Cher(e)s camarades (archéos),
ami(e)s et collègues !
Bonne année 210 !
"Le monde souffre d'avoir trop de gestionnaires, pas
assez de prophètes" (Régis Debray, sept 2003)
Mais d'où
parles tu donc (Lacan)?
C'est une question légitime qui a à voir avec l'autorité et
le pouvoir…
Poursuivi depuis quelques temps par la monstrueuse limite
d'âge, constamment refoulée, celle ci a enfin réussi à accomplir sa sinistre
besogne et m'a atteint en juin dernier. Le petit sursis obtenu subrepticement
jusqu'à cette rentrée ne peut plus être prolongé.
Mais si cette " LA" (limite d'âge et non liste
d'aptitude) a imposé ce que l'on appelle pudiquement une cessation de
fonctions, elle a, concomitamment, exigé, honneur partagé avec une population
de plus en plus nombreuse,
l'inscription sur le "Grand Livre de la Dette" (malgré
quelques péripéties où beaucoup ont été forcés de battre en retraite malgré
leurs offensives désespérées pour avancer ou maintenir la barrière comme une
ligne Maginot). Une inscription qui permet aux victimes de la "LA" et
bientôt de ceux du "NA" (nombre d'annuités) d'être à la charge de
tous ceux et toutes celles qu'elle n'a pas encore rattrapé et que l'on dit
actifs, même s'ils sont inoccupés pour cause de chômage ou de maladie…voire de
flemme aiguë.
Permettez moi de m'en excuser auprès de tous ceux qui
refusent, en général, un endettement au dessus de leurs moyens; mais la loi est
la loi… tant qu'elle n'a pas changé!
Si je dis victime, c'est parce que je pense qu'en ces matières
(entrée et sortie d'une vie professionnelle, le choix devrait être laissé, tout
en garantissant une limite selon les métiers: il m'étonnerait que chauffeur
routier ou métallo ou instit en maternelle j'aurais voulu continuer…
Pour autant est-il au pouvoir de la "LA" d'obliger
à cesser des activités qui, pour être moins, peu ou pas rémunératrices, n'en
sont pas moins gratifiantes et même, oserais - je le dire, parfois utiles? Non, justement et équitablement…
Mais non, car chaque voix à sa part de vérité; il n'y a pas
que les mandarins ou les politiques (de droite, de gauche, députés ou sénateurs
…) qui ont droit à la parole jusqu'à leur dernier souffle. Je compte donc
profiter, encore plus qu'auparavant, d'une complète liberté d'organisation de
mon temps (avantage particulièrement appréciable) pour poursuivre des activités
entamées depuis 60 ans (eh oui…) et en reprendre certaines, mises en veilleuse
pour cause d'obligation de réserve ou de non confusion des genres. Et ce, aussi
longtemps que d'autres limites ne viendront pas imposer l'inéluctable.
J'aurais mauvaise grâce, certes, à me plaindre d'horaires
moins rigides, de "missions" différentes, de temps personnels
retrouvés pour la famille et les amis, de disponibilité accrue pour les
échanges et les rencontres, d'activités associatives et de rythmes choisis,
même s'il y a d'autres contraintes ... et surtout d'une liberté complète de
parole et d'écriture…!
Et puis la "LA" ne peut aucunement signifier qu'il
y a un âge limite à partir duquel vous ne pouvez plus avoir d'activités et que
vous devez ainsi, à l'image des soldats qui se retirent ou fuient, signant la
défaite, vous mettre à l'écart ou au rancart. Encore que, si j'en juge par les
décisions récentes de ne plus prescrire au delà de 4 ou 5 médicaments pour les
personnes de plus de 75 ans, on s'achemine vers de telles solutions. Bien sûr
cela se comprend puisque la durée de vie s'allongeant il va bien falloir en
limiter les effets désastreux pour l'économie: où est le temps béni où une
grande partie des travailleurs de l'industrie mouraient avant ou juste après
(s')être mis en retraite, ce qui permettait d'économiser et d'assurer les fonds
pour ceux qui, grâce à leur métier (médecins, avocats, fonctionnaires,
militaires, instituteurs…), pouvaient encore vivre longtemps. Comme pour les
impôts directs (contribution) ou indirects, il faut prendre l'argent là où il
se trouve: puisqu'il y a davantage de miséreux ou de pauvres que de riches ou
aisés, c'est ceux la qu'il faut rançonner et non ceux ci. Heureusement que les
évènements climatiques, genre canicule, grippe ou inondations permettent de
réduire les coûts et de diminuer la masse d'ayants droits…Comme quoi les lois
de la nature doivent être, elles aussi, respectées.
D'abord je l'ai déjà affirmé, parfois, il est vrai, sous des
formes plus diplomatiques…Si j'ai attendu cette date du 23 septembre, en
référence à l'an I, pour adresser non
un adieu mais un au revoir accompagné de tous mes encouragements, ce n'est pas
seulement pour laisser un petit temps au temps mais aussi parce que pour
beaucoup d'entre vous, contrairement à nombre de nos édiles, l'idéal républicain
n'est pas une simple révérence sans conséquence mais une vraie référence fondée
sur des valeurs et principes.
Malgré les difficultés de la tâche et, souvent, les
incohérences administratives ou ministérielles, la plupart d'entre vous a ainsi
essayé d'appliquer les orientations de la loi de 1989 et tenté d'expliciter
l'enjeu et les conditions du développement de l'éducation dans une société et
un monde en mutations profondes.
M'étant efforcé de ne pas pratiquer la langue de bois, je ne
vais pas faire preuve d'angélisme: professionnel, je ne vais pas faire accroire
que "tout le monde il est beau, il est gentil"…Pas plus chez les IEN
que chez les enseignants, pas plus chez les chefs d'établissement que chez les
chefs de service ou IA ou IPR, pas plus dans l'administration que dans
l'Inspection générale, pas plus chez les syndicalistes que chez les
journalistes… Je sais, aussi bien que vous, que nous ne sommes pas tous sur la
même longueur d'onde, que nos investissements et nos motivations ne sont pas
les mêmes, que certains (et certaines) travaillent beaucoup (parfois trop)
tandis que d'autres mettent la pédale douce, faisant d'ailleurs parfois
illusion.
Mais, au delà des
affinités, après avoir quitté des fonctions, je veux simplement apporter une
impression d'ensemble, en m'appuyant sur les multiples échanges, entretiens,
exposés, rencontres, débats, conversations… tenus, avec la grande majorité
d'entre vous, dans des situations et cadres divers, institutionnels ou
associatifs. C'était, c'est toujours, se préoccuper d'abord de l'élève qui
apprend, l'élève qui est au centre des apprentissages, l'élève qui doit
conquérir et construire son savoir. L'élève qui ne se dépouille pas de son vécu
d'enfant ou d'adolescent dès qu'il franchit la grille… L'important n'étant pas
de savoir si l'enseignant a survolé ou accompli le programme mais si l'élève
possède les savoirs qui lui permettront d'être autonome et de choisir, qu'il a
acquis les outils indispensables pour "réussir sa vie " (comme dit un
essayiste contemporain) personnelle et professionnelle, qu'il dispose des bases
pour exercer ses responsabilités de citoyen.
Aujourd'hui, sans aucune légitimité institutionnelle autre
que celle d'un engagement, je me permet de faire part de réflexions fondées sur
une expérience et des convictions. Ce n'est pas un bilan, encore moins une
"leçon" (de quel droit?)
Mais je sais que la période qui s'ouvre ne sera pas de tout
repos, tant sur les finalités de l'éducation et de l'Ecole que sur le plan des
missions et responsabilités des divers professionnels et, notamment, des IEN. [1]
Le fameux débat public, réclamé depuis des années,
mobilisera t- il ou se contera-t-on de grandes messes , sera t- il sérieux ou
superficiel, traitera-t-il des questions de fond ou de querelles médiatiques,
sombrera t-il dans le toujours plus ou abordera t-il le enfin mieux…?
Va t-on continuer de se gargariser avec l'incantation
républicaine (élitisme républicain, méritocratie, citoyenneté…) ou approfondir
les réponses aux défis d'une éducation pour tous?
Serait-ce possible qu'enfin on reprenne la formule de
Langevin Wallon (héritiers en l'occurrence de Jean ZAY): "former l'Homme,
le Citoyen, le Travailleur". La reprendre, non pour y "coller"
mais bien pour la resituer, non plus en termes (ou finalités) juxtaposés mais
en termes indissolublement liés et interactifs dans une perspective d'éducation
permanente (ou son avatar d'éducation tout au long de la vie) correspondant à
la complexité de la pensée et de l'intelligibilité du monde.
En d'autres termes, Morin et Habermas .. et d'autres.
On peut en douter…
Contrairement
aux croisés de la Culture ou aux Don Quichotte des "idées simples"
comme à l'armée des "Faucon Yaka", l'éducation n'est pas simple mais
éminemment complexe . Il faut donc douter, mettre tout à plat, et construire
des propositions puis les débattre. C'est pourquoi on ne peut se contenter de
dénoncer ni tomber dans une radicalité et une opposition au nom de la seule
défense d'acquis mais qu'il faut prendre parti et avancer des suggestions
réalisables. Si le débat s'enlise, nous pouvons le reprendre et le mener.
L'initiative conjointe de la Ligue (de l'enseignement bien sûr, pas celle du
parti de la grève), de la FCPE et d'Education et Devenir me semble adaptée:
organisons nous mêmes ces débats sur l'Ecole que nous voulons.
Mais construire ce n'est pas sombrer dans la
nostalgie mythique, pour ne pas dire mystique ou mystificatrice; ce n'est pas
s'appuyer sur des stéréotypes ou des "émotions" (LA violence, l'Ecole
ne fait pas, LA baisse de niveau, 25% d'illettrés…). Mais ce n'est pas plus verser dans la modernité sans rivage,
pour ne pas dire l'innovation pour l'innovation.
L'Ecole
est, certes, en crise, reflet d'une société qui se cherche, mais elle va
beaucoup mieux qu'on ne le dit (ne serait-ce que parce que l'on attend tout
d'elle) et cependant moins bien qu'il ne le faudrait (puisqu'elle laisse un
trop grand nombre en situation d'échec). Mais, contrairement à ceux qui
affirment sans rire que "résoudre les problèmes de l'école n'est pas
compliqué, il faut seulement quelques "idées simples" (lire, écrire,
compter) et en revenir à l'effort et au mérite", on doit craindre les
diagnostics erronés sources de remèdes pires que le mal..
Encore
faut-il , justement, analyser cette crise qui est avant tout celle du sens (et
de l'utilité) de l'Ecole, pour les élèves comme pour les enseignants, comme
pour les parents et de la souffrance qui en résulte pour tous.
Crise
renforcée par les incohérences ou les effets de mode ou des finalités affirmées
par certains en fonction de leurs seuls intérêts à courte vue. Par exemple que
l'Ecole doit préparer à l'emploi tandis que d'autres clament qu'elle doit
épanouir; ou encore le chef d'établissement, chef d'entreprise, pour revenir
ensuite au pédagogue…Sans que jamais on définisse le sens et le contenu des
termes employés. Et cela sans parler de "l'innovation" qui, par
définition, est fruit d'engagement, de responsabilité, de tâtonnement et de
recherche, mais qui est étroitement encadrée et donc vidée de ses potentialités
: innovez mais dans le cadre que je
vous fixe et sans débordements.
Et
après on vient parler d'expérimentation.
Malgré les efforts, durant un an et demi, d'un Conseil de l'Innovation, il n'a pas été possible d'imposer la reconnaissance du droit d'innover. Néanmoins, malgré ces limites, ce Conseil devenait probablement trop "dérangeant" dans ses réflexions, comme dans le soutien aux initiatives, puisqu'on l'a étouffé au prétexte que l'administration était elle même innovante….
Le vrai débat est celui des finalités et des
méthodes: à quoi et à qui doit servir l'Ecole? Finalités d'abord, contenus
ensuite puis méthodes et enfin, mais enfin seulement, les structures. [2]
Le statut des écoles d'une part, une plus grande autonomie des
établissements d'autre part, s'inscrivent ainsi en bout de course, en termes de
moyens de faire, et non de fins: pour répondre aux finalités, pour que les
contenus soient appropriés, pour que les méthodes rendent les élèves conscients
de l'utilité des savoirs pour eux mêmes et en fassent de réels apprentis,
quelles structures sont nécessaires, de quoi avons nous besoin? Les réseaux
d'école dans le cadre d'EPCI, le renforcement de l'autonomie des EPLE n'en sont
alors que les moyens, dont il reste à définir contours, limites et modalités de
fonctionnement.
Au
travers de l'incertitude, qui doit être acceptée, il reste des convictions dont
la première est que tout individu est éducable, que chacun peut apprendre à
condition qu'on lui fasse confiance et qu'on l'accompagne à son rythme sans
rien abandonner des exigences tant culturelles (accès au savoir et à une
culture commune de référence) que sociales (combattre les inégalités).
Ce
qui signifie d'ailleurs que l'Ecole doit (re)devenir un espace
"protecteur" (havre de liberté de conscience et de parole, hors des
pressions sociales ou familiales ou culturelles) et non un espace
"protégé" (en dehors de la société, ignorant des pressions ou du
vécu). Bref ni ouverte à tous vents, ni sanctuaire.
La
deuxième est que le savoir auquel tout individu a droit, pour conquérir son
autonomie, ne peut plus être simplement "présenté" ou
"offert". Il doit aujourd'hui, encore plus qu'hier, être construit et
approprié par l'enfant et l'adolescent dans un cadre d'échange et de
coopération avec ses pairs mais aussi en relation avec les autres moments de la
vie (famille, loisirs, sports, culture, activités…). La formule d'un mouvement
pédagogique, "l'auto-socio construction" est encore plus d'actualité
avec les recherches tant des sciences psychologiques que biologiques, notamment
les neuro sciences.
Une
troisième réside dans le fait qu'aujourd'hui le compagnonnage est la forme
moderne de tout apprentissage et qu'il se traduit pour tous dans la notion
d'accompagnement. Accompagnement de chaque élève mais aussi de chaque
enseignant comme de chaque cadre, à tous les niveaux. Et un accompagnement qui
doit s'appuyer sur, autant que susciter le travail d'équipe.
Un
accompagnement qui rime autant avec confiance qu'avec pilotage, avec initiative
qu'avec rigueur, avec évaluation qu'avec recherche. Mais, surtout, qui s'inscrit
dans une démarche dynamique, en tous lieux et tous moments, celle du projet
(qu'il soit personnel ou d'école, de circonscription ou d'établissement,
professionnel ou politique) [3].
Or
le projet est d'abord un constat et une analyse, ensuite une élaboration
collective du cheminement par lequel on
pense atteindre un but visé (afin de modifier et/ou améliorer une situation de
départ) en fonction d'objectifs personnels ou institutionnels ou collectifs. Il
ne peut être un catalogue fourre tout, modèle La Redoute ou Camif. Seul un
projet - visée, peut ensuite se décliner en programmes d'actions qui s'insèrent
dans cette vision donnant cohérence et s'évaluent en fonction des résultats
obtenus.
Dans
cette perspective, en relation avec la décentralisation ou la régionalisation
(et en s'inscrivant dans une politique concrète de développement local et
durable), les projets politiques d'école, d'établissement, de circonscription
ne sont pas des actes administratifs, de simples obligations administratives,
mais avant tout des actes de participation, de proximité et de responsabilité
pour démontrer l'investissement des personnels, leur volonté d'agir sur un
territoire donné pour les élèves comme pour délimiter les responsabilités et
formes d'intervention de chacun .
En
quelque sorte l'image, et la réalité, d'un caractère propre de l'école
publique. Le partenariat n'est plus alors concurrence ou démission ou chasse
aux subventions mais avant tout coordination et respect des compétences et de
la professionnalité des uns et des autres.
Ces
questions sont au cœur des politiques éducatives locales, qui vont se
développer, et fondent la place et prérogatives de chaque acteur, individuel ou
collectif, comme elles sont à la source d'une politique contractuelle
définissant rôle spécifiques, actions complémentaires et objectifs communs des
différents partenaires. [4]
C'est
pourquoi, en ce qui concerne l'école maternelle et élémentaire, la mise en
place des cycles (abolissant la rigidité des classes au profit de groupes à
géométrie variable en fonction des compétences et capacités acquises ou visées)
doit être poursuivie et surtout accélérée, pour tenir compte des découvertes
scientifiques sur les modes d'apprentissage comme pour répondre aux difficultés
de certains élèves.
Libéraux
sûrement, comme le dit souvent A. Prost. Mais des libéraux (c'est à dire qui ne
veulent aucun contrôle d'aucune hiérarchie) à statut de fonctionnaire garanti,
c'est à dire irresponsables. Quant à acteur oui tout le monde l'est, hélas
parfois. Mais, avant tout, il n'est pas possible de généraliser: nombre
d'enseignants, de cadres, d'administratifs se sentent responsable de leur
travail au regard des objectifs du système. Comme dans toute profession…
Mais,
justement, le projet est le premier jalon de la responsabilité et de l'action
pour une raison: en bref tout peut s'emboîter, prendre sens et cohérence, si
l'on se donne la colonne vertébrale du projet, si l'on coopère et coordonne
toutes les activités en prenant constamment le soin d'en évaluer les
résultats…et si les élèves sont véritablement, au delà de formules de
circulaires, des acteurs de leur apprentissage.
Bien
évidemment il s'agit, personne ne peut le nier, d'une articulation entre
l'Ecole et la société…
La
référence à l'Ecole de Jules Ferry (je n'irais pas jusqu'à mimer Victor Hugo
parlant des Napoléon, l'un Grand et l'autre petit…) doit être complète: elle
correspondait à un projet de société fondé sur une opposition de classes (avec
les risques d'affrontement), sur une culture commune de référence permettant
d'arracher les masses paysannes tant à la pression de l'Eglise qu'à celle des
hobereaux et de domestiquer la future main d'œuvre ouvrière, et sur une
conception de la République et de la démocratie essentiellement parlementaire
par la voie du suffrage universel.
Rappelons
nous les séquences de morale autant que les images hygiéniques ou d'Epinal. Souvenons
nous aussi que sous le suffrage universel, il ne s'agissait, jusqu'en 1945, que
de la moitié masculine… En d'autres termes c'est renouer avec Ferry (Jules) que
de repenser l'Ecole en relation avec un projet de société…qui n'est pas
obligatoirement le même. Ce que semblent "oublier" nos républicains,
de quelque rive qu'ils soient. Et attention, toujours aux mots, le
"national socialisme" était il socialiste? Les "démocraties
populaires" étaient elles démocratiques?
Sur ce plan, s'il y a de telles relations entre Ecole et société, on comprend mieux pourquoi l'Ecole (et l'éducation) est à la fois un enjeu politique et un terrain de conflits qu'il faut aborder clairement sans s'abriter derrière des faux fuyants ou des présupposés non explicites. Et l'on retrouve ici tous les choix qui dépendent de convictions philosophiques ou religieuses, d'idéologies (surtout lorsqu'elles prétendent ne pas en être), d'intérêts personnels ou de groupes, de situations sociales …. Transformer des usagers en clients, par exemple, n'est pas plus anodin que de parler de "métier" d'élève ou… de parent.
Nous
sommes bien au cœur de la politique, entendue dans son sens de choix de vie
sociale et de rapports entre individus et collectivités (ou de communautés?).
Choix pour lesquels, aujourd'hui, on ne peut plus se contenter d'une démocratie
représentative (soumise aux aléas médiatiques et politiciens) influencée par
des experts sans contrôle et des sondages sans lisibilité laissant cours à toute
démagogie et à un "clanisme" constituant d'écuries présidentielles…
Peut
être que l'Ecole pourrait participer, par ses pratiques, (conseils,
coopératives, élaboration des projets, productions d'élèves, apprentissage du
débat…) de l'émergence d'une démocratie délibérative et participative? A condition que des zones de pouvoir (que peut
on décider dans la classe, dans l'Ecole…?) soient instaurées et de ne pas
sombrer dans la réunionnite aiguë…
Peut
être, aussi, à condition que se constitue une nouvelle association de chasseurs,
défenseurs d'une écologie de la pensée:
les chasseurs d'idées reçues…
On
peut rêver….
Et
tenter que le rêve devienne, au moins en partie réalité?
Ne
vaut il pas mieux rêver et agir pour essayer de construire, plutôt que se
plaindre, réclamer et dénoncer… en attendant de disparaître (pensons à la
sidérurgie…)?
Renouons
avec la filiation tant de l'Université populaire qu'avec l'Education nouvelle,
des Condorcet, Cousinet, Montessori, Freinet, Gloton, Kergomard, Legrand,
Monod, Schwartz… et tant d'autres qui ont su mettre en relations constantes
convictions, propositions, prises de risques et actions.
JCG
Quintidi sanculottide 209
[1] Comment l'éducation, et le
système scolaire, pourraient ils échapper aux bouleversements sociaux et
culturels? Comment pourrait elle rester à l'écart du "règne de la
marchandise" et ne pas se poser la question de son efficacité au regard de
quelles finalités?
[2] L'article de Suzanne Citron
"Repenser les questions du savoir et de l'imaginaire social" dans Libération
du 18 septembre, pose à l'évidence ces problèmes fondamentaux. Cela fait
d'ailleurs des années, sans remonter aux colloques de Caen et d'Amiens, que
quelques voix les posent….
[3] Voir les circulaires du
secrétariat d'état à
l'enseignement technique, de juin juillet 1988, qui définissent la
politique et la démarche de
projet, dans la logique du
séminaire de Souillac (octobre 1982), que l'article 18 de la Loi de 1989 reconnaîtra.
[4] Sur ce point il est temps de considérer que tout
établissement (école, collège, lycée..)
est à la fois un équipement collectif, un lieu de vie ET un lieu de travail sur
un territoire donné (obéissant à une politique locale des collectivités), avec
un recrutement particulier (lié à l'habitat), un environnement spécifique (lié
à la géographie et l'économie)… Ce qui suppose qu'il soit intégré à une
politique éducative locale et que les différents acteurs (élus, professionnels,
usagers…) confrontent et élaborent ensemble leurs objectifs et leurs projets. L'angle d'attaque de l'ergonomie
scolaire, proposé par le Conseil de l'Innovation, peut y aider…