ces conditions, je dis non !

Hervé Klékot, janvier 1994. *

En 1991, suite à des complications de sa santé, mon père dut passer plusieurs examens de santé qui révélèrent qu’il avait un cancer des poumons. Et il n’avait jamais fumé. On croit toujours que cela n’arrive qu’aux autres...

C’est la première fois que je pris ma mère dans mes bras. Elle pleurait. C’est la première fois que je fus vraiment abattu. Je suis fils unique. Je me sentais dans le devoir de soutenir mon père et ma mère. Je crois que dans ces moments, il est vraiment important de se sentir entouré, car le soutien moral peut venir à bout de presque toutes les douleurs. C’est aussi dans ces moments-là que l’on voit où sont vos vrais amis, et les autres, ceux qui vous délaissent en apprenant ce qui se passe... Je n’ai jamais vécu de choses aussi difficiles dans ma vie jusqu’à présent. Je fus obligé d’aller chercher un réconfort extérieur pour ne pas montrer que je pleurais... Ce fut une très bonne copine et aussi mon professeur d’arts martiaux qui me permirent vraiment d’essayer de reprendre espoir. C’est vraiment dur de supporter de voir quelqu’un qu’on aime suivre un traitement de chimio, des rayons, perdre du poids, ses cheveux et surtout le moral. En plus, il continuait à travailler. Il doit y avoir peu de personnes qui suivent un traitement contre le cancer et qui continuent à travailler huit heures par jour. Ma mère poussait toujours mon père pour qu’il n’arrête pas le traitement jusqu’à la fin, mais cela devenait vraiment trop dur pour lui...

Olivier Thévenin, 1993.

Un jour de janvier 1993, mon copain est mort. Mort d’une overdose. Ma colère n’est pas encore passée... Ce mec était génial ; trop génial peut-être... Il n’est plus là.

Bien sûr, je savais qu’il " fumait " de temps en temps, comme nous le savons pour beaucoup de nos amis, mais jamais je n’aurais supposé qu’il se piquait aussi. Ce jour de janvier, il a appuyé trop fort sur la seringue, il s’en est mis beaucoup trop dans les veines, sa circulation sanguine s’est accélérée, il a commencé à suffoquer, il a dû commencer à se rendre compte de son erreur, et il est mort sous les yeux de ses amis partis dans leurs délires de défoncés...

Sébastien Lecomte, 12 octobre 1993.

 

Je suis un garçon.

Un être humain.

Un africain.

Un noir.

Un étudiant.

Un lycéen.

Un créole.

Le troisième d’une famille de cinq enfants.

Le petit-fils de mon grand-père et de ma grand-mère

L’arrière petit-fils de mon arrière grand-père et de mon arrière grand-mère.

Le neveu de mon oncle et de ma tante.

Un insulaire.

Le fils de mes parents.

Luis. *