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Argumentaire pour les dix propositions du CRAP-Cahiers Pédagogiques |
Proposition
1
La nation, en liaison étroite avec le monde enseignant, doit définir ce
qu’elle attend des élèves en terme de connaissances et de compétences
fondamentales à la fin
de la scolarité obligatoire. Les capacités de lecture et d’écriture sont
essentielles mais les fondamentaux, c’est aussi aujourd’hui, par exemple,
savoir s’exprimer à l’oral, utiliser les nouvelles technologies, décoder les
images, connaître les risques pour l’environnement…
C’est à
travers le travail sur ces compétences que les activités scolaires prennent
davantage de sens.
Si l’on parle de socle commun
ou de compétences de base on admet qu’un choix est à faire parmi les
connaissances disponibles. On ne peut plus aujourd’hui raisonner par
accumulation. Il faut faire un tri afin d’aboutir à un minimum de connaissances
alors qu’on a eu tendance à superposer des couches successives de connaissances
à acquérir. Ce tri devrait permettre d’aboutir à une granularité élémentaire et
évolutive, qui ne peut être décidée une fois pour toutes ni de façon uniforme.
D’autre part réduire propose une autre dimension à celle du tri et de
l’élimination, celle de la synthèse. De quelle manière peut-on regrouper des
connaissances ou bien choisir une connaissance comme exemplaire ?
La masse des connaissances
s’accroît. On ne peut donc viser à l’exhaustivité, au contraire il faut
chercher à les réduire autant que possible. Lesquelles sont-elles
fondamentales ? Les connaissances de base ne peuvent se définir d’après
une vision nostalgique de ce qu’on croit avoir appris lorsque nous étions
nous-mêmes élèves. Elles restent donc à définir. Pour y parvenir il s’agit
d’abord de s’entendre sur des critères :
-
des
connaissances au service de la mise en place de compétences,
-
des
connaissances comme représentatives d’un type de connaissances,
-
des
connaissances indispensables à l’acquisition d’un type de savoir,
-
des
connaissances nécessaires à la vie d’un citoyen éclairé et acteur dans la
société.
Le lire, écrire et compter n’est plus suffisant face à la
demande sociale mais aussi pour répondre aux besoins de culture de citoyens en
devenir. Le partage des connaissances en disciplines scolaires, héritage
historique et universitaire, est artificiel et a contribué à créer des groupes
de pressions qui ont œuvré à la juxtaposition et à l’accumulation de
connaissances. Il conviendrait de raisonner en termes de culture :
-
une
culture sémiologique : une grammaire des signes qui permette de lire et
produire des textes sous toutes leurs formes, des images, des médias, des
langues étrangères ou tout système de signification,
-
une
culture scientifique et technique : conduisant à la maîtrise des systèmes
de logique, de la démarche scientifique, du langage mathématique, des
technologies,
-
une
culture humaine et sociale : en termes de philosophie, d’histoire,
d’économie, de droit, ou de politique afin de construire le citoyen au sein de
l’idéal démocratique,
-
une
culture du corps, des sens et de la santé : permettant à chacun de se
connaître et de respecter autrui, d’advenir à l’émotion artistique.
Ces cultures traversent les
champs disciplinaires et ne peuvent être réservées ni à telle discipline ni à
tel enseignant. Le dépassement des disciplines implique à la fois le
renforcement du travail en équipes au sein des établissements et une ouverture
de chaque enseignant au delà de sa discipline universitaire d’origine. En
rupture avec nos habitudes de travail, il est nécessaire de mettre en place une
politique éducative à la fois incitative à l’innovation pédagogique et ouverte
aux expérimentations.
En soi une connaissance ne
sert à rien, et ne peut se contenter de constituer un savoir encyclopédiste.
Elle doit servir à la prise de décision et à l’action de chacun à travers le
développement de ses compétences. Le développement et la multiplication des
compétences se requièrent des connaissances et contribuent à en créer de
nouvelles. L’éducation apporte des connaissances premières à l’apprenant qui
s’en nourrit et se les approprie, pour devenir un acteur autonome capable de
rechercher, de solliciter, d’intégrer de nouvelles connaissances. Cette
capacité à traiter les connaissances implique l’acquisition des compétences
indispensables à la construction du savoir et de l’identité de chacun. Ces
compétences devraient se trouver au cœur du socle commun à apporter aux élèves.
Cependant elles doivent trouver leur support dans des connaissances appropriées
et ne prennent sens qu’à travers l’exemplarité des connaissances qui les
supportent.
La priorité ne concerne donc
pas les connaissances mais les compétences indispensables à tout citoyen
cultivé, libre et actif. De la définition de ces compétences peuvent être
déterminées les connaissances qui permettent de les élaborer et des acquérir.
C’est de la conjonction entre
une compétence et son corpus de connaissances, que peuvent être définis des
domaines du savoir. Un savoir n’étant pas clos sur lui-même, mais ouvert sur de
nouveaux savoirs, il est nécessaire de faire adopter une posture
d’interrogation et de doute, un esprit critique. Il faut donc privilégier
certains domaines à approfondir, c’est-à-dire à cultiver et à maîtriser
suffisamment pour les mettre en question. Cette acquisition de la mise en
question, ou de l’esprit critique, conduit à une mise en appétit pour
développer sa propre culture, multiplier ses connaissances et accroître ses
compétences.
On ne peut atteindre les
objectifs signalés ci-dessus dans le simple rapport transmissif de la
pédagogie. Les élèves doivent apprendre à (se) construire (dans) leurs propres
savoirs. Ils leur faut donc acquérir des comportements et des savoir-faire à
travers des actions de recherche, d’interrogation, de construction et de mise
en cause. Les enseignants doivent donc élaborer des démarches pédagogiques qui
rendent actifs leurs élèves.
Le socle commun ne vise donc
pas un minimum de connaissances en soi, mais les connaissances nécessaires à la
construction de compétences et à l’acquisition culturelle. Un élève sortant du
collège doit donc avoir une vision non réductrice de ses savoirs. Quelle que
soit la suite de son parcours, il détient les outils du citoyen responsable et
autonome, capable de se définir face à la demande sociale et d’entrer de
plain-pied dans le monde. S’il dispose des capacités pour poursuivre des études,
il doit pouvoir le faire disposant d’une culture lui permettant de développer
des champs de connaissances et de compétences spécialisés qu’il puisse
relativiser, interroger et relier aux autres.
aRéférences Cahiers
Pédagogiques
Les contenus d’enseignement, n° 298, novembre 1991
Esprit critique , es-tu là ? n°386, septembre 2000
Savoir, c’est pouvoir transférer, n° 408, novembre 2002
Nous
défendons l’idée d’un Collège pour tous,
c’est-à-dire où tous les élèves sortant du collège doivent avoir acquis les
mêmes fondamentaux. Cela implique une évolution des pratiques,
encouragée par des dispositifs comme les IDD, l’heure de vie de classe, la
pédagogie de projet… Tout élève doit avoir rencontré un aspect du monde et de
la formation professionnels. La connaissance des métiers doit concerner tous les élèves dès le primaire ainsi
que la connaissance des outils et des machines d’aujourd’hui. Le brevet doit être transformé (évaluation
de compétences disciplinaires, mais aussi transversales, évaluation de la
présentation d’un travail poursuivi toute l’année, etc.)
Collège unique, collège pour
tous, collège de la réussite de tous, etc. : quelle que soit l’expression
retenue, il y a tension entre la nécessité d’une individualisation et l’idée d’égalité des chances, si du moins cette expression est entendue comme
signifiant des structures et des contenus identiques pour tous dès l’entrée au
collège. Si au contraire on entend que c’est l’égalité des chances à la sortie
qu’il faut viser, on admet qu’elle soit recherchée à travers des structures
différenciées et éventuellement des
rythmes différents.
La plupart des élèves poursuivent désormais des études
après le collège, et le collège doit les y préparer, en leur donnant les
méthodes de travail et en les aidant à
s’orienter. Mais il faut prendre en compte les élèves qui manifestent à cet
âge une aversion, souvent temporaire,
pour le travail scolaire traditionnel ; et donc prévoir des formules qui
permettent provisoirement un autre mode de formation, comme par exemple
l’apprentissage à temps total ou partiel. Pour ne pas être une orientation
précoce et irréversible, ces formules doivent être assorties d’une possibilité
de retour à la scolarité “ normale ”. Elles ne peuvent concerner
qu’un petit nombre d’élèves et ne doivent pas être une manière de se dispenser
d’une interrogation sur les manières de travailler au collège pour tous les
élèves.
Le principal écueil serait est
ici de se contenter d’une égalité simplement proclamée entre ces structures ou formules. Si l’on veut vraiment que la culture technologique soit égale en
dignité (et en débouchés offerts) aux autres formes de culture, cela suppose
des changements importants dans les pratiques d’évaluation et dans les critères
d’orientation, pour que l’orientation vers les enseignements professionnels ou
l’apprentissage ne soit plus en faut une relégation loin des enseignements
généraux. Là encore, cela doit se marquer au niveau de la formation des
professeurs qui, devraient tous, quelle que soit leur discipline, pouvoir se
familiariser avec le monde de l’enseignement professionnel.
Le brevet des collèges actuel n’évalue pas sérieusement les compétences acquises par les élèves. L’existence d’une certification finale du collège est sans doute nécessaire, mais elle doit prendre des formes originales. A côté d’épreuves classiques, évaluant autant l’acquisition de méthodes que de connaissances, on doit envisager l’évaluation de compétences qui du coup seraient davantage travaillées au collège. Par exemple, la capacité à faire un court exposé devant un auditoire, présentant une réalisation individuelle ou collective. Ou à chercher, trier et hiérarchiser des documents (une compétence essentielle du citoyen du XXI ° siècle). Le B2I, les présentations de travaux en IDD sont de bons exemples de ce qui pourrait être fait
Complément
(atelier des journées d’automne du CRAP)
Il ne s’agit pas de mettre des
options professionnelles ouvertes à tous, à
côté du socle commun des fondamentaux , comme le propose la question
4 ; il s’agit de l’inclure dans
les fondamentaux. Cette propension à mettre les connaissances professionnelles
à côté du socle commun montre les résistances à reconnaître les compétences
professionnelles ( ex : dessiner
un objet pour le fabriquer, programmer une machine, utiliser un outil,
organiser son travail dans le temps et l’espace, s’inscrire dan un projet dont
on est pas le seul acteur, repérer et aller rechercher des informations auprès
d’autres, pour réaliser une tâche….). Il nous faudrait tous être bien conscient
de la richesse, de la complexité des cultures professionnelles, qui ne peuvent
s'illustrer par "savoir planter un clou", tout comme la culture
générale ne peut l'être par "savoir lire Balzac".
Comment lutter contre la dépréciation de la voie
professionnelle ? Il y a tant d'implicite
dans notre société ! Quels indicateurs prendre pour comparer ? Les salaires ?
Le plaisir que différents professionnels peuvent éprouver dans leur travail,
(comme l'artisan d'art à l'extrême)? La relative liberté de gestion de son
temps de l'agriculteur ou de l'artisan ?
La réussite des bacs pro et la disparition progressive de diplômés CAP,
BEP, l’évolution de la complexité des métiers de l’industrie (machines à
commande numérique…..) tend à montrer que l’objectif de l’école et de la
société est de former des personnes qualifiées. On constate cependant que des
jeunes sortent, encore, du LP pour devenir de simples exécutants dans
l’entreprise.
Une
des missions de l’école ne serait-elle pas, de faire en sorte que les élèves
soient aussi formés pour rechercher ailleurs que dans leur travail la
gratification dont tout être a besoin. Mais est-ce acceptable ? Peut-on se
contenter de cela ?
a Références
des Cahiers Pédagogiques
• Les lycées professionnels, n° 403, avril 2001
• Des pistes pour changer le collège, n°404, mai 2001
Proposition 3 :
Les
programmes doivent être réorientés dans le sens de la mise en œuvre de compétences, parallèlement à l’acquisition des
connaissances, en établissant des ponts disciplinaires. Il faut
veiller à ce que certaines avancées, comme le programme de français à l’école
primaire, ne soient pas remises en cause. Symétriquement, il faut (veiller à
ce) que les examens servent à certifier
une réelle formation plutôt qu’à mesurer la soumission à des normes formelles
dont la seule fonction est de sélectionner.
Quelle est la nature du savoir
qui est transmis dans un cadre où l’on ne reconnaît à l’élève que des
obligations et où l’on n’exige de lui que la soumission à des normes ?
Peut-on transmettre de cette façon autre chose que des savoirs formels?
Est-ce que la demande de la
nation qui attend de l’école qu’elle forme de futurs citoyens responsables est
satisfaite par un fonctionnement qui privilégie des savoirs dont on se contente
de mesurer l’acquisition sans mettre les élèves en situation de les utiliser?
Quel besoin d’esprit critique s’il s’agit de restituer ce qui permet d’obtenir
la note qui autorisera le passage dans la classe suivante et qui permettra de
décrocher les diplômes?
À force de réclamer que
l’école transmette un savoir minimum, on a peut-être parfois oublié que le plus
important est la manière dont l’élève le reconstruit, qu’il s’agit davantage
de. susciter des questions plutôt que de donner des réponses qui ne servent
qu’à être répétées le jour de l’examen.
Et on a du coup transformé le
savoir en marchandise et l’école en supermarché garni de savoirs jetables.
Il y a une relation à nouer ou
renouer entre savoirs et formation. Les savoirs ne sont rien s’ils n’entrent
pas en résonance avec d’autres savoirs, s’ils n’éveillent aucun écho dans
l’expérience de l’élève ni dans la réalité qui l’entoure. Ces savoirs sont des savoirs morts s’ils ne
donnent aucune compétence et s’ils n’ont servi que de monnaie d’échange.
Le devoir de l’école, dont la
mission est de former des citoyens ouverts sur leur environnement et sur la
culture de leur époque, capables d’articuler connaissances et compétences, est
de mettre les élèves en mesure de confronter leurs acquisitions scolaires et la
complexité de la réalité qui les entoure. Cette réalité c’est la réalité
socio-économique et culturelle qui fait l’identité d’une région, d’un
territoire donné, c’est aussi la vie de l’établissement scolaire et de la
classe
Pour cela, il faut que
l’organisation de l’école mais aussi les méthodes d’apprentissage accordent aux
élèves de véritables responsabilités afin que l’institution formatrice et
l’objet même de leur formation ne leur soient pas complètement extérieurs.
Il est nécessaire à la fois
que les élèves aient une prise sur leurs sujets d’étude, mais aussi que les
programmes offrent un corpus de connaissances capable de donner un contenu à
une véritable vision citoyenne du monde.
Dans cet esprit, l’école doit
renoncer à la répétition de connaissances encyclopédiques dont l’empilement ne
débouche sur aucune formation. Nous pensons que, sans renoncer aux spécificités
disciplinaires et aux contraintes du savoir, l’école doit privilégier les
démarches qui permettent de croiser les divers angles d’attaque de manière à
permettre aux élèves de se mettre en quête de sens et en position de réunir les
éléments de réponse aux questions qu’ils se posent.
Ainsi tout ce qui est une
invitation à proposer une lecture personnelle et argumentée, une observation,
une étude de cas nous semble à développer et à valoriser grâce à une évaluation
et à une certification qui prendraient en compte le résultat d’une démarche
plutôt que de mesurer une somme de connaissances et de savoir-faire inopérants.
C’est dans ce sens que vont
les IDD, les TPE, etc.
C’est dans ce sens que le
brevet et le bac devraient évoluer
Ainsi les productions
personnelles et collectives réalisées au cours de l’année devraient constituer
la partie la plus importante des travaux pris en compte pour la délivrance des
diplômes.
a Références Cahiers Pédagogiques
Les examens, dossier du n°387, octobre 1999
Quelle pédagogie pour les lycées, n° 376-377, sept-oct 1997
Changer l’école primaire, n° 397-398, oct-nov 1999
Le collège , supplément 2000
Proposition 4
Nous devons
défendre ardemment, au lycée, au collège des dispositifs qui ont fait leur preuve (TPE, ECJS) ou qui les feront si on leur
redonne plus d’importance (PPCP, IDD).
Au lieu de les remettre en cause, il faut améliorer leur fonctionnement et
étendre les TPE aux voies technologiques des lycées.
Ces dispositifs contiennent en
germe l’espoir d’une autre manière de travailler et d’apprendre, pour sortir de
l’alternative entre le “ cours sérieux ” et les activités récréatives
sympathiques mais peu productives en termes de savoirs.
Ils sont le prolongement d’une très ancienne tradition où on
trouve en fait les grands principes de l’éducation nouvelle, mais aussi
l’intégration d’exigences actuelles, ouvertes sur le futur du XXI° siècle.
Les élèves sont incités à être
actifs, créatifs, et le professeur à être davantage un pilote, un guide pour
mener à bien des travaux pas trop parcellisés, pas trop standardisés. Bien des
enseignants déclarent qu’à cette occasion, ils ont eu plaisir à
“ travailler autrement ”, à moins intervenir, à laisser du temps et
de l’espace aux élèves. L’expression “ travailler autrement ” est
discutable cependant, car elle laisse penser qu’il s’agit simplement de
“ respirations ” provisoires au milieu d’une norme inchangée, alors
que IDD, TPE et PPCP pourraient être le ferment, le levier vers d’autres
pratiques, qui deviendraient les pratiques ordinaires.
Mais ce qui semble particulièrement intéressant ici,
c’est le développement de compétences essentielles pour l’avenir. Par exemple, savoir trouver des informations, et surtout les trier,
savoir reconnaître leur validité ou travailler réellement l’oral. Dit-on suffisamment le scandale
que constitue le fait que tant d’élèves sortent du collège sans être capables
d’exposer pendant trois minutes, sans notes, une question étudiée
auparavant ? Et bien des lycéens continuent à être dans ce cas-là.
Autre compétence : la capacité à parler de son travail (ou à écrire
sur celui-ci), à travers notamment l’existence du carnet de bord. On commence à
savoir que les activités de métacognition, de bilans, de retours réflexifs,
sont des facteurs essentiels de la réussite scolaire[1] .
Par ailleurs, l’intérêt
principal de ces nouveaux dispositifs est de ne pas séparer les efforts pour
motiver les élèves, les rendre plus actifs et un travail de fond sur les
contenus scolaires et sur la culture.
Dans le travail à deux, entre collègues, naît parfois un questionnement
nouveau. Et dans ce contexte, des matières trop marginalisées comme la
technologie au collège devraient pouvoir trouver une place importante.
Pour
qui ?
Reste l’objection : les IDD, voire les
TPE seraient un luxe, alors même que les savoirs essentiels ne seraient
pas maîtrisés. Certes, ils peuvent être facteurs d’exclusion si on ne tient pas
compte des différences de rythmes, de capacités, de degré d’autonomie des
élèves. Ils doivent s’inscrire dans le cadre d’une pédagogie différenciée
visant à réduire les différences. Dans
de nombreux cas, les enseignants évoquent bien le cas d’élèves difficiles ou
démotivés dans les cours classiques et s’appliquant, s’investissant dans l’IDD
ou le TPE.
a Références :
Florence Castincaud et
Jean-Michel Zakhartchouk, Croisements de
disciplines au collège, CRDP d’Amiens et CRAP, 2002
Raoul Pantanella, Les TPE,
vers une autre pédagogie, CRDP d’Amiens et CRAP, 2000
Elisabeth Bergé et Françoise
Vuillequiez, accompagner les PPCP, CRDP d’Amiens et CRAP, 2003
Cahiers
Pédagogiques,
n°413-414, Pratiquer les IDD, les TPE, les PPCP, avril-mai 2003
A l’école
primaire comme au collège, il faut développer des alternatives au redoublement. Cela passe par la réactivation
de la politique des cycles et la mise en place de formes souples de
regroupements temporaires ou de pédagogies différenciées. Les Cahiers
Pédagogiques ont publié là-dessus de nombreux textes qui restent d’actualité.
Toutes les études
internationales , on le sait, montrent l’inefficacité globale du redoublement.
Certes, localement, ponctuellement, celui-ci peut s’avérer utile pour un élève
particulier, mais ces cas sont mis en avant pour sauver un dispositif qui est
coûteux à la fois financièrement et psychologiquement.
Bien entendu, il faut trouver des alternatives.
Dans le premier degré, elles
passent par l’abandon d’une pression excessive qui fait qu’on voudrait que les
enfants “ sachent lire ” à Noël. La politique des cycles n’a
jamais vraiment fonctionné, car elle nécessite la mise en place d’une pédagogie
différenciée dont on ne parle plus guère dans les discours officiels. Pourquoi
ce qui a pu exister, même si c’est sous des formes pas forcément exemplaires
partout, dans les classes uniques, à savoir faire la classe avec des activités
différentes selon les élèves, ne serait-il pas possible aujourd’hui ?
Il est vrai qu’on a abandonné
ce qui pouvait se dessiner par exemple avec la Charte pour l’école du XXI°
siècle (travail commun avec des chercheurs, réflexion sur l’utilisation des
aides éducateurs, etc.). La solution du cours préparatoire allégé actuellement
en vogue, peut être valable si et seulement si cela s’accompagne d’une
formation au travail plus individualisé, ne se fait pas à la place de la
politique des cycles, n’est pas isolé d’une réflexion globale au niveau de
toutes les classes d’une école.
Dans le secondaire, la
réflexion sur les formes de regroupements semble également en panne. Il
faudrait en fait tirer parti de l’expérience, souvent relatée dans les Cahiers Pédagogiques , de groupements
différenciés (groupes de besoins, monitorats, groupes à géométrie variable,
regroupements par projets). Quand existent des moyens pour des regroupements
par petits effectifs, trop souvent il n’y pas optimisation (faire la même chose
à huit qu’à trente est une aberration et un gaspillage de l’argent des
contribuables !)
Les dispositifs officiels
changent souvent. Qu’en est-il des études dirigées en collège ? Laisser de
l’autonomie aux établissements implique en contrepartie un pilotage, un
accompagnement par l’institution. Or, à l’heure actuelle, c’est plutôt la cacophonie
(voir par exemple les pratiques au lycée des modules et des heures d’aide
individualisée).
Le travail fait dans les
établissements novateurs (qu’ils soient ou non “ expérimentaux ”)
doit être mieux connu. On ne peut que déplorer la mise à mort du conseil
national de l’innovation qui aurait pu jouer un rôle essentiel de diffuseur de
ces innovations (cela ne concerne pas que cette proposition d’ailleurs !)
a Références des Cahiers Pédagogiques
Le
redoublement, n° 254-255, mai-juin 1987
Il n’y a pas que la classe, n°279, décembre 1989
Retours sur
la pédagogie différenciée (supplément)
Les cycles à
l’école primaire ,n° 321-322, février-mars 1994
Proposition 6 :
Il faut développer les pratiques culturelles des
élèves à l’école en les reliant aux apprentissages.
Les efforts
faits pour développer ces pratiques doivent être poursuivis et accentués en
lien avec les partenaires les plus divers. Cela inclut aussi bien les arts que
la culture technique et scientifique.
Trop souvent, les activités dites
culturelles apparaissent, à l’école, comme un “ supplément d’âme ” et
de plus on les limite au domaine artistique et littéraire. Il convient à la
fois d’élargir la notion de culture et de mieux relier ces activités aux
apprentissages.
Les activités culturelles
créatrices permettent de donner plus de sens à ce qu’on apprend. Les élèves ne
peuvent écrire des textes (contes, nouvelles, poèmes) sans se référer à des
lectures, sans avoir recours aux outils de la langue. La création musicale
implique l’écoute et le travail technique.
Mais, les activités
culturelles ne peuvent d’autre part être menées par tous les élèves (pas
seulement ceux qui sont motivés à l’avance ou ceux qui “ baignent ”
déjà dans la culture) sans que le professeur mobilise toutes les ressources de
la pédagogie (capacité à mener un travail en groupes où tous les élèves sont
impliqués, partage des tâches, planification du travail, capacité à articuler
projet et activités “ décrochées ”, etc.)
Il faut s’élever contre toute remise en cause par exemple des activités artistiques à l’école primaire sous prétexte que les “ fondamentaux ” passent avant. Autant il est important de réfléchir sur ces activités pour éviter d’en faire de simples moments récréatifs (la “ cerise sur le gâteau ”) ou d’exaltation spontanéiste de la “ créativité ” de l’enfant, autant il serait désastreux de ne pas poursuivre les efforts faits ces dernières années dans ce domaine.
Dans le secondaire, le
développement d’ateliers scientifiques permettant l’émergence d’une culture
véritable dans ce domaine doit être poursuivi. Encore une fois, cela ne doit
pas se faire à la marge et ne concerner que les volontaires. Ces activités
doivent avoir des effets sur la pratique de la classe. Un élève de classe
scientifique doit posséder des éléments d’histoire des sciences et être amené à
se poser des questions sur la place de la science dans la culture. De même, les
activités culturelles doivent-elles être mises en relation avec l’évolution des
techniques et impliquer la technologie au collège.
Les itinéraires de découverte
et les TPE sont, là encore, des occasions de développement de cette culture
multiforme.
Tant pis pour ceux qui
ironisent tel cet homme politique clamant que l’école n’a pas à “ former
de petits artistes ” (le problème n’est pas là). Il s’agit bien de faire
jouer à l’enseignant un rôle de “ passeur culturel ” pour une vraie
appropriation culturelle.
aRéférences des Cahiers
Pédagogiques :
Le monde de
l’art et l’école,
numéro 371, février 1999
Musique ! , n°394 mai 2001
Des grandes
œuvres pour tous,
n° 402, mars 2002
Pour créer
un climat propice aux apprentissages dans les établissements scolaires, et pour
instaurer une autorité légitime, il faut développer tous les moyens qui
ont été expérimentés et qui ont fait leur preuve : travail en équipe,
structures de médiation, instances de concertation et de démocratie, …
Invoquer le retour à l’ordre et à la discipline est simplificateur et
dangereux.
Le ministère parle beaucoup de
“ retour à l’autorité ”. Mais celui-ci est en fait illusoire si on
considère cela comme un “ préalable ” et si on ne parvient pas à
redéfinir ce que doit être l’autorité (le CRAP prépare un colloque sur ce sujet
et un dossier des Cahiers Pédagogiques
pour fin 2004) L’autorité de l’enseignant doit s’appuyer sur la
responsabilisation des élèves, donc sur leur implication dans la vie de la
classe et de l’établissement. Le “ rappel à l’ordre ” ne pourra être
efficace sans cela, et sans le travail solidaire de tous les acteurs de
l’établissement. Le travail d’équipe des enseignants , même minimal, est
souvent le facteur décisif qui explique que tel ou tel établissement est moins
touché par la violence et les incivilités (cf. les travaux de Debarbieux).
Il est irresponsable de faire
croire aux jeunes enseignants que c’est à coup de slogans démagogiques
(“ tolérance zéro ”), de paris impossibles (“ ne rien laisser
passer ”) ou de mesures spectaculaires mais qui ne touchent pas
l’essentiel (mettre plus d’enseignants au conseil de discipline par exemple),
que l’on va régler quoique ce soit. On isole en faisant cela l’instauration de
la Loi dans la classe de la mise au travail des élèves, alors que les deux sont
liées, qu’il faut les mener de pair, sans esprit de préalables.
Les enseignants doivent être
davantage formés aux techniques et dispositifs de médiation, de communication,
à condition qu’ils ne soient pas conçus comme remèdes miracles, mais
retravaillés dans des échanges de pratiques. La diffusion de “ ce qui
marche ” ici ou là est également nécessaire, non pour modéliser, mais pour
donner des idées. On sait davantage aujourd’hui ce qui produit des
“ effets-établissements ” positifs, mais ces travaux ne sont pas
assez connus.
Allons plus loin : la
prévention de la violence, la mise en place de bonnes conditions pour apprendre
(le but principal de l’école), cela passe par plus de démocratie dans l’École.
Pour certains, puisqu’il y a dissymétrie entre adultes et élèves, l’école ne
peut être un lieu de démocratie. Et pourtant, dans nos sociétés menacées par le
règne de la marchandise et le recul de l’action citoyenne, où donc
s’apprendrait cette si nécessaire conscience démocratique, sinon à
l’école ? Et cela commence par un exercice quotidien de cette démocratie (on s’y exerce et elle s’exerce). Les élèves ne sont pas des
“ citoyens ”, mais des apprentis-citoyens. Les responsabiliser est
parfois la seule manière de les impliquer, de faire qu’ils ne se sentent plus
extérieurs au cadre scolaire. La formule “ construire la règle ” avec
les élèves est sans doute ambiguë et prête à mauvaises interprétations (ce sont les élèves qui vont faire la loi..). Il
s’agit en fait de mettre en place une vraie réappropriation, qui est en quelque
sorte une reconstruction, en séparant ce qui est négociable de tout ce qui ne
l’est pas (les programmes, tout ce qui est dans la loi républicaine, etc.)
Construire une autorité démocratique reste un chantier à explorer, bien plus
intéressant que d’illusoires mouvements de menton…
À propos du
travail d’équipe :
Les élèves ont de plus en plus
de mal à faire les liens entre leurs différents apprentissages, à y mettre le
moindre sens. Les matières sont enseignées trop souvent de façon complètement
indépendante. Sans le dire on demande continuellement aux élèves de transférer
d’une matière à l’autre leurs apprentissages. On leur reprochera tantôt de ne
pas savoir prendre leurs notes, tantôt de ne pas savoir apprendre telle ou
telle leçon, alors que très souvent les enseignants ne mettent pas du tout les
mêmes choses sous les mêmes mots. Réinvestir un cours n’a pas toujours la même
signification ; d’autant que les mots employés n’ont pas le même sens dans
telle ou telle matière.
Le travail en équipe
pluridisciplinaire au sein d’une même classe, est un moyen de leur permettre de
faire ces liens. Un minimum d’accords communs entraîne un langage de même type
et des exigences de même nature : les élèves ne changent pas de planète à
chaque heure même si de toutes façons chacun agit avec sa personnalité. Une
manière commune de considérer “ l’erreur ” est indispensable à la
mise en confiance dans tout apprentissage ; encore faut-il se l’être
dit ?
L’objectif commun de toute
équipe est nécessairement la réussite la meilleure possible pour chaque
élève ; cet objectif peut recouvrir différentes formes et être centré sur
tel ou tel aspect de cette réussite, par exemple la capacité à relier, et aussi
à distinguer les différents types de raisonnements, les différentes manières
d’argumenter, dans les disciplines dites littéraires et dans les disciplines
dites scientifiques, la capacité à construire un exposé, la capacité à prendre
la parole, etc…
L’initiation à la démocratie
au sein d’une classe prend tout son sens quand l’ensemble des professeurs
associé au conseiller d’éducation participe à la “ vie de classe ”.
Les relations interpersonnelles s’en trouvent nécessairement modifiées. Dans ce
travail commun le rôle du conseiller d’éducation est primordial : pour les
élèves il est la personne de l’équipe qui n’a pas de rôle évaluateur.
Le travail en équipe
disciplinaire est plutôt un confort pour l’enseignant mais aussi un moyen pour
l’élève de savoir qu’il effectue le même travail que d’autres classes et que ce
qui lui est demandé n’est pas uniquement lié au professeur avec lequel il travaille.
Dans le second degré, il est
donc indispensable de donner de vrais moyens aux établissements : d’une
part des moyens horaires pour inclure dans les services des enseignants des
moments de concertation soit entre eux soit avec les élèves, le temps des uns
et des autres n’étant pas extensibles, d’autres des locaux adaptés où les
enseignants puissent se concerter.
a Références des Cahiers Pédagogiques
Ouvrage :
Apprendre et vivre la démocratie à l’école, sous la direction de
M.Amiel, R.Etienne et MC Presse, en
partenariat avec le CRDP d’Amiens
Dossiers :
Face à la violence, juin 1999,
n° 375 (avec Education & Devenir)
Existe-t-il une vie scolaire , juin 2003, n°415
Proposition 8
Nous
réaffirmons l’importance de la formation
professionnelle des enseignants. Nous défendons les IUFM qui
marquent le choix de la professionnalisation des enseignants à travers
notamment le mémoire professionnel, les analyses de pratiques…
Nous
souhaitons une articulation renforcée entre formation initiale et continue. La
formation continue doit accompagner les réformes et répondre aux besoins
identifiés des personnels.
Il faut
aussi remettre en chantier les modalités des concours de recrutement des
enseignants.
Chaque année, trente à quarante
mille stagiaires sont formés dans les IUFM et les établissements où ils sont en stage. Ils deviennent professeurs des
écoles, des collèges, des lycées, y compris professionnel et technologique, et
ce sont d’excellents professionnels, même si les débuts de carrière sont
souvent assez difficiles dans la mesure où ils se passent sur des postes
délaissés par leurs collègues plus anciens. Ce qui permet de déceler quelques
défauts réels de ce début de carrière à la française, défauts dont certains
n’ont rien à voir avec la formation des enseignants. La formation continue joue
un rôle de complément à la formation initiale mais permet aussi de faire face
aux évolutions rapides du métier et de ses conditions d’exercice.
En effet, l’effort de
formation porte essentiellement sur le métier d’enseignant : suffit-il de
savoir pour savoir enseigner ? Tout le monde sait bien, y compris les
ennemis déclarés de la pédagogie,
que non, mais la première protection, illusoire, du mandarin est sa culture
qu’il étale frénétiquement. Le souci des formateurs et des enseignants n’est
évidemment pas de développer l’art
d’apprendre à ignorer. Mais plutôt de se poser la question d’une réelle transmission des savoirs. Car il
est clair que, si éduquer est un métier impossible, ce qui était l’opinion
de Freud, la formation des enseignants initiale ou continue est aussi
indispensable que délicate à mettre en œuvre ! Elle s’appuie sur un
triptyque bien connu : une acquisition sans faille des connaissances (fini
le temps des impasses où il suffit
d’obtenir la moyenne pour avoir son diplôme), une compétence didactique (ou, si
l’on préfère, comment faire passer nos
connaissances) et un art de la conduite de la classe dans l’établissement
d’affectation (ce que l’on appelle, depuis la plus haute antiquité, la
pédagogie).
Ne pourrait-on, à l’instar de
ce qui se fait dans la majeure partie des pays développés, envisager de confier
à l’université la formation des enseignants ? Bien sûr, au Québec et à
Genève, pour ne donner que ces deux exemples, cette mission est confiée aux
facultés de sciences de l’éducation et ce n’est pas la catastrophe pour autant.
En France, la seule explication plausible d’une formation dans une institution
spécifique tient à l’héritage des
Écoles normales qui ont fourni bâtiments, bibliothèques et personnels rompus à
la formation des enseignants. Notre expérience actuelle nous conduit à
approuver le schéma proposé en 1989 : la collation des grades et des
diplômes devrait rester l’apanage de l’université alors que la préparation au
métier d’enseignement et l’accompagnement des débuts dans le métier méritent
une institution qui leur soit consacrée. On pourrait même introduire davantage
de recherche pratique et concrète dans la formation des
enseignants. C’est le chantier, entre autres, du mémoire professionnel que l’on peut rapprocher davantage de
la maîtrise et la présence obligatoire d’universitaires dans les jurys
permettrait d’aller vers un diplôme qui reconnaîtrait, enfin, aux enseignants
leur véritable niveau : bac + 5 (3 pour la licence et 2 pour la
préparation puis la formation liées au concours). Voilà un projet bien concret
de valorisation de la formation
des enseignants !
Enfin, il est un sujet qui
dérange mais qui hypothèque gravement la lecture des premières années d’enseignement.
C’est l’affectation des professeurs qui se fait systématiquement dans une
logique folle de barème fondé sur l’ancienneté : en France, vous pouvez
préparer le concours à Créteil, être formé à Montpellier et affecté à
Amiens ! Le bizutage des nouveaux
enseignants aboutit à leur donner ce qui reste, parfois provisoirement pour
quelques mois, une année au maximum, une fois le festin des titulaires servi.
Or, si l’on se forme sur le terrain et en centre de formation (c’est
l’alternance), il faut reconnaître qu’entre ce que découvre le stagiaire au
lycée Joffre de Montpellier et les classes de lycée professionnel de Gagny dont
il aura la responsabilité sur une durée d’au moins trois ans les transpositions
ne sont guère aisées. Voilà pourquoi il est indispensable de construire des
groupes de stagiaires du second degré cohérents et complémentaires qui
coopèrent entre eux et avec des équipes grâce à une base stable de conseillers
pédagogiques, véritables formateurs de terrain dont la formation devrait être
une des missions essentielles des IUFM. Cette belle logique partant du terrain,
qui a la faveur des stagiaires et de leurs tuteurs, a toujours été contredite
par les rentrées manteau d’Arlequin :
on affecte des stagiaires sur les trous à boucher et non en fonction des
besoins et ressources en formation. Il faut dire et souligner que les
stagiaires, du premier et du second degrés, sont devenus des pièces rapportées
qui cachent la grande misère de
notre système éducatif incapable de se réformer en fonction des besoins
d’éducation des élèves et de formation des professeurs, article premier de la
si décriée et méconnue loi d’orientation du 10 juillet 1989 : “ L’éducation est la première priorité nationale. Le
service public d’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des
étudiants. Il contribue à l’égalité des chances. ” La formation
n’est pas suffisamment prioritaire au cours des premières années d’exercice du
métier puisqu’on impose aux professeurs des postes délaissés par leurs
collègues.
Si l’on accorde à une Académie
moyenne comme celle de Montpellier six cents emplois de stagiaires pour le
premier degré et autant pour le second, des emplois pas trop difficiles (on a
vu des stagiaires exercer dans des classes de cinquième pré-orientées en quatrième
technologique !), qu’ils occuperont pendant les cinq premières années de
leur carrière, puisque nous savons que c’est le temps nécessaire pour
une formation efficace, nous améliorerons grandement la formation des
enseignants qui se professionnaliseront en exerçant le métier. Cela ne
mobiliserait qu’un dixième des postes. Si l’on y ajoute un réseau de
conseillers pédagogiques formés et rémunérés avec un contrat en bonne et due
forme, la formation devient une priorité réelle et servie par une méthode cohérente.
Il restera à la compléter en
reprenant des logiques de formation d’adultes fondées sur les critères et
exigences de la recherche appliquée à l’expérience professionnelle. La logique
de formation l’emportera alors sur la simple gestion des moyens d’enseignement. Enfin, il est
possible de revoir la formation avec les stagiaires, de l’inscrire dans
le début et le déroulement de leur carrière. Ce n’est pas vouloir faire
disparaître les avantages liés à un haut niveau académique qu’il y aura à
maintenir, voire à élever tout au long de la
vie. Ce n’est pas non plus chercher à faire disparaître les IUFM
mais mettre en place autre chose que des parlottes plus ou moins magistrales
pour traiter les attentes authentiques de jeunes collègues. Ils ne refusent pas
l’entrée dans le métier mais expriment un malaise persistant quant à leur
insertion dans des écoles et des établissements qui, plutôt de les voir défiler
année après année, ont tout intérêt à les intégrer dans leur projet de
développement.
Concernant la formation continue proprement dite,
celle-ci a été délaissée depuis plusieurs années. Elle doit être un des piliers
de la transformation du système, même si elle ne peut être confondue avec par
exemple le simple accompagnement des réformes. Elle concerne aussi bien le
domaine disciplinaire que le domaine transversal (qui ne se limite pas aux
questions de “ vie scolaire ”).Elle doit à la fois répondre aux besoins du terrain, mais aussi
permettre les nécessaires prises de recul
Les plans de formation d’établissement ne sont dans
bien des cas que des coquilles vides car ne sont pas mis en place des
dispositifs comme par exemple des correspondants formation dans chaque
établissement (ce ne peut être une charge de plus pour le chef
d’établissement), lesquels seraient en relation permanente avec des
correspondants départementaux chargés de les aider à définir les besoins.
Il faut parvenir à valoriser l’effort de formation
continue des personnels, en envisageant enfin de parvenir à un statut du
formateur à temps partagé.
a Références des Cahiers Pédagogiques
La formation des enseignants, n° 335 (juin 1995) et 338 (novembre
1995)
Notre métier, notre identité, n° 380, janvier 2000
Comment peut-on être conseiller
pédagogique,
n°390, janvier 2001
Les premiers pas dans l’enseignement, n° 418, novembre 2003
Dans l’Ecole
républicaine et démocratique qui doit être garante du vivre ensemble et de
l’apprentissage de savoirs fondés en raison, il faut défendre la laïcité.
Celle-ci n’est
pas seulement neutralité en matière religieuse, politique ou autre. Elle doit
garantir, dans l’espace public scolaire, la possibilité de débattre avec esprit
critique des grands problèmes de société, dans des formes respectueuses des
croyances et des opinions de chacun, avec une visée universaliste.
La laïcité de l’école
publique, puis celle de l’état ont été instaurées il y a plus d’un siècle dans
un contexte de lutte contre le cléricalisme catholique. Ce rappel nécessaire
doit être complété par le suivant : les lois et les institutions laïques
sont aujourd’hui presque généralement admises et la “ laïcité à la
française ” est une originalité de notre pays. Même la querelle séculaire
à propos de l’enseignement privé catholique semble apaisée dans la plupart des
régions.
Cependant la situation a
évolué.
- L’ignorance dans le domaine
religieux, aussi bien chez les élèves que chez beaucoup de
professeurs, est préoccupante, en termes de culture littéraire ou
artistique comme en termes de capacité au dialogue pacifique entre personnes se
réclamant des différents courants philosophiques, religieux et spirituels.
- L’Islam est devenu la
seconde religion de France, mais sa perception par l’opinion reste confuse,
parfois caricaturale, parfois plus ou moins hostile, ou polluée par la
situation en Palestine. Les agissements des islamistes, même s’ils ne sont le
fait que d’une petite minorité, orientent cette perception.
- A côté des religions
proprement dites, on assiste à une montée de l’irrationalisme, au développement, y compris dans des milieux cultivés, de
pratiques comme l’astrologie, la numérologie, la voyance, à l’implantation des
sectes, dont certaines sont des dangers pour la liberté, voire pour la santé
des citoyens qu’elles manipulent.
La laïcité est concernée, à
trois points de vue :
-
Politiquement,
sans que nous ayons à développer ici cet aspect : la laïcité est et doit rester
le refus d’une emprise des religions sur les institutions. Il importe, pour la
clarté des débats, de ne pas confondre les manifestations acceptables d’une
appartenance religieuse et les manipulations à fins politiques.
-
Culturellement :
le patrimoine philosophique, littéraire et artistique des différentes religions
fait partie du patrimoine de l’humanité et à ce titre l’enseignement doit
permettre aux jeunes d’entrer en contact avec lui, dans une perspective
universaliste d’enrichissement et de dialogue
au delà des particularismes.
-
Pédagogiquement :
l’école publique ne peut pas abandonner aux écoles confessionnelles ou aux églises et communautés religieuses la
tâche de transmettre ce patrimoine. Elle doit donner à tous un enseignement sur
les faits religieux. Mais cette tâche se heurte à plusieurs difficultés. Parmi
ces difficultés :
• quel consensus sur les contenus
d’un tel enseignement
• quels contenus et quelles méthodes
pour le différencier d’une instruction religieuse (ou d’une catéchèse) telle
que la donnent les religions
• comment ne privilégier aucune
religion tout en évitant une énumération qui pourrait être fastidieuse, comment
développer un intérêt sans exercer une pression
• quels enseignants, qui ne devront pas être les représentants
d‘un culte quelconque
• quelle ampleur, quelle
place dans les programmes et les cursus.
En préalable : Il y a besoin d’une information solide des
enseignants, de tous niveaux et de toutes disciplines, sur les religions, leur
histoire et leur présent, sur la laïcité, son histoire et sa portée, et d’une
réflexion approfondie sur la façon de développer l’esprit critique des élèves,
de les familiariser avec la pratique de débats qui respectent les croyances et
les opinions sans se réfugier dans une neutralité frileuse.
Cela implique qu’on ne
confonde pas la laïcité avec la neutralité. Loin de la fadeur de cette
neutralité, l’école doit mettre en avant l’engagement citoyen ; elle doit
le faire dans le respect de la diversité des opinions, du moins pour les
opinions qui s’inscrivent dans le cadre
de la démocratie et de la République.
Ces questions nouvelles sont
difficiles. Elles doivent être abordées de façon nuancée en raison même de
cette difficulté. Mais ceux qui sont attachés à la laïcité se doivent
aujourd’hui de les affronter pour ne pas laisser se développer un nouvel
obscurantisme et faire de l’école un lieu de débat citoyen.
Et la question du voile ?
Malgré la place qu’elle prend dans les media et les préoccupations, la laïcité
ne se réduit pas à cette question, qui
n’est d’ailleurs pas toujours bien posée. Il importe de ne pas confondre la manifestation banale
d’une croyance et une entreprise de prosélytisme. Il importe de distinguer dans
le débat ce qui touche à la religion musulmane et ce qui relève des démarches
de groupes islamistes, dont la motivation n’est pas seulement d’ordre
religieux. Les aspects inadmissibles de certaines de ces démarches, celles qui
touchent en particulier la liberté des femmes ou leur situation inférieure dans
la famille et dans la société, ne peuvent pas être gommés par de simples
dispositions réglementaires internes à l’école, encore moins par le rejet hors
de l’école publique ; c’est la société dans son ensemble (insertion,
urbanisme, emploi, …) qui doit prendre en charge ces questions. Mais l’école,
quant à elle, doit s’attaquer au problème difficile de l’acceptation par tous
les élèves de l’enseignement qu’elle dispense.
La nécessité de légiférer ou
non sur le port à l’école de signes manifestant une appartenance religieuse (en
laissant de côté la dimension ostentatoire ou non, qui serait source de
contentieux répétés) est en débat, avec des arguments de poids dans les deux
formules. Si le principe d’une loi est retenu, celle-ci ne saurait de toutes
façons dispenser d’un travail de persuasion avant tout recours aux sanctions
prévues. Par ailleurs, ceux qui sont hostiles à une loi ne sont pas pour autant
partisans du port du voile ni du prosélytisme qu’il manifeste dans certains
cas ; ils pensent seulement qu’une loi aurait des effets pervers,
contraires au but recherché.
Les militants pédagogiques,
qu’ils soient ou non partisans d’une loi, savent que l’exclusion est la pire
des solutions et qu’une loi ne
dispenserait pas d’un combat au quotidien pour une vraie laïcité, comprise et vécue
par tous.
a Références Cahiers Pédagogiques
Les
religions et l’école laïque, mars 1994, n°323
L’école et
la pluralité ethnique, décembre 2003, n° 419
Proposition
10
Il convient
de maintenir et renforcer l’aide publique apportée aux mouvements d’éducation populaire et aux mouvements pédagogiques.
Ceux-ci ne sont pas seulement utiles pour les élèves décrocheurs
(ateliers-relais), mais leur expérience servirait beaucoup l’école, si cette
dernière savait mieux utiliser leurs acquis et leurs compétences.
Les mouvements d’éducation
nouvelle, qu’ils soient directement engagés sur le terrain de l’école ou sur la
périphérie, apportent depuis longtemps un plus au service public de
l’éducation.
Il s’agit là d’énergies
militantes, d’enthousiasmes qu’il convient de soutenir (on ne peut prôner l’engagement
chez les jeunes sans le promouvoir quand il existe parmi les enseignants et
autres personnels). Les militants pédagogiques ne sont pas avares de leur temps
et sont un aiguillon indispensable. L’aide qui peut leur être donnée est à la
fois d’alléger leur emploi du temps afin qu’ils soient plus disponibles pour
les tâches pour lesquelles ils sont compétents et de faciliter leur travail
(formalités administratives par exemple).
Souvent ces mouvements ont
lancé des innovations reprises par le système. Qui peut nier que les programmes
de l’école primaire reprennent certaines idées développées par le mouvement
Freinet ? Des dispositifs nouveaux comme l’heure de vie de classe ou les
itinéraires de découverte sont largement inspirés d’expérimentations portées
par les mouvements. Actuellement, l’institution fait appel à ces mouvements
pour par exemple former les délégués-élèves, animer les ateliers relais…Il y a
peu, des universités d’été étaient confiées à ces mouvements, avec un
incontestable succès (bilans évaluatifs des participants très positifs,
diffusion d’outils suite à ces stages…) : l’expérience a été
malheureusement abandonnée récemment.
Puisque la compétence et le
professionnalisme sont reconnus dans ces domaines, pourquoi ne pas les utiliser
ailleurs ? Le CRAP-Cahiers Pédagogiques
a montré ses capacités à travailler en partenariat notamment avec le CNDP en
publiant des documents permettant l’accompagnement de réformes majeures (cf. le
livre-référence sur les TPE, entre autres) ; la revue est un puissant
diffuseur de “ bonnes pratiques ” : elle est largement utilisée
dans les IUFM notamment. Une aide plus conséquente permettrait d’accroître les
efforts de diffusion. L’atout d’un organe indépendant est de ne pas avoir une
image officielle et d’éviter les rejets de principe de certains dispositifs
parce qu’apparaissant “ venus d’en haut ”.
Sur des questions qui tournent
autour de l’autorité et de la prévention de la violence, l’expérience scolaire
et extra-scolaire des mouvements peut aussi être un atout, pas assez utilisé.
Les mouvements, en
contrepartie de cette aide, acceptent bien sûr de discuter des modalités
d’évaluation de leur action (qui ne doit cependant pas être à trop court
terme). Ils doivent combattre les tendances à “ donner des leçons ” et
à croire posséder les réponses. S’il convient de les présenter lors des
formations initiales, cela doit se faire de manière souple, sans qu’il y ait la
tentation de donner à voir des “ modèles ”. Le repli sur soi, le
maximalisme, le purisme, l’exaltation trop grande du secteur expérimental, les
réclamations excessives sont à rejeter au profit d’une coopération pas toujours
simple, avec l’institution.
a Références des Cahiers
Pédagogiques
La pédagogie
coopérative, n°
347, octobre 1996
L’éducation
toujours nouvelle,
n° 395, juin 2001
CRAP-Cahiers Pédagogiques
10 Rue Chevreul
75011 PARIS
Tel : 01 43 48 22 30
Fax : 01 43 48 53 21
E-mail :
crapcahierspedagogiques@wanadoo.fr
Site :
http://www.cahiers-pedagogiques.com
[1]
Si on en croit diverses recherches
rassemblées par Aletta Grisay voici quelques années. (Facteurs d’efficacité de
l’apprentissage, in “ Documenter, informer ”,
n°31, juin 1995.