Argumentaire pour les

dix propositions

du CRAP-Cahiers Pédagogiques

 

Proposition 1

La nation, en liaison étroite avec le monde enseignant, doit définir ce qu’elle attend des élèves en terme de connaissances et de compétences fondamentales à la fin de la scolarité obligatoire. Les capacités de lecture et d’écriture sont essentielles mais les fondamentaux, c’est aussi aujourd’hui, par exemple, savoir s’exprimer à l’oral, utiliser les nouvelles technologies, décoder les images, connaître les risques pour l’environnement…

C’est à travers le travail sur ces compétences que les activités scolaires prennent davantage de sens.

 

Argument 1 : des connaissances à réduire

Si l’on parle de socle commun ou de compétences de base on admet qu’un choix est à faire parmi les connaissances disponibles. On ne peut plus aujourd’hui raisonner par accumulation. Il faut faire un tri afin d’aboutir à un minimum de connaissances alors qu’on a eu tendance à superposer des couches successives de connaissances à acquérir. Ce tri devrait permettre d’aboutir à une granularité élémentaire et évolutive, qui ne peut être décidée une fois pour toutes ni de façon uniforme. D’autre part réduire propose une autre dimension à celle du tri et de l’élimination, celle de la synthèse. De quelle manière peut-on regrouper des connaissances ou bien choisir une connaissance comme exemplaire ?

 

Argument 2 : des critères à définir

La masse des connaissances s’accroît. On ne peut donc viser à l’exhaustivité, au contraire il faut chercher à les réduire autant que possible. Lesquelles sont-elles fondamentales ? Les connaissances de base ne peuvent se définir d’après une vision nostalgique de ce qu’on croit avoir appris lorsque nous étions nous-mêmes élèves. Elles restent donc à définir. Pour y parvenir il s’agit d’abord de s’entendre sur des critères :

-          des connaissances au service de la mise en place de compétences,

-          des connaissances comme représentatives d’un type de connaissances,

-          des connaissances indispensables à l’acquisition d’un type de savoir,

-          des connaissances nécessaires à la vie d’un citoyen éclairé et acteur dans la société.

 

Argument 3 : des disciplines à dépasser

Le lire, écrire et compter n’est plus suffisant face à la demande sociale mais aussi pour répondre aux besoins de culture de citoyens en devenir. Le partage des connaissances en disciplines scolaires, héritage historique et universitaire, est artificiel et a contribué à créer des groupes de pressions qui ont œuvré à la juxtaposition et à l’accumulation de connaissances. Il conviendrait de raisonner en termes de culture :

-          une culture sémiologique : une grammaire des signes qui permette de lire et produire des textes sous toutes leurs formes, des images, des médias, des langues étrangères ou tout système de signification,

-          une culture scientifique et technique : conduisant à la maîtrise des systèmes de logique, de la démarche scientifique, du langage mathématique, des technologies,

-          une culture humaine et sociale : en termes de philosophie, d’histoire, d’économie, de droit, ou de politique afin de construire le citoyen au sein de l’idéal démocratique,

-          une culture du corps, des sens et de la santé : permettant à chacun de se connaître et de respecter autrui, d’advenir à l’émotion artistique.

Ces cultures traversent les champs disciplinaires et ne peuvent être réservées ni à telle discipline ni à tel enseignant. Le dépassement des disciplines implique à la fois le renforcement du travail en équipes au sein des établissements et une ouverture de chaque enseignant au delà de sa discipline universitaire d’origine. En rupture avec nos habitudes de travail, il est nécessaire de mettre en place une politique éducative à la fois incitative à l’innovation pédagogique et ouverte aux expérimentations.

 

Argument 4 : des connaissances et des compétences à relier

En soi une connaissance ne sert à rien, et ne peut se contenter de constituer un savoir encyclopédiste. Elle doit servir à la prise de décision et à l’action de chacun à travers le développement de ses compétences. Le développement et la multiplication des compétences se requièrent des connaissances et contribuent à en créer de nouvelles. L’éducation apporte des connaissances premières à l’apprenant qui s’en nourrit et se les approprie, pour devenir un acteur autonome capable de rechercher, de solliciter, d’intégrer de nouvelles connaissances. Cette capacité à traiter les connaissances implique l’acquisition des compétences indispensables à la construction du savoir et de l’identité de chacun. Ces compétences devraient se trouver au cœur du socle commun à apporter aux élèves. Cependant elles doivent trouver leur support dans des connaissances appropriées et ne prennent sens qu’à travers l’exemplarité des connaissances qui les supportent.

 

Argument 5 : des compétences à rendre prioritaires

La priorité ne concerne donc pas les connaissances mais les compétences indispensables à tout citoyen cultivé, libre et actif. De la définition de ces compétences peuvent être déterminées les connaissances qui permettent de les élaborer et des acquérir.

 

Argument 6 : des domaines à approfondir

C’est de la conjonction entre une compétence et son corpus de connaissances, que peuvent être définis des domaines du savoir. Un savoir n’étant pas clos sur lui-même, mais ouvert sur de nouveaux savoirs, il est nécessaire de faire adopter une posture d’interrogation et de doute, un esprit critique. Il faut donc privilégier certains domaines à approfondir, c’est-à-dire à cultiver et à maîtriser suffisamment pour les mettre en question. Cette acquisition de la mise en question, ou de l’esprit critique, conduit à une mise en appétit pour développer sa propre culture, multiplier ses connaissances et accroître ses compétences.

 

Argument 7 : une pédagogie à rendre active

On ne peut atteindre les objectifs signalés ci-dessus dans le simple rapport transmissif de la pédagogie. Les élèves doivent apprendre à (se) construire (dans) leurs propres savoirs. Ils leur faut donc acquérir des comportements et des savoir-faire à travers des actions de recherche, d’interrogation, de construction et de mise en cause. Les enseignants doivent donc élaborer des démarches pédagogiques qui rendent actifs leurs élèves.

 

 

Argument 8 : un socle commun : pour quoi faire ?

Le socle commun ne vise donc pas un minimum de connaissances en soi, mais les connaissances nécessaires à la construction de compétences et à l’acquisition culturelle. Un élève sortant du collège doit donc avoir une vision non réductrice de ses savoirs. Quelle que soit la suite de son parcours, il détient les outils du citoyen responsable et autonome, capable de se définir face à la demande sociale et d’entrer de plain-pied dans le monde. S’il dispose des capacités pour poursuivre des études, il doit pouvoir le faire disposant d’une culture lui permettant de développer des champs de connaissances et de compétences spécialisés qu’il puisse relativiser, interroger et relier aux autres.

 

 

aRéférences Cahiers Pédagogiques

Les contenus d’enseignement, n° 298, novembre 1991

Esprit critique , es-tu là ? n°386, septembre  2000

Savoir, c’est pouvoir transférer, n° 408, novembre 2002

 

 

 


Proposition 2

Nous défendons l’idée d’un Collège pour tous, c’est-à-dire où tous les élèves sortant du collège doivent avoir acquis les mêmes  fondamentaux.  Cela implique une évolution des pratiques, encouragée par des dispositifs comme les IDD, l’heure de vie de classe, la pédagogie de projet… Tout élève doit avoir rencontré un aspect du monde et de la formation professionnels. La connaissance des métiers doit concerner tous les élèves dès le primaire ainsi que la connaissance des outils et des machines d’aujourd’hui.  Le brevet doit être transformé (évaluation de compétences disciplinaires, mais aussi transversales, évaluation de la présentation d’un travail poursuivi toute l’année, etc.)

 

Collège unique, collège pour tous, collège de la réussite de tous, etc. : quelle que soit l’expression retenue, il y a tension entre la nécessité d’une  individualisation et l’idée d’égalité  des chances, si du moins cette expression est entendue comme signifiant des structures et des contenus identiques pour tous dès l’entrée au collège. Si au contraire on entend que c’est l’égalité des chances à la sortie qu’il faut viser, on admet qu’elle soit recherchée à travers des structures différenciées et éventuellement  des rythmes différents.

La plupart  des élèves poursuivent désormais des études après le collège, et le collège doit les y préparer, en leur donnant les méthodes de travail  et en les aidant à s’orienter. Mais il faut prendre en compte les élèves qui manifestent à cet âge  une aversion, souvent temporaire, pour le travail scolaire traditionnel ; et donc prévoir des formules qui permettent provisoirement un autre mode de formation, comme par exemple l’apprentissage à temps total ou partiel. Pour ne pas être une orientation précoce et irréversible, ces formules doivent être assorties d’une possibilité de retour à la scolarité “ normale ”. Elles ne peuvent concerner qu’un petit nombre d’élèves et ne doivent pas être une manière de se dispenser d’une interrogation sur les manières de travailler au collège pour tous les élèves.

Le principal écueil serait est ici de se contenter d’une égalité simplement proclamée entre ces structures  ou formules. Si l’on veut vraiment  que la culture technologique soit égale en dignité (et en débouchés offerts) aux autres formes de culture, cela suppose des changements importants dans les pratiques d’évaluation et dans les critères d’orientation, pour que l’orientation vers les enseignements professionnels ou l’apprentissage ne soit plus en faut une relégation loin des enseignements généraux. Là encore, cela doit se marquer au niveau de la formation des professeurs qui, devraient tous, quelle que soit leur discipline, pouvoir se familiariser avec le monde de l’enseignement professionnel.

Le brevet des collèges actuel n’évalue pas sérieusement les compétences acquises par les élèves. L’existence d’une certification finale du collège est sans doute nécessaire, mais elle doit prendre des formes originales. A côté d’épreuves classiques, évaluant autant l’acquisition de méthodes que de connaissances, on doit envisager l’évaluation de compétences qui du coup seraient davantage travaillées au collège. Par exemple, la capacité à faire un court exposé devant un auditoire, présentant une réalisation individuelle ou collective. Ou à chercher, trier et hiérarchiser des documents (une compétence essentielle du citoyen du XXI ° siècle). Le B2I, les présentations de travaux en IDD sont de bons exemples de ce qui pourrait être fait

 

Complément (atelier des journées d’automne du CRAP)

La place de la voie professionnelle dans le socle commun

Il ne s’agit pas de mettre des options professionnelles ouvertes à tous, à côté du socle commun des fondamentaux , comme le propose la question 4 ; il s’agit de l’inclure dans les fondamentaux. Cette propension à mettre les connaissances professionnelles à côté du socle commun montre les résistances à reconnaître les compétences professionnelles  ( ex : dessiner un objet pour le fabriquer, programmer une machine, utiliser un outil, organiser son travail dans le temps et l’espace, s’inscrire dan un projet dont on est pas le seul acteur, repérer et aller rechercher des informations auprès d’autres, pour réaliser une tâche….). Il nous faudrait tous être bien conscient de la richesse, de la complexité des cultures professionnelles, qui ne peuvent s'illustrer par "savoir planter un clou", tout comme la culture générale ne peut l'être par "savoir lire Balzac".

Comment lutter contre la dépréciation de la voie professionnelle ? Il y a tant d'implicite dans notre société ! Quels indicateurs prendre pour comparer ? Les salaires ? Le plaisir que différents professionnels peuvent éprouver dans leur travail, (comme l'artisan d'art à l'extrême)? La relative liberté de gestion de son temps de l'agriculteur ou de l'artisan ?  La réussite des bacs pro et la disparition progressive de diplômés CAP, BEP, l’évolution de la complexité des métiers de l’industrie (machines à commande numérique…..) tend à montrer que l’objectif de l’école et de la société est de former des personnes qualifiées. On constate cependant que des jeunes sortent, encore, du LP pour devenir de simples exécutants dans l’entreprise.

Une des missions de l’école ne serait-elle pas, de faire en sorte que les élèves soient aussi formés pour rechercher ailleurs que dans leur travail la gratification dont tout être a besoin. Mais est-ce acceptable ? Peut-on se contenter de cela ?

a Références des Cahiers Pédagogiques

• Les lycées professionnels, n° 403, avril 2001

• Des pistes pour changer le collège, n°404, mai 2001


Proposition 3 :

Les programmes doivent être réorientés dans le sens de la mise en œuvre de compétences, parallèlement à l’acquisition des connaissances, en établissant des ponts disciplinaires. Il faut veiller à ce que certaines avancées, comme le programme de français à l’école primaire, ne soient pas remises en cause. Symétriquement, il faut (veiller à ce)  que les examens servent à certifier une réelle formation plutôt qu’à mesurer la soumission à des normes formelles dont la seule fonction est de sélectionner.

 

Quelle est la nature du savoir qui est transmis dans un cadre où l’on ne reconnaît à l’élève que des obligations et où l’on n’exige de lui que la soumission à des normes ? Peut-on transmettre de cette façon autre chose que des savoirs formels?

Est-ce que la demande de la nation qui attend de l’école qu’elle forme de futurs citoyens responsables est satisfaite par un fonctionnement qui privilégie des savoirs dont on se contente de mesurer l’acquisition sans mettre les élèves en situation de les utiliser? Quel besoin d’esprit critique s’il s’agit de restituer ce qui permet d’obtenir la note qui autorisera le passage dans la classe suivante et qui permettra de décrocher les diplômes?

 

À force de réclamer que l’école transmette un savoir minimum, on a peut-être parfois oublié que le plus important est la manière dont l’élève le reconstruit, qu’il s’agit davantage de. susciter des questions plutôt que de donner des réponses qui ne servent qu’à être répétées le jour de l’examen.

Et on a du coup transformé le savoir en marchandise et l’école en supermarché garni de savoirs jetables.

Il y a une relation à nouer ou renouer entre savoirs et formation. Les savoirs ne sont rien s’ils n’entrent pas en résonance avec d’autres savoirs, s’ils n’éveillent aucun écho dans l’expérience de l’élève ni dans la réalité qui l’entoure.  Ces savoirs sont des savoirs morts s’ils ne donnent aucune compétence et s’ils n’ont servi que de monnaie d’échange.

 

Le devoir de l’école, dont la mission est de former des citoyens ouverts sur leur environnement et sur la culture de leur époque, capables d’articuler connaissances et compétences, est de mettre les élèves en mesure de confronter leurs acquisitions scolaires et la complexité de la réalité qui les entoure. Cette réalité c’est la réalité socio-économique et culturelle qui fait l’identité d’une région, d’un territoire donné, c’est aussi la vie de l’établissement scolaire et de la classe

 

Pour cela, il faut que l’organisation de l’école mais aussi les méthodes d’apprentissage accordent aux élèves de véritables responsabilités afin que l’institution formatrice et l’objet même de leur formation ne leur soient pas complètement extérieurs.

Il est nécessaire à la fois que les élèves aient une prise sur leurs sujets d’étude, mais aussi que les programmes offrent un corpus de connaissances capable de donner un contenu à une véritable vision citoyenne du monde.

Dans cet esprit, l’école doit renoncer à la répétition de connaissances encyclopédiques dont l’empilement ne débouche sur aucune formation. Nous pensons que, sans renoncer aux spécificités disciplinaires et aux contraintes du savoir, l’école doit privilégier les démarches qui permettent de croiser les divers angles d’attaque de manière à permettre aux élèves de se mettre en quête de sens et en position de réunir les éléments de réponse aux questions qu’ils se posent.

Ainsi tout ce qui est une invitation à proposer une lecture personnelle et argumentée, une observation, une étude de cas nous semble à développer et à valoriser grâce à une évaluation et à une certification qui prendraient en compte le résultat d’une démarche plutôt que de mesurer une somme de connaissances et de savoir-faire inopérants.

C’est dans ce sens que vont les IDD, les TPE, etc.

C’est dans ce sens que le brevet et le bac devraient évoluer

Ainsi les productions personnelles et collectives réalisées au cours de l’année devraient constituer la partie la plus importante des travaux pris en compte pour la délivrance des diplômes.

 

a Références Cahiers Pédagogiques

Les examens, dossier du n°387, octobre 1999

Quelle pédagogie pour les lycées, n° 376-377, sept-oct 1997

Changer l’école primaire, n° 397-398, oct-nov 1999

Le collège , supplément 2000

 

 

 


Proposition 4

Nous devons défendre ardemment, au lycée, au collège des dispositifs  qui ont fait leur preuve (TPE, ECJS) ou qui les feront si on leur redonne plus d’importance (PPCP, IDD). Au lieu de les remettre en cause, il faut améliorer leur fonctionnement et étendre les TPE aux voies technologiques des lycées.

 

Ces dispositifs contiennent en germe l’espoir d’une autre manière de travailler et d’apprendre, pour sortir de l’alternative entre le “ cours sérieux ” et les activités récréatives sympathiques mais peu productives en termes de savoirs.

 Ils sont le prolongement d’une très ancienne tradition où on trouve en fait les grands principes de l’éducation nouvelle, mais aussi l’intégration d’exigences actuelles, ouvertes sur le futur du XXI° siècle.

Les élèves sont incités à être actifs, créatifs, et le professeur à être davantage un pilote, un guide pour mener à bien des travaux pas trop parcellisés, pas trop standardisés. Bien des enseignants déclarent qu’à cette occasion, ils ont eu plaisir à “ travailler autrement ”, à moins intervenir, à laisser du temps et de l’espace aux élèves. L’expression “ travailler autrement ” est discutable cependant, car elle laisse penser qu’il s’agit simplement de “ respirations ” provisoires au milieu d’une norme inchangée, alors que IDD, TPE et PPCP pourraient être le ferment, le levier vers d’autres pratiques, qui deviendraient les pratiques ordinaires.

                Mais ce qui semble particulièrement intéressant ici, c’est le développement de compétences essentielles pour l’avenir. Par exemple, savoir trouver des informations, et surtout les trier, savoir reconnaître leur validité ou travailler réellement l’oral. Dit-on suffisamment le scandale que constitue le fait que tant d’élèves sortent du collège sans être capables d’exposer pendant trois minutes, sans notes, une question étudiée auparavant ? Et bien des lycéens continuent à être dans ce cas-là.

Autre compétence : la capacité à parler de son travail (ou à écrire sur celui-ci), à travers notamment l’existence du carnet de bord. On commence à savoir que les activités de métacognition, de bilans, de retours réflexifs, sont des facteurs essentiels de la réussite scolaire[1] .

 

Par ailleurs, l’intérêt principal de ces nouveaux dispositifs est de ne pas séparer les efforts pour motiver les élèves, les rendre plus actifs et un travail de fond sur les contenus scolaires et sur la culture.
Dans le travail à deux, entre collègues, naît parfois un questionnement nouveau. Et dans ce contexte, des matières trop marginalisées comme la technologie au collège devraient pouvoir trouver une place importante.

 

Pour qui ?

                Reste l’objection : les IDD, voire les TPE seraient un luxe, alors même que les savoirs essentiels ne seraient pas maîtrisés. Certes, ils peuvent être facteurs d’exclusion si on ne tient pas compte des différences de rythmes, de capacités, de degré d’autonomie des élèves. Ils doivent s’inscrire dans le cadre d’une pédagogie différenciée visant à réduire les différences.  Dans de nombreux cas, les enseignants évoquent bien le cas d’élèves difficiles ou démotivés dans les cours classiques et s’appliquant, s’investissant dans l’IDD ou le TPE.

 

 

a Références :

Florence Castincaud et Jean-Michel Zakhartchouk, Croisements de disciplines au collège, CRDP d’Amiens et CRAP, 2002

Raoul Pantanella, Les TPE, vers une autre pédagogie, CRDP d’Amiens et CRAP, 2000

Elisabeth Bergé et Françoise Vuillequiez, accompagner les PPCP, CRDP d’Amiens et CRAP, 2003

Cahiers Pédagogiques, n°413-414, Pratiquer les IDD, les TPE, les PPCP, avril-mai 2003

 

 

 


Proposition 5

A l’école primaire comme au collège, il faut développer des alternatives au redoublement. Cela passe par la réactivation de la politique des cycles et la mise en place de formes souples de regroupements temporaires ou de pédagogies différenciées. Les Cahiers Pédagogiques ont publié là-dessus de nombreux textes  qui restent d’actualité.

 

Toutes les études internationales , on le sait, montrent l’inefficacité globale du redoublement. Certes, localement, ponctuellement, celui-ci peut s’avérer utile pour un élève particulier, mais ces cas sont mis en avant pour sauver un dispositif qui est coûteux à la fois financièrement et psychologiquement.
Bien entendu, il faut trouver des alternatives.

Dans le premier degré, elles passent par l’abandon d’une pression excessive qui fait qu’on voudrait que les enfants “ sachent  lire ” à Noël. La politique des cycles n’a jamais vraiment fonctionné, car elle nécessite la mise en place d’une pédagogie différenciée dont on ne parle plus guère dans les discours officiels. Pourquoi ce qui a pu exister, même si c’est sous des formes pas forcément exemplaires partout, dans les classes uniques, à savoir faire la classe avec des activités différentes selon les élèves, ne serait-il pas possible aujourd’hui ?

Il est vrai qu’on a abandonné ce qui pouvait se dessiner par exemple avec la Charte pour l’école du XXI° siècle (travail commun avec des chercheurs, réflexion sur l’utilisation des aides éducateurs, etc.). La solution du cours préparatoire allégé actuellement en vogue, peut être valable si et seulement si cela s’accompagne d’une formation au travail plus individualisé, ne se fait pas à la place de la politique des cycles, n’est pas isolé d’une réflexion globale au niveau de toutes les classes d’une école.

Dans le secondaire, la réflexion sur les formes de regroupements semble également en panne. Il faudrait en fait tirer parti de l’expérience, souvent relatée dans les Cahiers Pédagogiques , de groupements différenciés (groupes de besoins, monitorats, groupes à géométrie variable, regroupements par projets). Quand existent des moyens pour des regroupements par petits effectifs, trop souvent il n’y pas optimisation (faire la même chose à huit qu’à trente est une aberration et un gaspillage de l’argent des contribuables !)

Les dispositifs officiels changent souvent. Qu’en est-il des études dirigées en collège ? Laisser de l’autonomie aux établissements implique en contrepartie un pilotage, un accompagnement par l’institution. Or, à l’heure actuelle, c’est plutôt la cacophonie (voir par exemple les pratiques au lycée des modules et des heures d’aide individualisée).

Le travail fait dans les établissements novateurs (qu’ils soient ou non “ expérimentaux ”) doit être mieux connu. On ne peut que déplorer la mise à mort du conseil national de l’innovation qui aurait pu jouer un rôle essentiel de diffuseur de ces innovations (cela ne concerne pas que cette proposition d’ailleurs !)

 

a Références des Cahiers Pédagogiques

Le redoublement, n° 254-255, mai-juin 1987

Il n’y a pas que la classe, n°279, décembre 1989

Retours sur la pédagogie différenciée (supplément)

Les cycles à l’école primaire ,n° 321-322, février-mars 1994

 

 


Proposition 6 :

 

Il faut développer les pratiques culturelles des élèves à l’école en les reliant aux apprentissages.

Les efforts faits pour développer ces pratiques doivent être poursuivis et accentués en lien avec les partenaires les plus divers. Cela inclut aussi bien les arts que la culture technique et scientifique.

 

Trop souvent, les activités dites culturelles apparaissent, à l’école, comme un “ supplément d’âme ” et de plus on les limite au domaine artistique et littéraire. Il convient à la fois d’élargir la notion de culture et de mieux relier ces activités aux apprentissages.

Les activités culturelles créatrices permettent de donner plus de sens à ce qu’on apprend. Les élèves ne peuvent écrire des textes (contes, nouvelles, poèmes) sans se référer à des lectures, sans avoir recours aux outils de la langue. La création musicale implique l’écoute et le travail technique.

Mais, les activités culturelles ne peuvent d’autre part être menées par tous les élèves (pas seulement ceux qui sont motivés à l’avance ou ceux qui “ baignent ” déjà dans la culture) sans que le professeur mobilise toutes les ressources de la pédagogie (capacité à mener un travail en groupes où tous les élèves sont impliqués, partage des tâches, planification du travail, capacité à articuler projet et activités “ décrochées ”, etc.)

Il faut s’élever contre toute remise en cause par exemple des activités artistiques à l’école primaire sous prétexte que les “ fondamentaux ” passent avant. Autant il est important de réfléchir sur ces activités pour éviter d’en faire de simples moments récréatifs (la “ cerise sur le gâteau ”) ou d’exaltation spontanéiste de la “ créativité ” de l’enfant, autant il serait désastreux de ne pas poursuivre les efforts faits ces dernières années dans ce domaine.

Dans le secondaire, le développement d’ateliers scientifiques permettant l’émergence d’une culture véritable dans ce domaine doit être poursuivi. Encore une fois, cela ne doit pas se faire à la marge et ne concerner que les volontaires. Ces activités doivent avoir des effets sur la pratique de la classe. Un élève de classe scientifique doit posséder des éléments d’histoire des sciences et être amené à se poser des questions sur la place de la science dans la culture. De même, les activités culturelles doivent-elles être mises en relation avec l’évolution des techniques et impliquer la technologie au collège.

Les itinéraires de découverte et les TPE sont, là encore, des occasions de développement de cette culture multiforme.

Tant pis pour ceux qui ironisent tel cet homme politique clamant que l’école n’a pas à “ former de petits artistes ” (le problème n’est pas là). Il s’agit bien de faire jouer à l’enseignant un rôle de “ passeur culturel ” pour une vraie appropriation culturelle.

 

aRéférences  des Cahiers Pédagogiques :

Le monde de l’art et l’école, numéro 371, février 1999

Musique ! , n°394 mai 2001

Des grandes œuvres pour tous, n° 402, mars 2002

 

 


Proposition 7

Pour créer un climat propice aux apprentissages dans les établissements scolaires, et pour instaurer une autorité légitime, il faut développer tous les  moyens qui ont été expérimentés et qui ont fait leur preuve : travail en équipe, structures de médiation, instances de concertation et de démocratie, …

Invoquer le retour à l’ordre et à la discipline est simplificateur et dangereux.

 

Le ministère parle beaucoup de “ retour à l’autorité ”. Mais celui-ci est en fait illusoire si on considère cela comme un “ préalable ” et si on ne parvient pas à redéfinir ce que doit être l’autorité (le CRAP prépare un colloque sur ce sujet et un dossier des Cahiers Pédagogiques pour fin 2004) L’autorité de l’enseignant doit s’appuyer sur la responsabilisation des élèves, donc sur leur implication dans la vie de la classe et de l’établissement. Le “ rappel à l’ordre ” ne pourra être efficace sans cela, et sans le travail solidaire de tous les acteurs de l’établissement. Le travail d’équipe des enseignants , même minimal, est souvent le facteur décisif qui explique que tel ou tel établissement est moins touché par la violence et les incivilités (cf. les travaux de Debarbieux).

Il est irresponsable de faire croire aux jeunes enseignants que c’est à coup de slogans démagogiques (“ tolérance zéro ”), de paris impossibles (“ ne rien laisser passer ”) ou de mesures spectaculaires mais qui ne touchent pas l’essentiel (mettre plus d’enseignants au conseil de discipline par exemple), que l’on va régler quoique ce soit. On isole en faisant cela l’instauration de la Loi dans la classe de la mise au travail des élèves, alors que les deux sont liées, qu’il faut les mener de pair, sans esprit de préalables.

Les enseignants doivent être davantage formés aux techniques et dispositifs de médiation, de communication, à condition qu’ils ne soient pas conçus comme remèdes miracles, mais retravaillés dans des échanges de pratiques. La diffusion de “ ce qui marche ” ici ou là est également nécessaire, non pour modéliser, mais pour donner des idées. On sait davantage aujourd’hui ce qui produit des “ effets-établissements ” positifs, mais ces travaux ne sont pas assez connus.

Allons plus loin : la prévention de la violence, la mise en place de bonnes conditions pour apprendre (le but principal de l’école), cela passe par plus de démocratie dans l’École. Pour certains, puisqu’il y a dissymétrie entre adultes et élèves, l’école ne peut être un lieu de démocratie. Et pourtant, dans nos sociétés menacées par le règne de la marchandise et le recul de l’action citoyenne, où donc s’apprendrait cette si nécessaire conscience démocratique, sinon à l’école ? Et cela commence par un exercice quotidien de cette démocratie (on s’y exerce et elle s’exerce). Les élèves ne sont pas des “ citoyens ”, mais des apprentis-citoyens. Les responsabiliser est parfois la seule manière de les impliquer, de faire qu’ils ne se sentent plus extérieurs au cadre scolaire. La formule “ construire la règle ” avec les élèves est sans doute ambiguë et prête à mauvaises interprétations (ce sont les élèves qui vont faire la loi..). Il s’agit en fait de mettre en place une vraie réappropriation, qui est en quelque sorte une reconstruction, en séparant ce qui est négociable de tout ce qui ne l’est pas (les programmes, tout ce qui est dans la loi républicaine, etc.) Construire une autorité démocratique reste un chantier à explorer, bien plus intéressant que d’illusoires mouvements de menton…

 

À propos du travail d’équipe :

Les élèves ont de plus en plus de mal à faire les liens entre leurs différents apprentissages, à y mettre le moindre sens. Les matières sont enseignées trop souvent de façon complètement indépendante. Sans le dire on demande continuellement aux élèves de transférer d’une matière à l’autre leurs apprentissages. On leur reprochera tantôt de ne pas savoir prendre leurs notes, tantôt de ne pas savoir apprendre telle ou telle leçon, alors que très souvent les enseignants ne mettent pas du tout les mêmes choses sous les mêmes mots. Réinvestir un cours n’a pas toujours la même signification ; d’autant que les mots employés n’ont pas le même sens dans telle ou telle matière.

Le travail en équipe pluridisciplinaire au sein d’une même classe, est un moyen de leur permettre de faire ces liens. Un minimum d’accords communs entraîne un langage de même type et des exigences de même nature : les élèves ne changent pas de planète à chaque heure même si de toutes façons chacun agit avec sa personnalité. Une manière commune de considérer “ l’erreur ” est indispensable à la mise en confiance dans tout apprentissage ; encore faut-il se l’être dit ?

L’objectif commun de toute équipe est nécessairement la réussite la meilleure possible pour chaque élève ; cet objectif peut recouvrir différentes formes et être centré sur tel ou tel aspect de cette réussite, par exemple la capacité à relier, et aussi à distinguer les différents types de raisonnements, les différentes manières d’argumenter, dans les disciplines dites littéraires et dans les disciplines dites scientifiques, la capacité à construire un exposé, la capacité à prendre la parole, etc…

L’initiation à la démocratie au sein d’une classe prend tout son sens quand l’ensemble des professeurs associé au conseiller d’éducation participe à la “ vie de classe ”. Les relations interpersonnelles s’en trouvent nécessairement modifiées. Dans ce travail commun le rôle du conseiller d’éducation est primordial : pour les élèves il est la personne de l’équipe qui n’a pas de rôle évaluateur.

Le travail en équipe disciplinaire est plutôt un confort pour l’enseignant mais aussi un moyen pour l’élève de savoir qu’il effectue le même travail que d’autres classes et que ce qui lui est demandé n’est pas uniquement lié au professeur avec lequel il travaille.

Dans le second degré, il est donc indispensable de donner de vrais moyens aux établissements : d’une part des moyens horaires pour inclure dans les services des enseignants des moments de concertation soit entre eux soit avec les élèves, le temps des uns et des autres n’étant pas extensibles, d’autres des locaux adaptés où les enseignants puissent se concerter.

 

 

a Références des Cahiers Pédagogiques

Ouvrage : Apprendre et vivre la démocratie à l’école, sous la direction de M.Amiel, R.Etienne et MC Presse, en partenariat avec le CRDP d’Amiens

Dossiers :

Face à la violence, juin 1999, n° 375 (avec Education & Devenir)

Existe-t-il une vie scolaire , juin 2003, n°415

 


 

 Proposition 8

Nous réaffirmons l’importance de la formation professionnelle des enseignants. Nous défendons les IUFM qui marquent le choix de la professionnalisation des enseignants à travers notamment le mémoire professionnel, les analyses de pratiques…

Nous souhaitons une articulation renforcée entre formation initiale et continue. La formation continue doit accompagner les réformes et répondre aux besoins identifiés des personnels.

Il faut aussi remettre en chantier les modalités des concours de recrutement des enseignants.

 

Chaque année, trente à quarante mille stagiaires sont formés dans les IUFM et les établissements où ils sont en stage. Ils deviennent professeurs des écoles, des collèges, des lycées, y compris professionnel et technologique, et ce sont d’excellents professionnels, même si les débuts de carrière sont souvent assez difficiles dans la mesure où ils se passent sur des postes délaissés par leurs collègues plus anciens. Ce qui permet de déceler quelques défauts réels de ce début de carrière à la française, défauts dont certains n’ont rien à voir avec la formation des enseignants. La formation continue joue un rôle de complément à la formation initiale mais permet aussi de faire face aux évolutions rapides du métier et de ses conditions d’exercice.

En effet, l’effort de formation porte essentiellement sur le métier d’enseignant : suffit-il de savoir pour savoir enseigner ? Tout le monde sait bien, y compris les ennemis déclarés de la pédagogie, que non, mais la première protection, illusoire, du mandarin est sa culture qu’il étale frénétiquement. Le souci des formateurs et des enseignants n’est évidemment pas de développer l’art d’apprendre à ignorer. Mais plutôt de se poser la question d’une réelle transmission des savoirs. Car il est clair que, si éduquer est un métier impossible, ce qui était l’opinion de Freud, la formation des enseignants initiale ou continue est aussi indispensable que délicate à mettre en œuvre ! Elle s’appuie sur un triptyque bien connu : une acquisition sans faille des connaissances (fini le temps des impasses où il suffit d’obtenir la moyenne pour avoir son diplôme), une compétence didactique (ou, si l’on préfère, comment faire passer nos connaissances) et un art de la conduite de la classe dans l’établissement d’affectation (ce que l’on appelle, depuis la plus haute antiquité, la pédagogie).

Ne pourrait-on, à l’instar de ce qui se fait dans la majeure partie des pays développés, envisager de confier à l’université la formation des enseignants ? Bien sûr, au Québec et à Genève, pour ne donner que ces deux exemples, cette mission est confiée aux facultés de sciences de l’éducation et ce n’est pas la catastrophe pour autant. En France, la seule explication plausible d’une formation dans une institution spécifique tient à l’héritage des Écoles normales qui ont fourni bâtiments, bibliothèques et personnels rompus à la formation des enseignants. Notre expérience actuelle nous conduit à approuver le schéma proposé en 1989 : la collation des grades et des diplômes devrait rester l’apanage de l’université alors que la préparation au métier d’enseignement et l’accompagnement des débuts dans le métier méritent une institution qui leur soit consacrée. On pourrait même introduire davantage de recherche pratique et concrète dans la formation des enseignants. C’est le chantier, entre autres, du mémoire professionnel que l’on peut rapprocher davantage de la maîtrise et la présence obligatoire d’universitaires dans les jurys permettrait d’aller vers un diplôme qui reconnaîtrait, enfin, aux enseignants leur véritable niveau : bac + 5 (3 pour la licence et 2 pour la préparation puis la formation liées au concours). Voilà un projet bien concret de valorisation de la formation des enseignants !

Enfin, il est un sujet qui dérange mais qui hypothèque gravement la lecture des premières années d’enseignement. C’est l’affectation des professeurs qui se fait systématiquement dans une logique folle de barème fondé sur l’ancienneté : en France, vous pouvez préparer le concours à Créteil, être formé à Montpellier et affecté à Amiens ! Le bizutage des nouveaux enseignants aboutit à leur donner ce qui reste, parfois provisoirement pour quelques mois, une année au maximum, une fois le festin des titulaires servi. Or, si l’on se forme sur le terrain et en centre de formation (c’est l’alternance), il faut reconnaître qu’entre ce que découvre le stagiaire au lycée Joffre de Montpellier et les classes de lycée professionnel de Gagny dont il aura la responsabilité sur une durée d’au moins trois ans les transpositions ne sont guère aisées. Voilà pourquoi il est indispensable de construire des groupes de stagiaires du second degré cohérents et complémentaires qui coopèrent entre eux et avec des équipes grâce à une base stable de conseillers pédagogiques, véritables formateurs de terrain dont la formation devrait être une des missions essentielles des IUFM. Cette belle logique partant du terrain, qui a la faveur des stagiaires et de leurs tuteurs, a toujours été contredite par les rentrées manteau d’Arlequin : on affecte des stagiaires sur les trous à boucher et non en fonction des besoins et ressources en formation. Il faut dire et souligner que les stagiaires, du premier et du second degrés, sont devenus des pièces rapportées qui cachent la grande misère de notre système éducatif incapable de se réformer en fonction des besoins d’éducation des élèves et de formation des professeurs, article premier de la si décriée et méconnue loi d’orientation du 10 juillet 1989 : “ L’éducation est la première priorité nationale. Le service public d’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances. ” La formation n’est pas suffisamment prioritaire au cours des premières années d’exercice du métier puisqu’on impose aux professeurs des postes délaissés par leurs collègues.

Si l’on accorde à une Académie moyenne comme celle de Montpellier six cents emplois de stagiaires pour le premier degré et autant pour le second, des emplois pas trop difficiles (on a vu des stagiaires exercer dans des classes de cinquième pré-orientées en quatrième technologique !), qu’ils occuperont pendant les cinq premières années de leur carrière, puisque nous savons que c’est le temps nécessaire pour une formation efficace, nous améliorerons grandement la formation des enseignants qui se professionnaliseront en exerçant le métier. Cela ne mobiliserait qu’un dixième des postes. Si l’on y ajoute un réseau de conseillers pédagogiques formés et rémunérés avec un contrat en bonne et due forme, la formation devient une priorité réelle et servie par une méthode cohérente.

Il restera à la compléter en reprenant des logiques de formation d’adultes fondées sur les critères et exigences de la recherche appliquée à l’expérience professionnelle. La logique de formation l’emportera alors sur la simple gestion des moyens d’enseignement. Enfin, il est possible de revoir la formation avec les stagiaires, de l’inscrire dans le début et le déroulement de leur carrière. Ce n’est pas vouloir faire disparaître les avantages liés à un haut niveau académique qu’il y aura à maintenir, voire à élever tout au long de la vie. Ce n’est pas non plus chercher à faire disparaître les IUFM mais mettre en place autre chose que des parlottes plus ou moins magistrales pour traiter les attentes authentiques de jeunes collègues. Ils ne refusent pas l’entrée dans le métier mais expriment un malaise persistant quant à leur insertion dans des écoles et des établissements qui, plutôt de les voir défiler année après année, ont tout intérêt à les intégrer dans leur projet de développement.

Concernant la formation continue proprement dite, celle-ci a été délaissée depuis plusieurs années. Elle doit être un des piliers de la transformation du système, même si elle ne peut être confondue avec par exemple le simple accompagnement des réformes. Elle concerne aussi bien le domaine disciplinaire que le domaine transversal (qui ne se limite pas aux questions de “ vie scolaire ”).Elle doit à la fois  répondre aux besoins du terrain, mais aussi permettre les nécessaires prises de recul

Les plans de formation d’établissement ne sont dans bien des cas que des coquilles vides car ne sont pas mis en place des dispositifs comme par exemple des correspondants formation dans chaque établissement (ce ne peut être une charge de plus pour le chef d’établissement), lesquels seraient en relation permanente avec des correspondants départementaux chargés de les aider à définir les besoins.

Il faut parvenir à valoriser l’effort de formation continue des personnels, en envisageant enfin de parvenir à un statut du formateur à temps partagé.

 

a Références des Cahiers Pédagogiques

La formation des enseignants, n° 335 (juin 1995) et 338 (novembre 1995)

Notre métier, notre identité, n° 380, janvier 2000

Comment peut-on être conseiller pédagogique, n°390, janvier 2001

Les premiers pas dans l’enseignement, n° 418, novembre 2003

 

 

 


Proposition 9 

Dans l’Ecole républicaine et démocratique qui doit être garante du vivre ensemble et de l’apprentissage de savoirs fondés en raison, il faut défendre la laïcité.

Celle-ci n’est pas seulement neutralité en matière religieuse, politique ou autre. Elle doit garantir, dans l’espace public scolaire, la possibilité de débattre avec esprit critique des grands problèmes de société, dans des formes respectueuses des croyances et des opinions de chacun, avec une visée universaliste.

 

 

La laïcité de l’école publique, puis celle de l’état ont été instaurées il y a plus d’un siècle dans un contexte de lutte contre le cléricalisme catholique. Ce rappel nécessaire doit être complété par le suivant : les lois et les institutions laïques sont aujourd’hui presque généralement admises et la “ laïcité à la française ” est une originalité de notre pays. Même la querelle séculaire à propos de l’enseignement privé catholique semble apaisée dans la plupart des régions.

 

Cependant la situation a évolué.

- L’ignorance dans le domaine religieux, aussi bien chez les élèves que chez beaucoup de professeurs, est préoccupante, en termes de culture littéraire ou artistique comme en termes de capacité au dialogue pacifique entre personnes se réclamant des différents courants philosophiques, religieux et spirituels. 

- L’Islam est devenu la seconde religion de France, mais sa perception par l’opinion reste confuse, parfois caricaturale, parfois plus ou moins hostile, ou polluée par la situation en Palestine. Les agissements des islamistes, même s’ils ne sont le fait que d’une petite minorité, orientent cette perception.

- A côté des religions proprement dites, on assiste à une montée de l’irrationalisme, au développement,  y compris dans des milieux cultivés, de pratiques comme l’astrologie, la numérologie, la voyance, à l’implantation des sectes, dont certaines sont des dangers pour la liberté, voire pour la santé des citoyens qu’elles manipulent.

 

La laïcité est concernée, à trois points de vue :

-          Politiquement, sans que nous ayons à développer ici cet aspect : la laïcité est et doit rester le refus d’une emprise des religions sur les institutions. Il importe, pour la clarté des débats, de ne pas confondre les manifestations acceptables d’une appartenance religieuse et les manipulations à fins politiques.

-          Culturellement : le patrimoine philosophique, littéraire et artistique des différentes religions fait partie du patrimoine de l’humanité et à ce titre l’enseignement doit permettre aux jeunes d’entrer en contact avec lui, dans une perspective universaliste d’enrichissement et de dialogue  au delà des particularismes.

-          Pédagogiquement : l’école publique ne peut pas abandonner aux écoles confessionnelles ou  aux églises et communautés religieuses la tâche de transmettre ce patrimoine. Elle doit donner à tous un enseignement sur les faits religieux. Mais cette tâche se heurte à plusieurs difficultés. Parmi ces difficultés :

• quel consensus sur les contenus d’un tel enseignement

• quels contenus et quelles méthodes pour le différencier d’une instruction religieuse (ou d’une catéchèse) telle que la donnent les religions

• comment ne privilégier aucune religion tout en évitant une énumération qui pourrait être fastidieuse, comment développer un intérêt sans exercer une pression

• quels enseignants,  qui ne devront pas être les représentants d‘un culte quelconque

• quelle ampleur, quelle place dans les programmes et les cursus.

 

 

 

 

En préalable :  Il y a besoin d’une information solide des enseignants, de tous niveaux et de toutes disciplines, sur les religions, leur histoire et leur présent, sur la laïcité, son histoire et sa portée, et d’une réflexion approfondie sur la façon de développer l’esprit critique des élèves, de les familiariser avec la pratique de débats qui respectent les croyances et les opinions sans se réfugier dans une neutralité frileuse.

Cela implique qu’on ne confonde pas la laïcité avec la neutralité. Loin de la fadeur de cette neutralité, l’école doit mettre en avant l’engagement citoyen ; elle doit le faire dans le respect de la diversité des opinions, du moins pour les opinions qui s’inscrivent dans le cadre  de la démocratie et de la République.

Ces questions nouvelles sont difficiles. Elles doivent être abordées de façon nuancée en raison même de cette difficulté. Mais ceux qui sont attachés à la laïcité se doivent aujourd’hui de les affronter pour ne pas laisser se développer un nouvel obscurantisme et faire de l’école un lieu de débat citoyen.

 

Et la question du voile ? Malgré la place qu’elle prend dans les media et les préoccupations, la laïcité ne se réduit pas à cette question, qui  n’est d’ailleurs pas toujours bien posée. Il importe de   ne pas confondre la manifestation banale d’une croyance et une entreprise de prosélytisme. Il importe de distinguer dans le débat ce qui touche à la religion musulmane et ce qui relève des démarches de groupes islamistes, dont la motivation n’est pas seulement d’ordre religieux. Les aspects inadmissibles de certaines de ces démarches, celles qui touchent en particulier la liberté des femmes ou leur situation inférieure dans la famille et dans la société, ne peuvent pas être gommés par de simples dispositions réglementaires internes à l’école, encore moins par le rejet hors de l’école publique ; c’est la société dans son ensemble (insertion, urbanisme, emploi, …) qui doit prendre en charge ces questions. Mais l’école, quant à elle, doit s’attaquer au problème difficile de l’acceptation par tous les élèves de l’enseignement qu’elle dispense.

La nécessité de légiférer ou non sur le port à l’école de signes manifestant une appartenance religieuse (en laissant de côté la dimension ostentatoire ou non, qui serait source de contentieux répétés) est en débat, avec des arguments de poids dans les deux formules. Si le principe d’une loi est retenu, celle-ci ne saurait de toutes façons dispenser d’un travail de persuasion avant tout recours aux sanctions prévues. Par ailleurs, ceux qui sont hostiles à une loi ne sont pas pour autant partisans du port du voile ni du prosélytisme qu’il manifeste dans certains cas ; ils pensent seulement qu’une loi aurait des effets pervers, contraires au but recherché.

Les militants pédagogiques, qu’ils soient ou non partisans d’une loi, savent que l’exclusion est la pire des solutions  et qu’une loi ne dispenserait pas d’un combat au quotidien pour une vraie laïcité, comprise et vécue par tous.

 

a Références Cahiers Pédagogiques

Les religions et l’école laïque, mars 1994, n°323

L’école et la pluralité ethnique, décembre 2003, n° 419

 

 


 

Proposition 10

Il convient de maintenir et renforcer l’aide publique apportée aux mouvements d’éducation populaire et aux mouvements pédagogiques. Ceux-ci ne sont pas seulement utiles pour les élèves décrocheurs (ateliers-relais), mais leur expérience servirait beaucoup l’école, si cette dernière savait mieux utiliser leurs acquis et leurs compétences.

 

Les mouvements d’éducation nouvelle, qu’ils soient directement engagés sur le terrain de l’école ou sur la périphérie, apportent depuis longtemps un plus au service public de l’éducation.

Il s’agit là d’énergies militantes, d’enthousiasmes qu’il convient de soutenir (on ne peut prôner l’engagement chez les jeunes sans le promouvoir quand il existe parmi les enseignants et autres personnels). Les militants pédagogiques ne sont pas avares de leur temps et sont un aiguillon indispensable. L’aide qui peut leur être donnée est à la fois d’alléger leur emploi du temps afin qu’ils soient plus disponibles pour les tâches pour lesquelles ils sont compétents et de faciliter leur travail (formalités administratives par exemple).

Souvent ces mouvements ont lancé des innovations reprises par le système. Qui peut nier que les programmes de l’école primaire reprennent certaines idées développées par le mouvement Freinet ? Des dispositifs nouveaux comme l’heure de vie de classe ou les itinéraires de découverte sont largement inspirés d’expérimentations portées par les mouvements. Actuellement, l’institution fait appel à ces mouvements pour par exemple former les délégués-élèves, animer les ateliers relais…Il y a peu, des universités d’été étaient confiées à ces mouvements, avec un incontestable succès (bilans évaluatifs des participants très positifs, diffusion d’outils suite à ces stages…) : l’expérience a été malheureusement abandonnée récemment.

Puisque la compétence et le professionnalisme sont reconnus dans ces domaines, pourquoi ne pas les utiliser ailleurs ? Le CRAP-Cahiers Pédagogiques a montré ses capacités à travailler en partenariat notamment avec le CNDP en publiant des documents permettant l’accompagnement de réformes majeures (cf. le livre-référence sur les TPE, entre autres) ; la revue est un puissant diffuseur de “ bonnes pratiques ” : elle est largement utilisée dans les IUFM notamment. Une aide plus conséquente permettrait d’accroître les efforts de diffusion. L’atout d’un organe indépendant est de ne pas avoir une image officielle et d’éviter les rejets de principe de certains dispositifs parce qu’apparaissant “ venus d’en haut ”.

Sur des questions qui tournent autour de l’autorité et de la prévention de la violence, l’expérience scolaire et extra-scolaire des mouvements peut aussi être un atout, pas assez utilisé.

 

Les mouvements, en contrepartie de cette aide, acceptent bien sûr de discuter des modalités d’évaluation de leur action (qui ne doit cependant pas être à trop court terme). Ils doivent combattre les tendances à “ donner des leçons ” et à croire posséder les réponses. S’il convient de les présenter lors des formations initiales, cela doit se faire de manière souple, sans qu’il y ait la tentation de donner à voir des “ modèles ”. Le repli sur soi, le maximalisme, le purisme, l’exaltation trop grande du secteur expérimental, les réclamations excessives sont à rejeter au profit d’une coopération pas toujours simple, avec l’institution.

 

a Références des Cahiers Pédagogiques

La pédagogie coopérative, n° 347, octobre 1996

L’éducation toujours nouvelle, n° 395, juin 2001

 

 

 

 

 

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Site : http://www.cahiers-pedagogiques.com

 

 

 



[1] Si on en croit diverses recherches rassemblées par Aletta Grisay voici quelques années. (Facteurs d’efficacité de  l’apprentissage, in  “ Documenter, informer ”, n°31, juin 1995.