L’APPRENTISSAGE DE LA CITOYENNETÉ DANS L’ÉCOLE [1]

 

 

 

Je suis professeur dans un lycée technique, en classes terminales, où l’on a affaire à des adolescents, plutôt à des jeunes adultes, qui ont entre 16 et 20 ans.

 

Qu’en est-il de la construction de la citoyenneté à l’école ? Sujet donné au bac, il y a trois ans dans l’académie de Créteil, en philosophie : « Peut-on s’opposer à la loi ? » Les 122 candidats qui avaient choisi ce sujet répondent tous, sous des formes variées : « On peut toujours s’opposer à la loi du moment que l’on ne se fait pas prendre » ! Et il s’agit de citoyens, d’élèves qui, dans ces séries techniques, sont déjà majeurs, pour la plus grande partie d’entre eux. Évidemment, on peut s’interroger sur cette réponse…

 

J’ajoute que je suis depuis deux ans à mi-temps comme professeur dans ces séries des classes terminales, séries qui n’ont que deux heures de philosophie par semaine, l’autre mi-temps étant occupé par la formation des professeurs dans l’Académie de Créteil, où, avec un groupe, on est appelé dans des collèges, des lycées ou des lycées professionnels où il existe des problèmes de violence, des conflits, pour des formations concernant précisément cette question de la construction de la loi. Par ailleurs, j’exerce une activité associative, bénévole : je travaille depuis longtemps dans des quartiers dits “ chauds ” ou sensibles de la Seine-Saint-Denis où j’habite, et cela fait quinze ans que je tiens une permanence hebdomadaire à la cité des Bosquets à Montfermeil, où, actuellement, une quarantaine d’enfants est privée d’école, sur décision du maire, en toute illégalité, sous prétexte que les parents ne peuvent pas fournir qui une quittance de loyer, qui un titre de séjour, etc. C’est quand même intéressant de signaler que Montfermeil fait partie de la République française et que le maire est devenu député quand celui dont il était le suppléant est devenu ministre. Je voudrais dédier mes propos à ces quarante enfants.

 

Cette activité associative me permet, entre autres choses, de comprendre parfois la violence de certains jeunes : celui qui, par exemple, depuis sa naissance, voit sa mère monter les huit étages deux ou quatre fois par jour, avec les courses, parce que l’ascenseur est en panne, et que d’ailleurs, même quand il marche, on ne le prend pas parce qu’on ne veut pas se retrouver coincé dedans pendant deux heures en attendant que les pompiers veuillent bien venir, et à condition qu’ils puissent arriver jusque là sans se faire caillasser, eh bien, ce gamin, dès qu’il sait lire, et qu’il fait la traduction pour ses parents en regardant la quittance de loyer, lorsqu’il s’aperçoit que ses parents paient 80 F par mois de charges d’ascenseur, arrivé à 18 ans, il ne peut pas avoir le même rapport à la loi que des gens élevés dans des conditions “ normales ”. Ce n’est même pas sûr d’ailleurs que les conditions “ normales ” soient formatrices de la citoyenneté…

 

Les enjeux de la formation à la citoyenneté à l’école deviennent une question qui, dans l’urgence, apparaît de plus en plus évidente, et qui en vient à conditionner la réalisation des autres missions de l’école. La question de la socialisation, de l’éducation, de l’accès à la citoyenneté, de la construction de la loi, aujourd’hui nous pouvons savoir qu’elles conditionnent, qu’elles sont préalables à la construction des savoirs, à l’instruction et à la formation.

 

Tout à l’heure vous avez employé une expression qui est tout à fait courante. Vous avez dit que « pour nous, la culture c’est le rempart contre l’obscurantisme ». C’est justement cette espérance des “ Lumières ” qui s’est effondrée au XXe siècle. Les constructeurs des camps de concentration étaient sortis des meilleures écoles d’ingénieurs d’Allemagne : ils avaient réussi à l’école. Si j’en avais le pouvoir, je rendrais obligatoire, pour tout enseignant, la lecture d’un tout petit livre d’un écrivain allemand, Alfred Andersch, Le père d’un assassin, chez Gallimard. Dans ces 80 pages, l’auteur raconte un souvenir d’école, le récit d’une heure de cours de grec lorsqu’il était en 4e au lycée de Munich dans les années 20 : le proviseur de cet établissement vient inspecter son professeur, très rapidement, il prend sa place, interroge les élèves, etc. Pourquoi ce titre ? Parce que ce proviseur, fin helléniste, grammairien subtil, humaniste distingué, avait un fils et qu’il s’appelait Himmler… Le plus grand philosophe du siècle, Heidegger, a sa carte au parti nazi jusqu’en 45. Nous découvrons, aujourd’hui, que le savoir et la culture, sans l’éducation, sans la formation à la citoyenneté, sans la loi, sont encore plus nocifs, nuisibles, que l’ignorance ou l’incompétence. Le numéro deux du Front national, M. Mégret, est sorti de l’école la plus prestigieuse de notre système éducatif : l’école Polytechnique. Donc la question se pose : qu’est-ce que c’est que d’être un bon élève ?

 

Les trois missions de l’école sont : instruire, former et éduquer. Instruire : produire des gens aussi savants et cultivés que possible ; former : produire des gens aptes à comprendre les exigences de l’insertion professionnelle, développer les capacités propres à s’insérer socialement et professionnellement. Instruction et formation : il s’agit de missions inachevables, infinies, qui ne peuvent pas être “ bouclées ”. Lorsqu’on croit boucler les programmes, il s’agit bien entendu d’une illusion. Nous ignorons beaucoup plus des choses que nous n’en connaissons. On entre là dans une tache infinie, et dont la réalisation, de même que la formation, n’est pas nécessaire, au sens juridique du terme : j’ai le droit à 18 ans d’être analphabète. Je n’irai pas en prison parce que je ne sais ni lire ni écrire. Bien entendu, nous connaissons tous le poids de l’illettrisme ou de l’analphabétisme dans les causes de l’exclusion sociale : j’aurai des difficultés considérables dans mon existence, mais au moins je ne peux pas être mis en cause, je ne peux pas être traîné devant le tribunal parce que je ne sais ni lire ni écrire. Je n’irai pas non plus en prison parce que je suis chômeur…

 

Donc, en ce qui concerne les deux premières missions de l’école, l’instruction et la formation, l’État a décidé, les contribuables ont décidé d’offrir la possibilité aux enfants, à tous les enfants de s’instruire et de se former : chaque année, 21 600 F. pour un écolier, 35 700 F. pour un collégien, 45 800 F. pour un lycéen, et en tout, de l’âge de trois ans au bac, 500 000 F. Bien entendu, s’ils ne s’instruisent pas, s’ils ne se forment pas, ils ne peuvent pas être mis en cause pénalement. Ce qui implique, par exemple, conséquence immédiate et pratique, que dans le registre des punitions, je n’ai pas le droit de punir un élève qui n’a pas fait son devoir ou qui n’a pas appris sa leçon… On pourrait très bien imaginer, d’un point de vue juridique, que si des parents s’avisaient de contester une punition pour ce motif devant le tribunal administratif, la punition  serait annulée. Ce n’est pas moi qui le dis, bien entendu, ce sont les lois de la République, qui imposent de distinguer clairement ce qui relève du pénal et ce qui relève du civil.

 

La réalisation donc de ses deux premières fonctions n’est pas nécessaire juridiquement. En revanche, la troisième fonction de l’école, l’éducation, l’accès à la citoyenneté, n’est plus du tout facultative. Celui qui, arrivé à 18 ans, prétendrait ignorer les lois qui nous gouvernent – « nul n’est censé ignorer la loi », c’est un principe indiscutable, bien entendu –, qui nous permettent de vivre ensemble sans violence, se verrait privé, sous des formes diverses, de tout ou partie de sa liberté. Donc, cette troisième mission de l’école n’est pas facultative, et de ce fait, elle devient la première mission, celle sur laquelle, en effet, peuvent alors seulement se construire des savoirs authentiques et une formation efficace.

 

En quoi consiste donc cette éducation à la citoyenneté ? Je vais prendre un exemple : dans mes cours de philosophie, j’ai l’habitude de partir de ce que les élèves racontent de leur existence quotidienne et de leurs souvenirs. J’ai travaillé dans des classes Freinet, lorsque j’étais professeur en École normale d’instituteurs, mais je n’ai les élèves que deux heures par semaine au lieu de six heures par jour, et du coup je ne peux guère mettre en place dans mes “ cours ” que ce que on appelle dans ces classes coopératives le “ quoi de neuf ? ”, la causette du matin. Et donc, quelquefois, j’obtiens que les élèves écrivent leurs “ histoires ”, quelquefois aussi nous prenons le temps de mettre en forme ces textes, de les imprimer sous forme de brochures, dont un exemplaire est déposé au CDI et l’autre remis au proviseur par les deux délégués.

 

Peut-être que l’éducation à la citoyenneté est précisément faite pour éviter, par exemple, ce qu’écrit Sébastien, dans la mesure du possible. Je lis son texte : « En CM2, lorsque j’étais enfant, la classe était partagée en plusieurs petits groupes : un élève exclu par ces groupes, qui était assez rachitique, issu d’une famille pauvre, ses deux parents étant au chômage, se retrouvait souvent seul. Il était donc notre victime favorite [ce “ donc ” nous a occupé un bon moment, en philosophie]. Les moqueries et blagues cuisantes l’assaillaient, la masse d’élèves m’attirait [on est dans la physique], l’engrenage [la mécanique] me “ forçait ” à réagir comme les autres [Sébastien met des guillemets : il doit lui venir un doute, il se dit que peut-être il aurait pu essayer de...]. Sa scolarité devait être un enfer. Il y a deux ans j’ai appris qu’il était décédé au cours d’une crise d’asthme. Après cet événement, j’ai longtemps regretté d’avoir fait partie de cette majorité : la majorité a toujours tort… » [2]. Fort intéressant pour introduire une réflexion sur ce qu’on entend par “ démocratie ”. Est-ce que la démocratie c’est seulement la loi de la majorité ? Comment puis-je m’assurer que majorité et vérité coïncident ? Comment puis-je m’assurer que le groupe majoritaire n’est pas une coalition soudée – et ce qui est soudé, ça ne bouge plus, c’est le contraire de ce qui est articulé – au détriment de la victime émissaire, de l’exclu, du marginal ?

 

Alerte : s’il y a des enseignants parmi vous, et que vous constatez que dans votre classe ou dans votre établissement cela “ tourne rond ”, essayez de voir pourquoi, et qui paie… Le marginal n’est pas “ en marge ” du tout : il est au centre, au point d’équilibre invisible qui permet à nos groupes, associations, institutions, etc. de “ tourner rond ”, dans une “ bonne ambiance ”. En 30 ans de métier, je n’ai rencontré que deux classes – et j’ai eu des années à 10 classes, 350 élèves – où le phénomène de la “ tête de turc ” ne jouait pas. Et lorsqu’on le découvre, c’est quelquefois trop tard...

 

Voilà donc une dimension de l’éducation à la citoyenneté dont la finalité apparaît avec évidence : essayer de diminuer – et je ne dis pas de supprimer – la violence dans l’existence quotidienne des enfants et de leur permettre de comprendre que c’est en leur pouvoir de la diminuer au moins partiellement, et quand on ne le peut pas, on peut au moins le dire, et quelquefois, le cours de philosophie apparaît comme étant, de même que la classe Freinet, le lieu de parole sans lequel s’intérioriseraient définitivement les résignations.

 

Valérie : « Je me souviens de mes quatre affreuses années passées au collège : j’étais, dans une classe d’environ 20 élèves, celle qui prenait les coups et les moqueries ». Ici c’est la victime elle-même qui parle. « Mes camarades, aussi bien les garçons que les filles, me harcelaient à longueur de journée et me provoquaient sans cesse dans la cour de récréation et cherchaient la bagarre. J’essayais de me défendre, soutenue par une seule amie. J’étais souvent obligée de me battre, ou plus exactement de me défendre, pour ne pas finir à l’infirmerie ou à l’hôpital. Même en cours on n’arrêtait pas de se moquer de moi. De la plaisanterie la moins à la plus méchante. J’en prenais plein les dents. Ces moqueries perpétuelles perturbaient mes études : il était très difficile pour moi de suivre les cours. Toute cette agitation autour de moi n’avait pas l’air de perturber le moins du monde les professeurs, ni même de les sensibiliser. Ils se désintéressaient totalement de mon sort, et au conseil de classe ils se contentaient de constater qu’il existait effectivement des éléments perturbateurs dans cette classe [...]. Pendant ces quatre années de collège, la seule idée d’aller en cours tous les matins me terrorisait ».

 

Première exigence de la formation à la citoyenneté et la construction à la loi : faire en sorte que les enfants puissent aller à l’école sans avoir peur ! Et peut-être aussi, faire en sorte que les enseignants puissent aller à l’école, dans un certain nombre de lieux, sans avoir peur, eux aussi. Parce que, bien entendu – et les éthologues ou les dompteurs l’expliqueraient mieux que moi –, nous connaissons les effets de la peur dans le déclenchement de l’agression et de la violence. Comment diminuer les effets ? Dans ce cas précis, Valérie n’a pas oublié les violences subies au collège, mais aujourd’hui elle sait que son texte, qui a été publié quelque part [3], peut être entendu par un certain nombre de professeurs qui tout à coup peuvent se poser des questions. Son expérience devient utile.

 

L’expérience de Germain me permet de lui dire par exemple qu’il n’y a pas de fatalité dans les violences ou injustices subies : « C’était en cours de français, en 5e. Ma professeur n’arrivait pas à terminer une phrase. Elle cherchait ses mots, et l’écoutant attentivement, je lui ai sorti le mot qu’elle avait sur le bout de la langue. Elle me regarda, me demanda mon carnet, et me colla deux heures. La cause : “ Non-respect à son professeur ”. En voulant discuter, elle menaça de m’en coller deux autres. Le pire fut le soir, où j’ai dû expliquer la situation à mon paternel. Il n’entendit que les mots “ non-respect ” et “ colle ”, et la correction qu’il m’infligea m’atteignit surtout au moral. Je fis mes deux heures. Cette histoire eut lieu en 85. Je me suis vraiment demandé dans quel monde je vivais. On ne peut vraiment pas vivre dans la soumission ». Germain est mon élève en 1992 et, pendant sa deuxième année préparatoire à un BTS, en 1994, il manifeste contre le projet de “ contrat d’insertion professionnelle ”, lance un caillou au mauvais moment, et se récolte un mois de prison avec sursis devant le Tribunal correctionnel de Paris. Très intéressant pour sa formation civique : il a pu observer – et subir – au cours de sa garde-à-vue un certain nombre de scènes instructives... Mais il n’y a pas de fatalité : « Je  me suis demandé dans quel monde je vivais... », c’est la question philosophique par excellence, la question du sens. J’ai donc pu lui dire, en cours de philosophie, que ce jour-là, en cinquième, il était entré en philosophie. Les choses que nous considérons comme évidentes, banales, lorsqu’on dit : « Oui ça a toujours été comme ça, on n’y peut rien, les profs ça a toujours raison, forcément, donc il n’y a qu’à se soumettre si on ne veut pas avoir d’ennuis » ; toute cette logique, qui fait que si je suis bon élève, si je suis dans une famille où on a compris l’intérêt des diplômes pour pouvoir à son tour imposer sa loi aux autres et les soumettre, après avoir soi-même été soumis, eh bien, toutes ces évidences, toutes ces banalités, pour Germain, ce jour là, elles se sont effondrées : « Dans quel monde vivons-nous ? » Eh bien, d’une certaine manière, c’est une chance qu’il a eue. Il va pouvoir retourner ce qu’il a vécu comme négatif en positif, il est vrai, parce que, quelques années plus tard, il trouve un lieu où parler : lorsque Germain a raconté cette histoire, je lui ai demandé de l’écrire. Et elle aussi va être publiée [4]. Ce qui est assez amusant est que, quelque temps plus tard, il y a eu un stage au collège d’où il venait et que, lorsque j’ai lu ce texte, ça a provoqué un effet intéressant…

 

Parlons maintenant de l’environnement de l’école et des parents. Éduquer veut dire « faire sortir de » : e-ducere, en latin, conduire hors de… De quoi s’agit-il ? De faire sortir les enfants de quoi ? Il faut, pour que je rentre dans un processus d’appropriation des connaissances, que la reconnaissance ait précédé le travail de connaissance, et que la classe soit d’abord un lieu de reconnaissance avant d’être un lieu de connaissance. Il faut que je sois à peu près en sécurité, que je n’aie pas peur en allant à l’école bien sûr, et que je sois à peu près assuré de ma propre identité pour pouvoir courir le risque de sortir de moi, d’aller à la rencontre des autres. Exister, « sortir de soi » : ex-sistere, se tenir hors de soi, en latin ; sortir de sa propre identité pour pouvoir rencontrer celle de l’autre et les faire entrer en interaction mutuelle.

 

On est toujours pris, à propos de l’école, dans ce débat interminable du “ ou bien – ou bien ”. Il y a un certain nombre d’éminents collègues, et les philosophes brillent dans ce registre, qui disent : « Je ne veux pas considérer les enfants comme des enfants, je les considère comme des élèves. Je n’ai pas à les considérer autrement que comme des élèves. Je n’ai pas à tenir compte de leurs différences, de leur histoire personnelle et singulière, de leur caractère particulier, de ce qu’ils subissent à l’extérieur. L’école c’est le lieu du savoir, de la raison pure... » Ils ignorent ainsi ce qui fait la spécificité du travail pédagogique, le travail du temps. À l’autre pôle de la fausse alternative, il y a la seule prise en compte des originalités individuelles, des caractères singuliers, la valorisation des cultures, qui interdit l’accès à l’universel. Mais je ne peux pas valoriser tous les aspects des différentes cultures à l’école : je ne peux les valoriser qu’à partir du moment où ces traits culturels acceptent d’en passer par le crible de la critique. Et il y a aujourd’hui des éléments culturels qui – parce qu’ils remontent au religieux, au sens anthropologique du terme – demandent à être travaillés, et toute la question est de savoir comment on va s’y prendre pour les travailler, à l’école, seul lieu où cela est possible pour les enfants.

 

Éduquer : faire sortir du familial, de l’identitaire, du communautaire, des particularismes, des bandes de quartier, etc., pour pouvoir courir le risque de rencontrer l’autre. Et pour pouvoir courir le risque de la rencontre de l’autre, de la construction de l’universel, il faut que je sois dans une certaine sécurité personnelle, persuadé de la validité, de la valeur de ma propre identité personnelle, et pas seulement de la valeur de mes attaches culturelles, identitaires, de mes origines sociales, ethniques, religieuses…

 

Il y a une différence fondatrice, fondamentale entre les différents lieux de socialisation de l’enfant : le familial, l’institutionnel et l’associatif. Vous avez dit que les enfants ont besoin des lieux distincts pour grandir, pour se former. Lorsqu’on parle de lieux distincts, il faut comprendre en quoi consiste cette non-confusion des rôles entre un centre socioculturel, la famille – d’abord et en premier lieu – et l’école. Il y a là des choses qu’on a souvent tendance à confondre. D’une certaine manière, il faut que l’école soit fermée pour qu’elle puisse s’ouvrir. Il n’y a que ce qui est fermé qui peut s’ouvrir. C’est la même dialectique que celle de l’identité et de l’altérité. Là aussi on peut dénoncer les fausses contradictions entre les idéologies de l’école “ sanctuaire ” et de l’école “ ouverte ” à tous les vents (et oubliant sa fonction de résistance aux pressions ethniques, racistes, médiatiques, publicitaires, voire maffieuses dans certains quartiers, ou “ consuméristes ” de la part de certaines familles “ aisées ”…) . Heureusement que ma classe est fermée lorsque Valérie écrit : «  …Si je tiens à vous faire part de ce qui suit, c’est tout d’abord parce que le souvenir me pèse, et ensuite, parce que mes “ parents ” parviendront tôt ou tard à me faire céder. Ainsi ils pourraient expliquer la situation à leur avantage si je ne prenais pas la précaution de laisser quelque chose. Que ceci vous semble très curieux, je vous demande de conserver cette lettre. Je ne me sens pas en sécurité. J’ai peur de lâcher prise ». Alors, heureusement que les portes de ma classe sont fermées !

 

Et on en entend d’autres bien sûr, par exemple lorsque Guillaume explique que l’alcoolisme de son père le soir à la maison ça commence à bien faire… Il faut avoir créé dans l’école les conditions pour que les paroles de ce type puissent se faire entendre. Ici il s’agissait d’une lettre : Valérie l’a écrite en avril 1994, elle est maintenant en deuxième année de BTS, elle n’a toujours pas lâché prise. Je lui ai seulement indiqué le dispositif pour qu’elle puisse saisir elle-même le juge pour enfants, comment les services sociaux pouvaient lui procurer un logement en dehors de sa famille, etc. Et nous ne sommes pas dans les milieux défavorisés ou marginaux, on est dans les lotissements de Seine-&-Marne, dans les pavillons confortables, le père est pilote de ligne...

 

Donc, il y a là des choses qui sont fondamentales : que les lieux dans lesquels les enfants sont amenés à grandir soient distincts et que les fonctions  soient clairement distinctes. On vit à l’école assez souvent dans une sorte d’illusion. Et cela a été d’ailleurs pour une part une illusion des pédagogies “ nouvelles ” que de croire qu’on pouvait d’un coup de baguette magique passer de la juxtaposition d’individus qui sont là rassemblés par les hasards de l’existence, de l’adresse, de leur itinéraire scolaire et de la profession des parents, de croire donc que ce rassemblement pouvait d’emblée, par un coup de baguette magique, constituer une “ communauté ”, et cette idéologie communautaire est passée des pédagogies nouvelles aux circulaires officielles… Or, une école ce n’est pas une communauté, malgré les incantations moralistes des règlements intérieurs dans leurs préambules : « La communauté scolaire » ou « éducative »… Dans une communauté, les gens se choisissent mutuellement. Les gens se rassemblent dans une association, dans une communauté, pour réaliser ensemble un but commun qu’ils se sont donné librement. Et la réalisation de ce but suppose que chacun des éléments qui composent le groupe concourent à la réalisation du but (un orchestre, une équipe de foot, …). Alors que, dans une classe, l’élève X assis à côté de l’élève Y, X peut échouer, Y peut réussir. Nous sommes dans une situation qui n’est pas celle d’une communauté, mais celle d’une société. Dans les associations, nous nous choisissons par sympathie, par affinités, par communauté – justement – d’intérêts. La prégnance des liens affectifs est dominante par rapport aux procédures. Bien entendu, si je veux jouer au basket avec mes copains, il faut que nous soyons d’accord sur les règles du basket. Mais si je ne supporte plus mes copains, je change d’équipe et je vais voir ailleurs. Ou je change de sport, et ainsi de suite. Si l’entraîneur ne me plaît plus, je change. Mais si le prof ne me plaît pas, je ne peux pas changer ! Et l’école n’est pas du tout de ce point de vue une association : elle est une institution. Elle n’est pas une communauté, elle est une société. Et dans une société, les règles de droit sont les seuls éléments qui permettent de régler précisément les rapports entre les individus.

 

Ce n’est pas la sympathie, l’affectivité, la gentillesse, etc. qui vont régler les rapports, ce sont les règles de droit. Tout à l’heure vous avez évoqué les « mots interdits ». On pourrait se demander pourquoi il y a des mots interdits. Ça nous arrive, nous, dans la conversation, dans la polémique, de dire : « Mais vous ne savez pas ce que vous dites ! ». Nous utilisons sans arrêt ces mots interdits. Les professeurs, vis-à-vis des élèves : « Tu ne sais pas ce qui tu dis », « Tu n’as pas appris ta leçon ! », etc. Il y a des mots interdits non seulement par gentillesse, parce qu’il faut être gentil, sympathique, ouvert à la relation, et toute cette sorte de choses, mais parce que le Code Pénal, par exemple, réprime l’injure publique ou la diffamation ! Les dispositifs sociaux et les règles de droit sont faits pour obliger celui qui ne veut pas entendre — ou celui qui ne peut pas entendre — à entendre. Dans la classe institutionnelle, au moment du conseil, celui qui ne veut pas entendre les autres devient muet : les sourds deviennent muets. Si je ne veux pas entendre l’autre, alors je perds le droit à la parole. Et il y a des règles précises. Le président de séance dira à celui qui bavarde avec son voisin au moment où c’est un autre qui a la parole : « Untel, gêneur », et au deuxième “ gêneur ”, il est exclu de la réunion (pas du groupe, ni de la classe…). Et perdre la parole au conseil, c’est-à-dire au moment où on règle les comptes, au moment où je vais entendre parler de moi, alors que j’ai perdu le droit à la parole et que les autres vont critiquer tout mon comportement, alors là cela devient très dur. On n’est pas là au stade de la plaisanterie “ non directive ”. On est dans l’apprentissage de la loi. On est dans la construction de la loi dans ces classes.

 

Une société est réglée par des règles de droit. Et bien entendu, dans le cas de l’élève X qui échoue, et l’élève Y qui est à côté et qui, lui, réussit, je pourrai dire à l’élève X : « Il faut faire des efforts », « Il faut apprendre tes leçons », « Il faut travailler si tu veux réussir dans la vie », etc. Mais qu’est-ce qui m’empêche également, puisque nous sommes dans le droit, d’interpeller l’élève Y en lui disant : « Tu ne vois pas que ton camarade est en train d’échouer ? Tu ne peux pas lui donner un coup de main ? » et si l’élève X refuse de partager ce qu’il sait avec celui qui ne sait pas encore : non-assistance à personne en danger ! Le travail coopératif ne se construit pas par gentillesse, ni même par intention politique, il se construit par la mise en œuvre des principes élémentaires du droit, par la mise en pratique effective de la loi.

 

La question du droit c’est cela : bagarre dans la cour de récréation, et cette fois-là  Saïd, en classe de 3e, 15 ans, élève moyen, y a été vraiment trop fort ! De loin, il voit son petit frère, 11 ans, en sixième, se faire agresser par un plus grand. Son sang ne fait qu’un tour. Il se précipite et massacre l’agresseur du petit frère : 17 points de suture, 8 jours d’hospitalisation. Le conseil de discipline devient inévitable et Saïd ira terminer sa troisième dans un autre collège. C’est la principale de l’établissement qui nous fait ce récit, dans un stage de formation, et elle va nous fournir toutes les informations permettant de comprendre la violence de Saïd. À ses yeux, le petit frère est le chéri de sa mère, car dans la culture maghrébine, à 11 ans, avant la puberté, on est encore du côté des femmes… Le grand frère en est extrêmement jaloux, d’autant plus que lui il est sévèrement puni par le père à coups de ceinture à chaque bêtise qu’il fait. On voit bien d’où vient la violence de Saïd : l’agresseur du petit frère est en train de lui faire ce que lui, Saïd rêve de faire au petit frère ! Et lorsque nous avons des pulsions inavouables à l’égard des personnes qui nous sont proches, nous essayons de compenser par divers surcroîts d’affectivité apparente… Saïd : non, ce n’est pas vrai, je ne suis pas jaloux du petit frère, la preuve, je le défends. Résultat : je me fais exclure du collège parce que j’ai défendu mon petit frère. Là, ça devient de plus en plus dur ! Et l’exclusion est vue ici par les “ éducateurs ” comme la seule mesure possible (Saïd a déjà un lourd passé dans le collège…), peut être pour lui une chance d’échapper à son étiquette, d’être coupé du petit frère, et comme il n’est pas vraiment “ mauvais ” élève, peut-être, “ en faisant un effort ”, pourra-t-il passer en seconde de lycée…

Et donc, dans ce stage, j’ai posé la question, non pas sous l’angle des questions psycho-familiales, scolaires ou disciplinaires, mais sous l’angle juridique : est-ce que quelqu’un a dit à Saïd que, dans un premier temps, il avait eu non seulement raison d’intervenir pour faire cesser l’agression dont son petit frère était victime, donc qu’il en avait le droit, mais qu’en plus il en avait le devoir ? Les journaux sont pleins de récits de cet ordre : j’ai été agressé sur le quai du métro devant 300 personnes, personne n’a bougé…Une de mes élèves, Nadine : « J’étais à la sortie du lycée. Il y avait là plusieurs centaines de personnes, des élèves, des parents, un samedi midi, qui attendaient les cars. Je me suis fait blesser, dépouiller. Personne n’a bougé » [5]. Blessures graves. Hospitalisation. Rééducation. Non-assistance à personne en danger.

Et, pour en revenir à Saïd, pourquoi doit-il être puni ? Parce qu’il s’est laissé déborder par sa propre violence, il est allé au-delà de la violence de neutralisation, violence policière, au sens légitime du mot, strictement nécessaire pour stopper l’agression. Il a massacré l’agresseur. Il a basculé dans la bavure, bavure qui doit être punie. Est-ce que quelqu’un a également dit, à Saïd et à l’agresseur, que c’est bien l’agresseur qui a commencé ? Il faut marquer symboliquement sa responsabilité première, plus importante que celle de Saïd. Et enfin, qui, dans l’instruction de l’affaire, a mis en cause les “ bons élèves ” qui faisaient cercle autour et qui criaient – vous connaissez bien la scène ! – : « Du sang ! Du sang ! », « Vas-y, tue-le ! », ces bons élèves qui jouissent sadiquement du spectacle et qui n’interviennent pas ? Leur responsabilité, au sens juridique du terme – ce n’est pas moi qui parle, c’est le Code pénal – est plus importante que celle de l’agresseur du petit frère et que celle de Saïd qui, lui, au moins, intervient. Et donc, si on applique la peine maximale à Saïd, l’exclusion, qu’est-ce qu’on fait vis-à-vis des autres dont la responsabilité est plus importante ? Évidemment, dans ce stage, la principale me regardait, un peu ahurie, et disait : « Mais ça devient très compliqué ! » Oui, la construction de la loi, c’est très compliqué si on ne veut pas se payer de mots, moraliser, rester aveugle aux violences réelles et cachées, si on veut élever les enfants dans la vérité, et pas dans les passe-droits, dans l’art de se faufiler, pas dans l’art de transgresser les règles sans avoir à les remettre en question, les discuter, et les appliquer tant qu’elles n’ont pas été changées. Si on veut élever les enfants autrement que dans la conception très française selon laquelle l’application du règlement devient une punition en elle-même.

 

Il y a là des choses fondamentales qui se jouent dans le quotidien vécu à l’école par des millions d’enfants, vécu qui constitue une sorte d’éducation civique cachée qui a beaucoup plus de poids et qui détermine beaucoup plus fortement le comportement futur adulte que tous les discours plus ou moins moralisants et que les cours d’instruction civique. Je peux toujours faire recopier tel ou tel article de la Déclaration des Droits de l’Homme ou de la Convention internationale des Droits de l’Enfant : ça n’empêchera pas les règlements de compte dans les recoins obscurs de la cour de récréation loin de mon regard… C’est dans la structure même de l’établissement, dans le quotidien de la classe, que les enfants peuvent alors expérimenter ce qu’il en est d’une société réglée par le droit, et cela, quelles que soient les origines ethniques, culturelles, religieuses, etc..

 

Il y a au fondement du droit un certain nombre de principes, qui sont des principes négatifs, en ce sens qu’ils ne me disent pas ce qu’il faut que je fasse, sur le mode de valeurs positives, mais seulement ce que je n’ai pas le droit de faire. On peut les énumérer, et au regard de chacun de ces principes, se demander ce qu’il en est de leur respect ou non dans l’école.

 

Je vais prendre deux ou trois exemples pour montrer que nous avons encore à l’école quelques progrès à faire : en effet, comment éduquer à la citoyenneté, si on ne respecte pas ces principes ?

 

La loi est la même pour tous. Bien entendu, lorsque je dis cela en classe, les élèves ricanent… Il n’y a qu’à regarder la télévision : les passe-droits, les privilèges (le privilège c’est une “ loi privée ”, une absence de loi, une négation de la loi), les corruptions… Mais justement la télé n’en parle que lorsqu’ils sont dénoncés et poursuivis ! Reste qu’il n’y a pas beaucoup de différences entre la “ morale ” d’un gamin qui se fait prendre sur le fait et qui “ nie l’évidence ” et celle d’un ministre de la République qui ment publiquement, et qui sait d’ailleurs que tout le monde sait qu’il ment devant le tribunal. La morale est la même : c’est le rayon d’action qui change !

Lorsque je dis que la loi est la même pour tous, remarquons le temps du verbe : le présent de l’indicatif, mais un présent normatif. Et si nous posons comme principe que la loi est la même pour tous, c’est que justement elle ne l’est pas encore, et que nous avons à travailler pour qu’elle le soit, pour qu’elle le devienne. Mais alors, que se passe-t-il dans l’école si j’arrive en retard (même s’il y a parfois un petit malin pour me demander si j’ai un “ billet de retard ”…) : rien. Alors que l’élève, lui, non seulement doit expliquer son retard, mais doit le justifier.

 

Ces principes du droit ne se discutent pas puisqu’ils sont précisément ce qui permet qu’il y ait une discussion. Ce qui permet la discussion ne se discute pas. Il s’agit justement de comprendre cela, non seulement par des cours et des discours, mais par la pratique même de la pédagogie en classe. Je vais prendre un autre exemple : l’autre jour, en manière de plaisanterie, un élève en injurie un autre. Il l’avait dit suffisamment à haute voix pour que je l’entende. Toujours sur le ton de la plaisanterie, je m’adresse à celui qui avait prononcé cette injure à l’égard de son camarade, et je lui demande : « Qu’est-ce que tu viens de dire là ? » Réponse immédiate : « Mais monsieur, ce n’est pas à vous que je parlais ! » Je lui fais remarquer que je ne me suis pas douté une seule seconde que c’était moi qu’il injuriait : « Si tu m’avais insulté, moi, ça aurait été moins grave que vis-à-vis de ton camarade ». Il me regarde effaré, sans comprendre. Et pourtant c’est évident ! En matière d’injure publique, et aussi bien pour n’importe quel comportement délictueux ou criminel, le Code pénal prévoit une gradation dans les responsabilités. S’il s’agit d’une agression, par exemple, commise par un majeur à l’égard d’un mineur, c’est beaucoup plus lourdement sanctionné que si la victime était elle-même majeure. Nous avons des degrés de gravité : le plus grave, disons degré de gravité 4, agression d’un majeur à l’égard d’un mineur ; ensuite, degré de gravité 3, agression d’un majeur sur un autre majeur ; degré de gravité 2, un mineur à l’égard d’un autre mineur (c’est la bagarre de cour de récré) ; degré de gravité 1, le moins grave, mineur à l’égard d’un majeur. Cependant, il ne faut pas oublier qu’à l’intérieur de chacun de ces quatre degrés de responsabilité il y a des nuances. Prenons le degré 1, mineur à l’égard d’un majeur : s’il s’agit d’un athlète de 16 ans et d’une petite vieille qui se fait voler ses économies, ce n’est pas la même chose que si c’est un élève qui disjoncte et flanque un coup à son professeur... À l’intérieur de cette gradation, les magistrats ont un travail énorme à faire d’évaluation et d’instruction précises de la situation. Mais, dans l’ordre général, les quatre niveaux demeurent et le Code pénal prévoit bien l’excuse de minorité, avec la progressivité : en dessous de 13 ans, en droit français, entre 13 et 16 ans, entre 16 et 18 ans. Et donc, si un élève en injurie ou en agresse un autre, surtout plus petit que lui, il devrait être puni plus sévèrement que s’il avait agressé un professeur, par exemple… Qu’en est-il dans les faits ? Le principe – indiscutable – qui veut que, pour un même acte, un mineur est moins lourdement sanctionné qu’un majeur, se trouve ici bafoué.

 

Autre principe : nul ne peut se faire justice à lui-même. Mais, dans la classe, lorsqu’un élève m’injurie, ou plus simplement s’agite et ne fait pas ce que j’ai prescrit, c’est moi qui punis. Et donc, même si la punition est juste, équilibrée, rationnelle, respectueuse de l’arrêté de 1887 qui interdit les châtiments corporels ou humiliants, même dans ces cas-là, l’autre, l’enfant, ne peut percevoir cette punition que comme la vengeance de celui dont l’autorité a été momentanément bafouée. Nous sommes dans l’absence de “ distinction des pouvoirs ”, au sens de Montesquieu, entre législatif, exécutif et judiciaire. Et si les pouvoirs sont confondus dans la classe, c’est-à-dire s’ils sont encore – au sens anthropologique du terme – d’essence religieuse, si le pouvoir est un, monarchique, effectivement il n’est pas possible de construire la citoyenneté dans cette structure institutionnelle. Je peux être très habile, je peux être formé à la psychologie des groupes, je peux être formé à l’écoute, à la relation, je peux avoir développé des compétences pédagogiques tout à fait remarquables, il n’en reste pas moins que, dans cette situation de non-séparation, de non-distinction des pouvoirs, cette habileté psychologique ou pédagogique n’aboutit qu’à enrober la pilule et à faire apparaître cette confusion des pouvoirs comme d’autant plus banale, ordinaire et acceptable. Alors que, en droit, pour ce qui est de la formation à la citoyenneté, elle est inacceptable.

 

Nul ne peut être juge et partie : autre formulation du même principe. Ce n’est pas le magistrat qui a été cambriolé qui va juger son propre cambrioleur. Dans un match de foot, l’arbitre ne peut être en même temps l’entraîneur de l’une de deux équipes, ce n’est pas possible. Il n’y a pas de match. Or, dans la classe, c’est moi qui enseigne et c’est moi qui juge les résultats de cet enseignement. Résultat : pour peu que les élèves sachent à peu près à quoi ça sert d’obtenir des diplômes, au lieu de chercher à construire les savoirs, de comprendre les exigences de la recherche de la vérité, ils vont chercher à deviner ce que j’ai derrière la tête, ils vont se conformer à ce qu’ils croient que j’attends d’eux : « Qu’est-ce qu’il veut que je réponde ? Qu’est-ce que je vais mettre sur cette copie qui va “ faire bien ” et me permettra d’avoir une bonne note ? »… Cette attitude est très profondément ancrée chez les élèves. Même dans les situations de “ conversation ” ordinaire ! Par exemple, l’autre jour, un élève nous raconte une histoire. Je lui demande de mettre son récit par écrit, je lui donne une feuille, et au moment d’écrire, il me demande : « Qu’est-ce que vous voulez que je mette ? »… Et je lui réponds évidemment que je ne “ veux ” rien, que je lui demande simplement d’écrire cette histoire, sinon on va l’oublier, comme s’il s’agissait d’une lettre à un copain. Quand je formule ces demandes (qui ne sont pas des ordres…), les élèves s’inquiètent souvent, en début d’année, de savoir si leur texte va être corrigé, noté, etc..

Nul ne peut être juge et partie, sauf à l’école, où l’élève est soumis à un pouvoir indiscutable. Le ministre en personne ne peut pas me faire changer une note que je mets sur une copie. Même le tribunal administratif. Le juge ne peut qu’ordonner, si une erreur matérielle a été prouvée, une nouvelle correction par un collègue, qui, bien entendu, par solidarité corporatiste, confirmera ma note…

 

On ne peut pas éduquer à la citoyenneté dans cette situation-là où il n’y a pour l’enfant et pour le jeune, quelles que soient ses origines, aucun recours – et du côté des parents encore plus – contre les dangers de ce pouvoir unique, non séparé, dont les fonctions ne sont pas articulées. Je fais une proposition : l’instauration d’une commission de discipline dans les établissements, qui tranche dans les conflits et litiges et qui fixe les punitions et réparations ; commission qui pourrait siéger toutes les semaines, par exemple, comme un tribunal d’instance ou de police. Je connais des établissements qui fonctionnent ainsi : le professeur n’a pas le droit de punir lui-même ; certes, il doit intervenir pour faire cesser l’infraction, mais c’est une fonction “ policière ”, qui appartient à tout citoyen, et le policier arrête le délinquant, il ne le juge pas. Le professeur ne peut que déférer l’élève devant la commission.

 

 

Et du coup, n’importe quel acteur de l’établissement pourrait saisir cette commission, les élèves également donc, et les femmes de ménage… Mickaël est indigné : « J’étais en première E. Nous avions un compte rendu des travaux pratiques de physique à rendre. Un copain, Fabien, avait oublié de le faire. Je lui ai donc passé le mien : il l’a recopié texto. Nous avons donc rendu le même devoir au professeur. Le prof les a corrigés. Résultat des courses : moi, Mickaël, 2 sur 20 ; Fabien, 16 sur 20. Je ne comprends pas !  [6]. Alors je lui demande s’il a été voir le professeur : « Mais oui, je lui ai demandé pourquoi j’avais eu 2 ». Le prof l’a envoyé balader. Je lui ai demandé s’il lui avait dit qu’une copie identique à la sienne avait été notée 16. (Je lui avais d’abord demandé de me donner la photocopie des deux copies corrigées, car j’avais du mal à y croire : j’ai la photocopie des deux copies identiques). Alors il me dit : « Évidemment non ! Je ne lui ai pas dit ! Sinon Fabien se serait retrouvé avec un zéro ! Puisqu’il a copié sur moi… – Et toi aussi ! Pour complicité… Et donc le seul moyen pour que justice soit rétablie, c’est d’aller voir le prof, et de lui dire : “ Ok, on a copié tous les deux, on a zéro, cette question étant réglée, comment vous notez ? ” » C’est ça le droit. Obliger à entendre celui qui ne veut pas entendre. Mais il n’y a aujourd’hui, dans nos établissements, aucune procédure de recours pour les élèves victimes de ce genre de situation. La réparation ne dépend que de la “ bonne volonté ” du professeur, seul juge, de ses capacités de “ compréhension ”, de ses aptitudes psychologiques à se remettre en question et reconnaître ses erreurs. Mais une institution ne peut pas fonctionner à la “ bonne volonté ”, et s’il faut attendre, pour que l’école éduque à la citoyenneté, que tous les enseignants deviennent parfaits, on risque d’attendre longtemps.

 

La construction de la citoyenneté, la construction de la loi chez les enfants c’est moins aujourd’hui une question de valeurs – les “ valeurs républicaines ”, respect de l’autre, tolérance, etc. –, qu’une question d’institution du droit : ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est d’obliger celui qui n’est pas tolérant à être tolérant. Celui qui ne veut pas écouter l’autre, et prendre conscience de son existence, à y être obligé. C’est ça le droit. Si mon propriétaire ne veut pas faire les travaux qui lui incombent dans l’appartement que je lui loue, je lui envoie une lettre recommandée. S’il ne retire pas la lettre recommandée, je lui envoie une sommation interpellative par voie d’huissier. Il faut bien qu’il réponde ! Et s’il continue à ne pas répondre, ce sera le Tribunal, avec dommages et intérêts, etc. Dans un État de droit, il y a des procédures, et il importe alors – puisque l’école n’est ni une association, ni une famille, ni une communauté – que dans l’école nous introduisions les règles élémentaires du droit dans son fonctionnement ordinaire.

 

Tout à l’heure Mme Ney disait que l’adulte doit donner une image solide aux enfants, avoir une parole forte, etc. Le problème c’est qu’il y a aussi des adultes qui ne donnent pas une image très solide, qui n’ont pas une parole forte : j’ai le droit, quand je suis adulte, de bafouiller, d’être mal foutu, et j’ai aussi le droit comme professeur d’être timide, etc. Et pour autant, j’ai aussi le droit d’être protégé contre éventuellement ma propre violence et protégé de la violence des autres. Mme Ney a parfaitement raison bien sûr, mais en même temps je sais que cette image du professeur parfait, de l’adulte parfait est une image mythique : on peut s’efforcer d’y tendre, bien sûr, se former quand on est prof, mais nous savons que la différence entre l’adulte et l’adolescent, c’est que l’adulte sait qu’il n’est pas adulte, alors que l’adolescent est encore dans l’espoir de devenir un jour adulte.

 

À 18 ans, mes élèves en témoignent souvent quand je leur pose la question, lorsqu’on accède à la majorité, on s’aperçoit que ça ne change rien dans les pouvoirs sociaux réels, et c’est ce qui explique d’ailleurs que si un jeune n’a pas de pouvoirs sociaux réels, à commencer dans l’école, le lycée, il peut être tenté d’expérimenter, en dehors des réseaux de surveillance scolaire, médicaux, familiaux, voire judiciaires, toute une série de situations, où il cherche à se sentir exister, dans les interstices, dans les failles des “ surveillances ”, et on voit bien aujourd’hui ce vide de l’adolescent, cette vie monotone, plate, rythmée par quelques expériences paroxystiques régulières, par la musique par exemple, mais aussi parfois dans la drogue ou la violence.

Toutes les “ conduites à risque ” sont signe de l’impuissance, de l’impossibilité des adolescents et des jeunes, au moment d’entrer dans la vie, d’éprouver leur propre pouvoir dans le réel : « De quoi suis-je capable au moment où je deviens adulte, jusqu’où je peux aller ? », et donc, parfois, on frôlera les bords de la loi. Évidemment, si j’ai eu depuis le début de mon existence l’expérience des jungles et des violences (les ascenseurs en panne, les cités…), si j’ai eu l’expérience d’une école, qui devrait être le lieu où je découvre que les relations humaines sont possibles, mais que malheureusement, dans les ¾ des cas, c’est également là aussi la loi de la jungle, masquée, sous les oripeaux de l’acquisition de la culture et du savoir qui ne servent que d’instruments de pouvoir et d’élimination et de sélection, effectivement, arrivé à 18 ou 20 ans, c’est un peu difficile… Le miracle finalement, c’est que beaucoup arrivent quand même à construire le rapport aux autres !

 

Après tout, la plupart d’entre nous, nous respectons la loi ! Mais nous sommes marqués, par les tentations de la résignation… C’est plus difficile d’entrer dans le processus d’élaboration de la loi que de se soumettre, se résigner. Et voilà l’efficacité des pédagogies coopératives, institutionnelles, c’est que le (futur) citoyen, dans ces classes, n’y apprend pas seulement à obéir à la loi, il apprend aussi à la faire avec les autres, en apprenant à distinguer tous les niveaux de règles : ce qui se discute, ce qui ne se discute pas, ou ce qui ne se discute pas encore. Si je ne suis pas d’accord avec telle disposition du Code pénal, par exemple sur l’usage de drogues, eh bien, j’essaie de m’associer avec les autres citoyens qui partagent mon avis pour essayer de faire modifier la loi. Mais ce n’est pas dans ma classe que le Code pénal se discute, ça viendra plus tard. En revanche, dans la classe, on peut discuter et décider des règles techniques de travail et de comportement. Les règles morales, les valeurs auxquelles nous nous référons : ces valeurs morales ont le droit de s’exprimer, les valeurs auxquelles nous croyons, ou auxquelles les parents croient, nous pouvons en parler, sauf que, si nous pouvons en parler c’est que précisément nous avons décidé de nous interdire la violence (le principe éthique de l’interdit de la violence), nous nous interdisons de vouloir imposer ces valeurs aux autres par la violence.

 

Nous sommes dans une société pluraliste. Nous sommes dans une société multiculturelle. Nous savons que les référents des uns et des autres sont différents et donc, à partir de là, il s’agit d’organiser les conditions de la parole et de l’élaboration d’une loi commune. D’où le fait que l’éducation civique aujourd’hui ce n’est pas l’inculcation, la leçon de “ morale ”. Les auteurs de la rafle du Vel-d’Hiv allaient à l’école républicaine, et tous les matins ils avaient leçon de morale. Les résistants aussi d’ailleurs… Donc, ce n’est pas de leçon morale dont il s’agit. Il ne s’agit pas de contenu positif dans les valeurs. Il s’agit d’organiser la possibilité pour des sujets qui se réfèrent à des valeurs différentes de se rencontrer, de se parler. La construction à la citoyenneté se construit aujourd’hui non pas sur l’acquisition de valeurs, sur la transmission de valeurs, dont plus personne ne sait d’ailleurs aujourd’hui ce qu’elles signifient exactement, devant l’effondrement de “ grands récits ” explicatifs, religieux ou politiques. Dans la disparition des transcendances, nous sommes renvoyés à notre liberté : il faut, en effet, interdire (“ dire entre ” nous) ce qu’il convient de faire ou ne pas faire, et donc créer les conditions de la parole, en termes de construction du droit, de procédures juridiques, créer les conditions qui vont faire que nous allons à nous parler au lieu de nous taper dessus.

 

QUESTIONS

 

Sur la question de “ l’assistance à personne en danger ” dans la classe.

 

On peut institutionnaliser cette obligation de l’assistance en personne en danger dans la classe. La règle est que si un élève réussit, il donne un coup de main à ceux qui réussissent moins bien. Selon Bachelard : quand j’apprends quelque chose, il faut que je sois placé immédiatement en position d’avoir à le retransmettre à d’autres. C’est ce principe essentiel de partage, d’échange, de réciprocité que réalisent les classes coopératives et le “ mouvement des réseaux d’échanges réciproques de savoirs ”. Dès que j’apprends quelque chose je dois être capable de le transmettre à d’autres. Je ne peux pas vivre en parasite. Si je suis dans la classe dans une situation de réception uniquement, si je ne suis pas placé en situation où je vais devoir donner à mon tour, il n’y a pas construction du savoir, puisque la recherche de la conformité ce n’est pas la recherche de la vérité, et d’autre part il n’y a pas construction de la loi puisque j’apprends à me soumettre à quelqu’un et non à obéir à la loi. Soumission et obéissance sont incompatibles. C’est contradictoire. « Ils n’obéissent pas » : heureusement qu’ils ne m’obéissent pas ! Ce n’est pas à moi qu’il faut obéir. C’est à la loi dont je suis porteur et à laquelle je suis moi-même tenu. Et porteur par délégation, provisoirement.

 

Question sur les amalgames entre religion et culture musulmane.

 

Je crois que les religions, les cultures d’origine, sont d’autant plus des facteurs de conflits que ceux qui en sont porteurs en sont ignorants : c’est l’ignorance de leur propre culture, de leur propre religion qui fait les “ intégristes ”. Je peux saisir comme une chance pédagogique de rencontrer dans ma classe une fille qui porte le voile, car je vais pouvoir, par exemple, lire St-Paul, le chapitre 11 de l’Épître aux Corinthiens : « La femme doit être voilée parce que, si l’homme est la gloire de Dieu, la femme, elle, est la gloire de l’homme » ! Et je peux expliquer en classe ce qu’il en est de la soumission des femmes aux hommes autour du bassin méditerranéen et dans les trois monothéismes. Il n’y a qu’à l’école que je peux entendre ce qu’il en est vraiment de la culture dont je suis porteur. Lorsque quelqu’un me dit qu’il est musulman, je lui demande s’il est chiite, sunnite, ismaélite... Neuf fois sur dix il me regarde, interloqué, et il va pouvoir apprendre ce qu’il est, et éventuellement, pourquoi pas, se trouver conforté dans sa propre identité, il va découvrir les richesses de sa propre religion, de sa propre culture, en acceptant de comprendre les exigences de la critique et de la construction de l’universel.

Mais, évidemment, si deux jours avant que j’ai prévu de donner ces explications, parce que j’ai une fille voilée dans ma classe, on a mis cette fille à la porte en la faisant passer en conseil de discipline, elle ne pourra pas entendre ces explications ! Vous avez aujourd’hui un certain nombre de gens qui, sous couvert de défendre la République et la laïcité, enfreignent un des principes fondateurs de la laïcité et de la République qui est que « Nul ne peut être mis en cause pour un acte dont il n’est pas responsable, dont il n’est pas l’auteur personnellement ». Je suis puni parce que j’appartiens à une communauté. Je suis puni pour ce que je suis, et non pas pour ce que je fais. Voilà l’élément intolérable, qui permet en effet aux nazis de massacrer les juifs. Dans le racisme, c’est la similitude qu’on refuse. C’est le fait que l’autre soit, comme moi, un homme qui est refusé. C’est la similitude, ce n’est pas la différence qui est refusée dans le racisme. À partir de là, il y a quelque chose de tout à fait radical : lorsqu’on exclut une fille qui porte le voile de l’école, même si elle a une part de décision personnelle dans le fait de porter le voile, c’est très exactement comme si on punissait un enfant à cause des mauvais traitements que ses parents lui feraient subir ! Si elle porte le voile par obéissance, par soumission aux injonctions de sa communauté, de sa religion, etc., même si nous estimions que le voile est une atteinte intolérable à la dignité de la femme, même si les lois de la République l’interdisait, la fille mineure ne pourrait pas être punie personnellement à cause de sa soumission aux membres majeurs de sa communauté qui lui imposeraient tel ou tel comportement. Et j’ai des polémiques absolument féroces avec d’excellents amis qui considèrent que les décisions des magistrats ordonnant la réintégration des filles voilées dans l’école et même, dans un cas, ordonnant 50 000 F de dommages et intérêts, sont des décisions scandaleuses, qui portent atteinte à la laïcité, à l’autorité de professeurs, etc. Quelqu’un a intitulé son article « Des juges contre la République » [7]. Non : ce sont des professeurs qui sont, là, contre la République. Parce qu’ils ne supportent pas le spectacle d’une femme voilée. Mais moi non plus je ne le supporte pas ! Je ne le supporte pas, en effet, mais tant que les lois de la République ne considèrent pas que le port d’un voile est interdit, au même titre qu’une croix gammée, par exemple, je ne peux pas l’interdire. Je peux en revanche m’associer avec d’autres citoyens pour essayer de changer les lois de la République sur ce point, en nous référant par exemple à la Convention internationale des Droits de la femme. On parle du voile, mais il y a quand même d’autres signes qui sont autrement plus mutilants pour la personne. Est-ce qu’il va falloir que je vérifie que mes filles n’ont pas été excisées quand elles entrent dans ma classe ? C’est autrement plus grave que de porter le voile, et c’est réprimé par le Code pénal ! Est-ce qu’il va falloir que je vérifie les casiers judiciaires de mes élèves et exclure ceux qui auraient enfreint les lois de la République ? Et depuis quand la privation d’école serait-elle une peine prévue par le Code ? Il y a là une négation complète de ce qu’est l’école : le temps  [8] offert par l’État à tous de construire les savoirs, la loi, l’universel.

Revenons au principe fondateur : un mineur ne peut pas être condamné parce qu’il obéit à ceux auxquels il est soumis juridiquement jusqu’à sa majorité. Je ne peux pas punir quelqu’un pour un acte commis par un autre. Sans cela il n’y a pas d’individualisme démocratique possible, il n’y a pas de responsabilité personnelle possible, et donc il n’y a pas de communauté possible, parce que, qu’est-ce que c’est qu’une communauté qui ne serait pas constituée d’abord de personnes ? Et que serait une société où je ne pourrais travailler qu’avec ceux que j’aime bien ? Ou avec lesquels je suis d’accord ? Eh non, justement, ce qui définit la société qu’est l’école, c’est que j’y apprends à travailler avec des gens qui sont différents de moi, que je ne suis pas obligé de les aimer, et justement, parce qu’ils sont différents de moi, nous allons nous découvrir mutuellement dans nos richesses respectives, construire ensemble les conditions de la rencontre humaine.

 

Bernard Defrance.



[1] Intervention dans le séminaire du CIEMI (Centre d’Informations et d’Études sur les Migrations Internationales), janvier-mars 1996, texte de l’enregistrement revu par l’auteur, notes ajoutées pour la publication dans Migrations Société, vol. 8, n° 46-47, juillet-octobre 1996, 46, rue de Montreuil, 75011 Paris.

[2] Sébastien Plura, 16 octobre 1993, texte publié dans Pratiques corporelles, n° 102, mars 1994.

[3] Valérie Piedeloup, communication à l’Assemblée Générale des “ Groupes de Soutien au Soutien ” (AGSAS), Paris, 9-10 octobre 1993.

[4] Germain Rémy, dans " L’humour dans la classe ? Attention… ", Savoir(s) en rire, ouvrage collectif sous la direction de Hugues Lethierry, à paraître chez De Bœck, 1er volume.

[5] Nadine n’a pas écrit son histoire, mais d’autres le font : voir par exemple, textes de Ludovic Dindin, Stéphanie Bocquet et Yann Alleaume dans “ Jouer et déjouer la violence ”, Pratiques Corporelles, n° 102, mars 1994.

[6] Mickaël Pécheux, dans “ Conseils à un professeur débutant… ”, Revue de Psychologie de la Motivation, n° 18, 2e semestre 1994.

[7] Guy Coq, Libération du 11 octobre 1995 ; cf. ma réponse dans le Journal du Droit des Jeunes (16, passage Gatbois, 75012 Paris), n° 153, mars 1996 : “ Des professeurs contre la République ”.

[8] École : scholè, en grec, c’est-à-dire loisir.