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Association Générale des Instituteurs et Institutrices d'Écoles Maternelles

Association Générale des Instituteurs et Institutrices

d’Écoles Maternelles

A. G. I. E. M.

Congrès National de Clermont-Ferrand

Mercredi 3 Juillet 1996

Conférence de clôture

Bernard Defrance - Philosophe

“ Parents, enseignants, Ă©cole â€ť [1]

 

Il y a des rĂ©flexions actuellement sur les rythmes scolaires et je me dis depuis ce matin… enfin je veux simplement dire que la succession de trois interventions, c’est un peu… on ne prend pas beaucoup de rĂ©crĂ©ations chez vous ! Bon ! Et l’avantage de parler le dernier c’est qu’on n’a pas besoin de rĂ©pĂ©ter tout ce qui a Ă©tĂ© dit auparavant et ça permet de raccourcir un tout petit peu le propos, mais forcĂ©ment c’est un propos qui va ĂŞtre frustrant, très concentrĂ©, un peu ramassĂ©, un peu violent mĂŞme d’une certaine manière Ă  cause de la brièvetĂ© du temps. Autrement dit ce sont plutĂ´t des questions que je vais essayer de formuler, c’est un champ de travail qui s’ouvre plutĂ´t que des rĂ©ponses dĂ©finitives, notamment Ă  la question que vous venez de rappeler : quelles relations entre les parents et l’école maternelle aujourd’hui ?

Mon expĂ©rience, pas seulement de professeur de philosophie, pas seulement de formateur d’enseignants dans le cadre des dispositifs Mafpen [2], mais aussi de militant associatif dans un certain nombre de quartiers dits “ sensibles â€ť de la Seine-St-Denis, lĂ  oĂą j’habite depuis une trentaine d’annĂ©es maintenant, m’a conduit Ă  en effet Ă  pouvoir commencer, commencer seulement, Ă  entrevoir les difficultĂ©s, les inquiĂ©tudes, les angoisses que les parents peuvent ressentir quant Ă  l’avenir de leurs enfants. J’ai, dans mes classes, de jeunes adultes qui ont dix-huit ans en moyenne et qui formulent eux aussi des inquiĂ©tudes et des angoisses par rapport Ă  l’avenir qui les attend. Nous avons affaire aujourd’hui Ă  des jeunes dans les collèges, dans les lycĂ©es, qui ne savent pas si l’avenir qui les attend sera simplement viable.

Nous avons vĂ©cu jusqu’à prĂ©sent sur l’idĂ©e qu’un progrès indĂ©fini permettrait aux gĂ©nĂ©rations suivantes de vivre mieux que les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes. Cette idĂ©e-lĂ  s’est effondrĂ©e au cours du XXe siècle ; et c’est Ă  cette difficultĂ©-lĂ  que les jeunes vont avoir Ă  s’affronter dans le siècle qui vient. Alors l’angoisse des parents aujourd’hui, c’est de se sĂ©parer des enfants, et quelquefois ils affrontent cette angoisse en adoptant des comportements qui ne facilitent pas prĂ©cisĂ©ment cette sĂ©paration : “ educere â€ť, en latin, ça veut dire “ conduire hors de… â€ť, hors du cercle familial prĂ©cisĂ©ment, hors du cercle communautaire, et ce travail de sĂ©paration de ce qui est sa propre chair ne va pas sans angoisse, sans inquiĂ©tude. Et quelquefois chez les parents, devant la difficultĂ© Ă  s’affronter Ă  cette tâche de sĂ©paration de son propre enfant, eh bien on peut avoir l’impression qu’un certain nombre d’entre eux “ s’en dĂ©barrassent â€ť, ce qui conduit un certain nombre d’entre nous Ă  parler, d’une manière un peu rapide me semble-t-il, de dĂ©mission des parents.

Je discutais, il y a quelques jours avec une institutrice d’école maternelle qui me disait qu’effectivement elle avait l’impression d’être amenĂ©e Ă  faire, non pas simplement un travail de socialisation, d’apprentissage du “ vivre ensemble â€ť, mais un travail d’humanisation. Étant donnĂ© ce que vivent les enfants, Ă©tant donnĂ©e la situation vĂ©cue par les familles dans certains contextes Ă©conomiques, urbains, sociaux et politiques, j’ai tendance Ă  penser – et lĂ  je reprends une mĂ©taphore d’Adil Jazouli [3] â€“ que les parents ne dĂ©missionnent pas en rĂ©alitĂ©, dans certains quartiers, ils ont Ă©tĂ© licenciĂ©s. Et dĂ©missionner ou ĂŞtre licenciĂ©, ce n’est pas la mĂŞme chose. Peut-ĂŞtre les parents ont-ils vis-Ă -vis de l’école, des attentes dĂ©mesurĂ©es et des inquiĂ©tudes qui peuvent se traduire parfois d’ailleurs, dans leurs comportements, en agressivitĂ©, mais plus souvent, me semble-t-il, en rĂ©signation, au fur et Ă  mesure que leur enfant grandit, atteint l’âge de 7, 8 ans, 10 ans, 12 ans, 15 ans et que la lecture des bulletins scolaires ne les rassure pas quant Ă  l’avenir qui les attend.

En effet, il y a un certain nombre de conditions d’existence aujourd’hui faites aux familles – je dis lĂ  les choses d’une manière un peu rapide, un peu caricaturale, il faudrait entrer dans beaucoup de dĂ©tails â€“ qui aboutissent Ă  des rĂ©sultats inquiĂ©tants sur les enfants dont nous avons la responsabilitĂ©, et peut ĂŞtre ce qui se passe dans ces quartiers prĂ©figure ce qui risque, si nous n’y prenons garde, de se produire dans l’avenir partout ailleurs. [4]

Je crois qu’il y a d’abord une difficulté considérable du rapport au temps. Je travaille, dans le cadre d’une association de défense des droits des habitants en matière de logement, consommation, etc., dans des quartiers où les enfants sont souvent les seuls à se lever le matin pour aller travailler. Il peut y avoir alors une difficulté considérable de construction du rapport au temps, et on en voit les effets par exemple plus tard, quand ils ont 18 ou 20 ans et qu’ils font des stages d’insertion ou autres, et où ils échouent, tout simplement parce que le jeune a des difficultés considérables à se lever le matin.

Il y a aussi une destruction du rapport Ă  l’espace mĂŞme : un Ă©crasement des espaces vitaux ; j’ai un Ă©lève, David, qui me raconte tout simplement que lorsqu’il travaille le soir dans sa chambre – et ce n’est pas une citĂ© particulièrement dĂ©gradĂ©e, c’est dans les HLM de Coulommiers, Coulommiers ce n’est pas vraiment une ville dont on entend parler dans les mĂ©dias â€“ dans les HLM de Coulommiers donc, quand il travaille dans sa chambre seul le soir, il peut savoir dans l’appartement d’à cĂ´tĂ© si c’est un homme ou une femme qui est en train de pisser : ça ne fait pas le mĂŞme bruit ! Écrasement des espaces. Collectivisation forcĂ©e de ce qui devrait relever de l’intimitĂ© familiale et personnelle, il n’y a rien de plus intime me semble-t-il que de faire pipi, mais enfin bon… voilĂ  ! Et impossibilitĂ© de conduire des activitĂ©s qui, elles, pourraient peut-ĂŞtre donner lieu Ă  rencontres, Ă  coopĂ©ration. DifficultĂ©s considĂ©rables, dues au manque d’espaces pour les activitĂ©s collectives, associatives, aux espaces de transition entre le privĂ© et le public.

Il peut y avoir aussi une destruction du rapport Ă  l’argent, du rapport Ă©conomique. Il y a des familles oĂą les seules ressources sont les allocations familiales. Il y a entre cinq Ă  six millions de mĂ©nages qui, en France, vivent avec 2 000 francs par mois. Les allocations familiales, c’est ce qui permet Ă  l’enfant Ă  partir de 12, 13 ans de dire Ă  ses parents : « Ă‰coutez, m’emmerdez pas  â€“ pour utiliser les expressions un peu grossières qu’ils utilisent â€“ parce que sinon je sèche l’école, on vous sucre les allocs et comment vous payez le loyer ? Â» Voyez lĂ  une vĂ©ritable inversion de la structure Ă©conomique de la famille, des rapports d’autoritĂ©, le chantage…

Et donc, il y a aussi destruction du rapport Ă  la loi ; et ça va ĂŞtre l’essentiel de mon propos, cette question de la construction – ou de la destruction â€“ du rapport Ă  la loi. Depuis vingt ans maintenant, je tiens une permanence hebdomadaire dans la citĂ© des Bosquets Ă  Montfermeil, – ce n’est pas n’importe oĂą et on peut se demander, petite parenthèse au passage, si Montfermeil fait toujours partie du territoire de la RĂ©publique Française puisque nous venons seulement de rĂ©ussir Ă  faire scolariser le 43ème enfant qui depuis le dĂ©but de l’annĂ©e Ă©tait privĂ© d’école sur dĂ©cision du Maire, qui est devenu dĂ©putĂ© puisque celui dont il Ă©tait le supplĂ©ant est devenu ministre… et qu’apparemment dans cette commune les lois de la RĂ©publique ne s’appliquent pas â€“ dans cette citĂ© donc je peux constater qu’en effet le rapport Ă  la loi est un peu dĂ©gradĂ©, pour dire les choses modestement. Pour un enfant qui est nĂ© dans cette citĂ© et qui, depuis sa naissance, voit sa mère monter quatre fois par jour les six Ă©tages sans ascenseur, parce que mĂŞme quand il marche on ne le prend pas parce qu’on a trop peur d’être coincĂ© dedans et d’attendre que les pompiers viennent vous dĂ©livrer (Ă  condition que la voiture des pompiers ne se fasse pas “ caillasser â€ť en arrivant – Ă§a m’est arrivĂ© d’être coincĂ© dans un ascenseur, et donc je monte Ă  pied moi aussi –), ce gamin donc qui depuis sa naissance voit sa mère monter et descendre quatre fois par jour avec les courses et qui, parce qu’il a appris Ă  lire et Ă  compter grâce Ă  l’école, depuis qu’il fait la traduction pour ses parents, constate sur la quittance de loyer 80 ou 120 francs de charges mensuelles pour le fonctionnement de ces ascenseurs, il ne peut pas, arrivĂ© Ă  dix-huit ans, avoir le mĂŞme rapport Ă  la loi que vous et moi.

Nous nous focalisons souvent sur les questions du pĂ©nal, on dit : « Il faut rĂ©tablir la loi dans les citĂ©s Â», oĂą la police nous dit-on ne pĂ©nètre plus, oĂą l’économie souterraine des bizness, de la drogue, des trafics divers permet Ă  ces quartiers de survivre. Mais je demande aussi qu’on la rĂ©tablisse non pas seulement du point de vue pĂ©nal mais Ă©galement en ce qui concerne le civil. Et que s’il s’agit de rĂ©tablir la loi, il faut alors contrĂ´ler les comptes du syndic qui par exemple, depuis trente ans, gère la citĂ© des Bosquets Ă  Montfermeil, le cabinet Letellier, 176 rue de Rivoli Ă  Paris (applaudissements). Et tant que ces conditions ne sont pas rĂ©alisĂ©es, effectivement les enfants que nous aurons devant nous dans les classes, s’ils ignorent tout des subtilitĂ©s des distinctions entre sommation de payer et commandement de payer, s’ils ignorent tout des subtilitĂ©s des distinctions entre provisions pour charges et charges rĂ©elles, ces enfants seront cependant marquĂ©s par ces conditions sociales et Ă©conomiques qu’ils subissent, de mĂŞme que leurs parents, et donc seuls les naĂŻfs peuvent s’étonner des rĂ©sultats que ça peut produire dans un certain nombre d’endroits, parce que les jeunes se rĂ©signent moins facilement que les adultes.

Destruction du rapport au temps, Ă  l’espace, Ă  l’argent, Ă  la loi ; du rapport au travail aussi, puisqu’on ne voit pas d’adultes travailler et que entre les jeunes, 18-25 ans, les interactions sont extrĂŞmement destructrices : « Ah ! Tu as fait deux annĂ©es d’études supĂ©rieures et maintenant tu livres des pizzas… Â» On nous dit que dans ces citĂ©s, il y a par exemple 40 % de chĂ´mage ce qui veut dire qu’il y a 60 % de gens qui travaillent ; mais ces 60 % de gens qui travaillent, ce sont des stages, des intĂ©rims, des livraisons de pizzas pour ceux qui ont une licence de ceci ou de cela. C’est, lorsqu’on s’appelle Ahmed et que l’on cherche une place de comptable avec son BEP de comptabilitĂ©, s’entendre vingt, trente fois, cinquante fois, rĂ©pondre : « Vous vous appelez comment ?… Vous habitez oĂą ?… Ah ! la place est prise Â», ou : « On vous Ă©crira… Â»

Et puis enfin dernière destruction : destruction du rapport aux images. La sidĂ©ration et la fascination devant les images prĂ©sentĂ©es par les mĂ©dias qui provoquent en effet chez les enfants ce qu’on appelle la sidĂ©ration [5]. Et la “ dĂ©-sidĂ©ration â€ť, c’est-Ă -dire la construction du dĂ©sir, c’est peut-ĂŞtre en effet une des premières tâches de l’école.

 

Alors face Ă  cette situation je pense qu’il est possible de construire des rĂ©ponses et peut-ĂŞtre que, en partie et pas seulement elle, l’école a lĂ -dessus une certaine responsabilitĂ©. Et peut-ĂŞtre que la responsabilitĂ© de l’école consisterait Ă  faire mentir le romancier amĂ©ricain Russell Banks qui, dans un roman [6], fait parler diffĂ©rents personnages d’une petite ville du nord-est des États-Unis oĂą un car de ramassage scolaire a eu un accident et plus de la moitiĂ© des enfants de ce village sont morts. Et un avocat se propose pour dĂ©fendre les intĂ©rĂŞts des familles dans les Ă©ventuelles procĂ©dures judiciaires qui finalement n’auront pas lieu. Et Russell Banks le fait parler et, entre autres choses, cet avocat dit ceci :

« D’ailleurs les gens de Sam Dent (c’est le nom du village), ne sont pas uniques. Nous avons tous perdu nos enfants. Pour nous c’est comme si tous les enfants d’AmĂ©rique Ă©taient morts. Regardez les, bon Dieu – violents dans les rues, comateux dans les centres commerciaux, hypnotisĂ©s devant la tĂ©lĂ©. Dans le courant de mon existence, il s’est passĂ© quelque chose de terrible qui nous a ravi nos enfants. J’ignore si c’est la guerre du Vietnam, la colonisation sexuelle des gosses par l’industrie [7] ou la drogue ou la tĂ©lĂ© ou le divorce ou le diable sait quoi. J’ignore quelles sont les causes et quels sont les effets ; mais les enfants ont disparu, ça je le sais. Alors essayer de les protĂ©ger, ce n’est guère qu’un exercice complexe de refus. Â»

Et Russell Banks ajoute : « Il est trop tard. Â» Peut-ĂŞtre la fonction de l’école est-elle prĂ©cisĂ©ment d’essayer de le faire mentir quand il dit que c’est trop tard, que c’est prĂ©cisĂ©ment cet exercice complexe de refus qu’il s’agit de voir comment on pourrait essayer de le mettre en Ĺ“uvre. Nous pouvons essayer de construire les moyens de ne pas en arriver Ă  la situation que connaissent dĂ©jĂ  les États-Unis et un certain nombre d’autres pays.

L’école a une fonction de rĂ©sistance, parce que c’est parfois, dans ces citĂ©s notamment et dans ces quartiers dĂ©gradĂ©s, le seul lieu oĂą les enfants peuvent dĂ©couvrir que des rapports humains, simplement humains, structurĂ©s par un contrat social sont possibles, ne sont pas de l’ordre de l’utopie : des centaines, des milliers d’enseignants dans leurs classes construisent cette sociĂ©tĂ© dans le prĂ©sent [8] et pas seulement pour l’avenir de leurs enfants et ainsi les arment pour affronter un certain nombre de questions.

L’enjeu de l’école, c’est la genèse du sujet, c’est la genèse de la raison, la construction des savoirs, c’est la genèse de la liberté c’est-à-dire la construction de la loi et la capacité d’articuler ses pouvoirs et ses libertés avec celles des autres. Vivre ensemble, c’est cela que ça signifie.

Alors il faut en revenir aux trois missions fondamentales de l’école : l’instruction, la formation, l’éducation.

L’instruction : former des gens aussi savants, aussi cultivĂ©s que possible.

La formation : former des individus aptes Ă  comprendre les exigences de l’insertion professionnelle et sociale.

Et enfin l’éducation : former des individus aptes Ă  vivre ensemble.

Simplement, je crois qu’il faut rappeler d’une manière prĂ©cise que la rĂ©alisation des deux premières fonctions d’instruction et de formation, d’un point de vue juridique d’une certaine manière, n’est pas nĂ©cessaire, au sens juridique de l’adjectif : je ne vais pas en prison parce que je suis analphabète ou ignorant, ou parce que je suis chĂ´meur. Et donc, dans ces deux premières missions de l’école, nous avons affaire Ă  une tâche infinie, inachevĂ©e, la symphonie n’est pas seulement inachevĂ©e, elle est inachevable. Si les enfants entrent Ă  l’école, ils entrent dans une sociĂ©tĂ©, dans un lieu social oĂą ils peuvent dĂ©couvrir qu’ils ont droit Ă  l’erreur, qu’ils ont le droit, au sens juridique de l’expression, d’être ignorants. S’il n’y a pas une reconnaissance de ce droit Ă  l’ignorance, il ne peut pas y avoir d’apprentissage. Je suis, lorsque j’entre Ă  l’école, ignorant des savoirs et de la loi. Et c’est donc tout le travail de construction des savoirs et de la loi dans leur articulation qui est l’enjeu principal de ce qui se passe dans l’école.

En revanche, la troisième mission, l’éducation, sa rĂ©alisation n’est plus du tout facultative, l’accès Ă  la citoyennetĂ© n’est pas du tout facultatif et, Ă  partir de 18 ans, celui qui prĂ©tendrait vivre en ignorant les lois qui nous permettent de vivre ensemble sans violence se verrait, sous des manières variĂ©es et diverses, privĂ© de tout ou partie de sa libertĂ© : nul n’est censĂ© ignorer la loi. Et donc dans cette troisième fonction de l’école, l’éducation, la socialisation, nous avons affaire Ă  une tâche ici devant laquelle nous sommes tenus d’une certaine manière Ă  une obligation de rĂ©sultats alors que nous ne le sommes pas dans les deux premières fonctions de l’école. Et cette troisième fonction, l’accès Ă  la citoyennetĂ©, la construction de la loi, eh bien nous pouvons nous apercevoir, je n’ai pas le temps de dĂ©velopper, qu’elle conditionne dĂ©sormais la rĂ©alisation des deux autres fonctions. C’est une des leçons du XXe siècle : nous savons dĂ©sormais que les plus hauts niveaux de savoir et de culture ne nous garantissent pas de la barbarie. Les constructeurs des camps de concentration nazis sortaient des meilleures Ă©coles d’ingĂ©nieurs d’Allemagne ; un des plus grands philosophes du siècle, Heidegger, a sa carte au parti nazi jusqu’en 1945. Et cette dĂ©couverte terrible après la première moitiĂ© de notre XXe siècle et de sa guerre de trente ans qui s’achève avec Auschwitz et Hiroshima, eh bien c’est cela : le vieux rĂŞve des Lumières, de l’instruction libĂ©ratrice, des savoirs et de la science comme devant tirer l’humanitĂ© de l’obscurantisme, c’est ce vieux rĂŞve qui s’est effondrĂ©. Nous le savons dĂ©sormais et nous retrouvons lĂ  ce que disaient dĂ©jĂ  les hommes de la Renaissance : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme Â» ; et les bons Ă©lèves dont on parlait tout Ă  l’heure, qui veulent acquĂ©rir les plus hauts degrĂ©s de savoirs possibles, et surtout les diplĂ´mes qui vont avec, quelle est exactement leur motivation, qu’est ce qui exactement va nourrir leur ambition scolaire et sociale ? D’un point de vue Ă©thique ou moral voire politique, cette question mĂ©rite d’être posĂ©e.

Je disais Ă  l’instant, quand les enfants entrent Ă  l’école ils entrent dans quelque chose qui est de l’ordre du social, ils sortent de la famille pour entrer dans une sociĂ©tĂ©. Et l’école est une sociĂ©tĂ© en effet oĂą je vais devoir coopĂ©rer, apprendre Ă  coopĂ©rer avec les autres, Ă  vivre avec eux selon un certain nombre de normes et de règles : une sociĂ©tĂ© en effet est rĂ©glĂ©e par le droit et par un certain nombre de principes Ă©lĂ©mentaires que les enfants ne peuvent dĂ©couvrir qu’à l’école et qu’ils ne peuvent pas dĂ©couvrir dans leurs familles, parce que ce qui caractĂ©rise la famille est prĂ©cisĂ©ment l’inĂ©galitĂ© des statuts et la diffĂ©rence des âges Ă  l’intĂ©rieur des fratries et dans les relations avec les parents, les grands-parents… Ă€ l’école, je dĂ©couvre mes pairs, mes Ă©gaux, et c’est avec eux qu’il va falloir que j’organise ma vie, et donc l’école, la classe, ma classe, ne sont pas des “ communautĂ©s â€ť comme le disent trop souvent les prĂ©ambules moralisants de nos règlements intĂ©rieurs d’établissements scolaires, la classe n’est pas une communautĂ©, c’est une sociĂ©tĂ©. Dans une communautĂ©, la tâche de chacun est indispensable Ă  la rĂ©alisation de la tâche des autres ; dans un groupe, dans une association, oĂą les individus se sont choisis librement les uns les autres autour d’un projet commun, il va de soi que la tâche de chacun est nĂ©cessaire Ă  la tâche de l’autre, dans une Ă©quipe de foot si les arrières ne font pas leur travail, ce que font les avants perd son sens, dans un orchestre si la clarinette ne joue pas sa partie, ce que font les violons n’a plus de sens. Alors que dans la classe, l’élève X assis Ă  cĂ´tĂ© de l’élève Y, X peut rĂ©ussir et Y peut Ă©chouer, sachant que toute rĂ©ussite et tout Ă©chec sont Ă©videmment relatifs. Dès lors qu’est-ce qui va structurer la relation ? Eh bien la classe est le lieu oĂą l’enfant va dĂ©couvrir ceci : l’élève X rĂ©ussit, l’élève Y Ă©choue et le maĂ®tre, la maĂ®tresse, peut dire Ă  l’élève qui rĂ©ussit : « Tu ne vois pas que ton camarade est complètement larguĂ©, ne comprend plus rien, tu ne peux pas lui donner un coup de main ? Â» Et bien entendu cet Ă©lève peut me rĂ©pondre, et je pourrais vous dĂ©crire des scènes Ă  l’infini dans les collèges et dans les lycĂ©es, l’élève peut très bien rĂ©pondre : « Il n’a qu’à bosser, c’est son problème, moi je travaille et il n’a qu’à en faire autant ! Â» Et lĂ , la rĂ©ponse de la maĂ®tresse pourrait ĂŞtre non pas : « Mais tu sais il faut ĂŞtre gentil avec ses petits camarades ! Â», ça pourrait ĂŞtre quelque chose qui ne serait pas de l’ordre de la moralisation que les enfants surtout quand ils grandissent finissent par entendre par une oreille et ça ressort par l’autre (« Cause toujours tu m’intĂ©resses Â» : je sais très bien Ă  l’extĂ©rieur, dans la citĂ© que c’est la loi du plus fort qui règne, que le rapport Ă  l’autre dans la rĂ©alitĂ©, les rapports Ă©conomiques, sociaux et politiques, est Ă©videmment tout autre que ce qu’on me dit dans les discours moraux de l’école) ; donc la maĂ®tresse peut peut-ĂŞtre se dispenser de ce discours moralisant et simplement rĂ©pondre : « Mais si, tu vas aider, toi qui rĂ©ussit, celui qui Ă©choue â€“ pourquoi ? â€“ parce que sinon il y a non assistance Ă  personne en danger. Â» C’est un principe du droit (applaudissements) : je n’ai pas le droit lorsque je suis membre d’un groupe quelconque, je n’ai pas le droit de ne pas porter assistance et je pourrais ĂŞtre mis en cause pĂ©nalement pour cette indiffĂ©rence, je n’ai pas le droit de laisser l’autre victime d’une violence quelconque, s’il est dans mes moyens d’intervenir je dois intervenir. « Ton camarade est en train d’échouer, tu peux lui donner un coup de main, tu dois l’aider si c’est en tes moyens. Â» C’est ce que Britt-Mari Barth dĂ©crivait Ă  l’instant : si la maĂ®tresse, le maĂ®tre, le prof institue dans sa classe des structures de coopĂ©ration et d’interaction, alors effectivement l’enfant dĂ©couvre concrètement qu’il peut travailler avec les autres sans pour autant ĂŞtre obligĂ© de les aimer ; et l’enseignant peut aussi dĂ©couvrir qu’une Ă©quipe pĂ©dagogique par exemple, ce n’est pas un groupe de bons copains qui font des choses qui les intĂ©ressent ensemble, c’est un groupe d’individus qui sont formĂ©s professionnellement et qui doivent travailler ensemble parce qu’ils sont co-responsables d’un certain nombre d’enfants et de classes (applaudissements –  c’est très agrĂ©able ces applaudissements mais ça ralentit un peu le…. bon enfin bref ça prend un peu de temps quoi…). VoilĂ  : nous ne sommes pas Ă  l’école dans une communautĂ© nous sommes dans une sociĂ©tĂ©, nous ne sommes pas dans une association nous sommes dans une institution et je regrette pour ma part un tout petit peu l’abandon du mot mĂŞme qui dĂ©finissait notre profession, le mot d’instituteur, celui qui permet Ă  chacun d’instituer (applaudissements) sa parole.

Et donc une sociĂ©tĂ© est rĂ©glĂ©e par le droit. Alors je ne vais pas Ă©numĂ©rer ici tous les principes Ă©lĂ©mentaires du droit ; je constate simplement, Ă  entendre ce que disent mes Ă©lèves du quotidien de leur Ă©cole, de leur scolaritĂ©, que trop souvent, s’agissant de la construction de la citoyennetĂ© prĂ©cisĂ©ment, notre Ă©cole fonctionne institutionnellement (il ne s’agit pas lĂ  de dĂ©fauts ou de manques pĂ©dagogiques ou psychologiques chez les enseignants, mais il s’agit bien du fonctionnement institutionnel lui-mĂŞme) en contredisant un certain nombre de ces principes Ă©lĂ©mentaires, ceux du droit, principes Ă©lĂ©mentaires que nul d’entre nous ne songerait Ă  discuter, bien entendu, puisque ce sont ces principes qui nous permettent de discuter. Ce qui permet la discussion, les conditions juridiques de la discussion ne se discutent pas elles-mĂŞmes. Alors il y a des principes très simples, je ne vais pas tous les Ă©numĂ©rer, ce serait l’objet d’un programme de formation ou de stage, je vais en prendre simplement trois.

Il est clair dans notre code pĂ©nal, ce n’est pas moi qui invente ça, que pour un mĂŞme acte criminel ou dĂ©lictueux, un mineur est moins lourdement puni qu’un majeur. C’est une Ă©vidence, il y a l’excuse de minoritĂ©. En dessous de 13 ans, il ne peut pas y avoir de mesures pĂ©nales, il y a des mesures Ă©ducatives ; entre 13 et 16 ans, il y a l’excuse de minoritĂ© qui divise par deux la peine encourue, entre 16 et 18 ans, le juge peut ne pas retenir l’excuse de minoritĂ© et Ă  partir de 18 ans, il y a la pleine responsabilitĂ©. Donc pour un mĂŞme acte criminel ou dĂ©lictueux, un mineur est moins lourdement puni qu’un majeur. Or, qu’est-ce qui se passe dans l’école ? J’ai beaucoup de rĂ©cits de mes Ă©lèves lĂ -dessus, puisque je travaille en philosophie en faisant raconter Ă  mes Ă©lèves ce qu’ils vivent quotidiennement. Qu’est-ce qui se passe lorsque je perds mon sang froid et que je flanque une claque Ă  un Ă©lève ? Ça n’arrive jamais bien entendu… et qu’est ce qui se passe quand un Ă©lève perd son sang froid et me flanque une claque ? Ă€ poser ce genre de questions, eh bien effectivement on en vient Ă  se demander, en voyant les rĂ©sultats quant aux rapports Ă  la citoyennetĂ© que nous constatons autour de nous chez les adultes, s’il y a lieu de s’étonner spĂ©cialement du rapport que chacun d’entre nous, citoyen de droit, entretient lui mĂŞme avec la loi. Peut-on en effet prĂŞcher la vertu civique, la vertu que Montesquieu dĂ©crivait comme Ă©tant la condition de la dĂ©mocratie, peut-on prĂŞcher la vertu civique et ne pas appliquer soi-mĂŞme ou ne pas s’appliquer Ă  soi-mĂŞme les principes Ă©lĂ©mentaires de ce droit ?

Deuxième principe : nul ne peut se faire justice Ă  soi-mĂŞme. Lorsque j’ai Ă©tĂ© atteint par l’injure ou par l’agression, je n’ai pas le droit de punir moi-mĂŞme, je n’ai pas le droit de me venger. Je dois avoir recours au tiers, au juge, au mĂ©diateur, Ă  celui qui sĂ©pare les antagonistes et qui va trancher dans le litige et dĂ©cider des sanctions ou des punitions, punitions nĂ©cessaires pour que la victime soit rĂ©tablie dans ses droits et pour que le coupable puisse se reconstruire lui-mĂŞme. Eh bien ce tiers en effet n’existe pas dans ma classe, et quand un Ă©lève m’injurie, c’est moi qui le punit, quand il ne fait pas ce que j’ai prescrit, c’est moi qui le punit et qui ait le droit [9] de le punir, et donc mĂŞme si ma punition est objectivement juste, Ă©quilibrĂ©e, tient compte des circonstances, elle ne peut ĂŞtre ressentie, et principalement dans les quartiers dont on parlait Ă  l’instant, que comme la vengeance de celui dont l’autoritĂ© a Ă©tĂ© momentanĂ©ment bafouĂ©e. Et nous entretenons ici des choses qui vont conditionner très profondĂ©ment la perception du social, du rapport Ă  l’autre prĂ©cisĂ©ment, puisque jusqu’à 18 ans les deux seules catĂ©gories d’adultes que l’on voit travailler ce sont les enseignants et les femmes de mĂ©nage qui passent la serpillière dans les couloirs. Et il y a des Ă©tablissement scolaires oĂą, en partant d’une excellente intention, celle de donner des punitions “ intelligentes â€ť, comme dans le lycĂ©e de mon fils oĂą il y a des “ TUC â€ť, travaux d’utilitĂ© collective, les Ă©lèves punis balaient la cour par exemple, ce qui signifie alors que balayer est une punition et que celui qui fait toute sa vie, par une sorte de fatalitĂ© inexplicable, est puni toute sa vie… Il y a lĂ  quelque chose qui structure profondĂ©ment les identifications Ă  l’adulte chez les enfants : il y a les adultes qui ont le droit de se faire justice Ă  eux-mĂŞmes, ceux qui ont le droit de me punir, et ceux qui n’en ont pas le droit ! Et au moment des orientations… « Mais non, ce n’est pas dĂ©shonorant d’être orientĂ© dans le technique professionnel, le manuel, etc… – Cause toujours ! Je sais très bien ce qu’il en est depuis que je suis entrĂ© Ă  l’école de la violence des hiĂ©rarchies sociales. Â» Et si sa propre mère est femme de mĂ©nage et son propre père “ technicien de surface â€ť comme on dit, vous voyez les rĂ©sultats que ça peut donner Ă  l’intĂ©rieur mĂŞme de la famille…

Est-ce vraiment nĂ©cessaire, par exemple, de faire signer les punitions Ă  la maison ? Il y a lĂ  un certain nombre de procĂ©dures que nous utilisons couramment qui seraient peut-ĂŞtre de ce point de vue lĂ  Ă  remettre en question : d’ailleurs, comme père de famille, quand je prive de dessert ou de tĂ©lĂ©vision mon gamin parce qu’il a fait une connerie, bien entendu je n’éprouve pas le besoin le lendemain de mettre par Ă©crit la punition et faire signer en douze exemplaires, s’il est au collège, par l’ensemble des profs ! Peut-ĂŞtre pourrait-on, s’agissant des relations entre la famille et l’école prĂ©cisĂ©ment, marquer des distinctions et des sĂ©parations nettes. Dans neuf familles sur dix bien entendu, lorsque l’enfant est puni, on prend le parti du prĂ©cieux chĂ©ri Ă©videmment victime de l’incompĂ©tence de ses enseignants ! Mais dans une famille sur dix, ça se termine Ă  coups de ceinture et les mĂ©decins scolaires constatent les dĂ©gâts ; vous connaissez les chiffres de la maltraitance et des violences subies par les enfants et les jeunes, qui n’ont aucune espèce de commune mesure avec les chiffres concernant les jeunes exerçant eux-mĂŞmes des violences [10]. Donc les principes Ă©lĂ©mentaires du droit sont, dans le fonctionnement institutionnel mĂŞme de l’école, systĂ©matiquement d’une certaine manière, bafouĂ©s.

Troisième principe que je voudrais citer : nul ne peut ĂŞtre juge et partie et vous voyez bien immĂ©diatement que c’est le mĂŞme principe que celui que je viens de citer mais, dans la première formulation, l’accent est plutĂ´t mis sur le cĂ´tĂ© pĂ©nal des conflits ou des violences, alors que dans cette deuxième formulation “ nul ne peut ĂŞtre juge et partie â€ť, c’est plutĂ´t l’accent sur ce que les juristes appelleraient le civil ; c’est Ă  dire, Ă  l’école, l’acquisition des savoirs. Tout Ă  l’heure Britt-Mari Barth Ă©numĂ©rait un certain nombre d’obstacles Ă  la connaissance (“ quelle question pour cette rĂ©ponse, le savoir comme produit figĂ© â€ť etc.), eh bien il me semble que l’une des causes fondamentales de l’impossibilitĂ© [11] de construire les savoirs rĂ©side en ceci que c’est le mĂŞme qui enseigne et qui juge ensuite des rĂ©sultats de cet enseignement. Si, dans ma classe les Ă©lèves savent que tout ce qu’ils peuvent dire peut se retourner contre eux [12] sous forme de jugements qui vont s’inscrire sur un bulletin scolaire qui sera public [13] comme le disait Monsieur Monteil tout Ă  l’heure, qui va ĂŞtre communiquĂ© aux parents, et intervenir dans l’orientation, alors effectivement ce qui se dĂ©veloppe ce sont des stratĂ©gies non pas de construction de la vĂ©ritĂ©, ce qui dĂ©finit la recherche des savoirs, mais des stratĂ©gies de conformitĂ© : « Qu’est-ce qu’il a derrière la tĂŞte ? Qu’est-ce que je vais mettre sur cette dissertation qui va faire bien ? Â» et Ă  partir de lĂ , eh bien l’école manque sa mission essentielle : si, dans la construction des savoirs, c’est la recherche de la conformitĂ© Ă  l’autre, au maĂ®tre, qui se substitue Ă  la recherche de la vĂ©ritĂ©, c’est l’essentiel de notre mission qui se trouve ainsi dĂ©truite.

Et donc je plaide pour que les fonctionnements institutionnels de nos classes et de nos Ă©tablissements scolaires deviennent progressivement conformes aux principes Ă©lĂ©mentaires du droit et permettent d’introduire progressivement, parce que nous sommes en effet dans le temps, d’introduire, progressivement donc, la distinction des pouvoirs au sens de Montesquieu. Il me semble qu’il s’agit lĂ  d’une condition sine qua non pour la construction de la citoyennetĂ©. Quel est l’enjeu essentiel ? L’enjeu essentiel Ă  l’école de la construction de la loi et des savoirs, c’est que j’ai Ă  dĂ©couvrir ceci : que je n’ai pas Ă  me soumettre Ă  ce que je crois que l’autre attend de moi, j’ai Ă  obĂ©ir Ă  la loi dont cet autre est momentanĂ©ment et par dĂ©lĂ©gation le porteur symbolique [14]. Du cĂ´tĂ© de l’élève, se soumettre Ă  quelqu’un ou obĂ©ir Ă  la loi, c’est contradictoire, soumission et obĂ©issance sont incompatibles. Et du cĂ´tĂ© du professeur du coup : j’ai peur quand j’entre en classe, c’est la seule profession oĂą nous sommes constamment Ă  raison de 5 Ă  6 heures par jour devant 20, 25, 30, 35 autres personnes ; dans tous les mĂ©tiers oĂą la relation humaine est prĂ©dominante, la mĂ©decine, le travail social, les acteurs ont affaire Ă  leurs “ clients â€ť un par un ou par tout petits groupes, nous sommes les seuls dans le champ du travail social, Ă©ducatif ou mĂ©dical, Ă  avoir Ă  nous affronter Ă  cette situation ; quand j’entre en classe j’ai peur et ma question est de savoir comment je vais tenir, comment je vais les tenir quand au bout de vingt minutes ils ne sont toujours pas assis, qu’ils continuent leurs conversations de cours de rĂ©crĂ©ation ou les bagarres [15] qui s’étaient esquissĂ©es dans le couloir ; je sors de six annĂ©es d’études supĂ©rieures en histoire, gĂ©ographie, biologie, Ă©lectronique, etc. et je dĂ©couvre avec effarement tout Ă  coup qu’il me faut 20, 25 minutes pour faire asseoir les enfants dans la classe ; dans un certain nombre de collèges et de lycĂ©es, nous sommes affrontĂ©s directement Ă  cette situation : comment tenir, comment les tenir, c’est le fantasme de la maĂ®trise, et je risque alors de dĂ©velopper des stratĂ©gies qui visent Ă  assurer mon pouvoir sur les Ă©lèves, sur le groupe. Et donc, du cĂ´tĂ© du professeur, et on rejoint ce que disait Ă  l’instant Britt-Mari Barth sur le travail d’organisation de la pĂ©dagogie mĂŞme dans la classe, il ne s’agit pas pour moi donc d’assurer mon pouvoir sur un groupe, il s’agit d’assurer mon autoritĂ© dans ce groupe. Et donc lĂ  aussi, du point du vue du droit, on peut dire que le pouvoir sur un groupe est contradictoire avec l’autoritĂ© dans un groupe et toute la tâche de la formation des professeurs rĂ©side en ceci : depuis l’école maternelle jusqu’à… jusqu’aux plus hauts niveaux de notre système Ă©ducatif, il ne s’agit pas d’instituer la relation de maĂ®tre Ă  disciple, relation de type religieux qui condamne les dissidences crĂ©atrices jusqu’au plus haut niveau de la construction de nos savoirs dans les universitĂ©s ou ailleurs, mais il s’agit d’assurer pour moi cette fonction d’autoritĂ© dans un groupe et non pas de pouvoir sur un groupe ; de ce point de vue, pouvoir et autoritĂ© sont incompatibles.

Nous sommes dans le temps, dans l’école, c’est la dĂ©finition mĂŞme du mot Ă©cole, “ scholè â€ť en grec, ça signifie : loisir, l’espace oĂą nous avons le temps, et ce travail du temps est essentiel, il constitue la pĂ©dagogie elle-mĂŞme, parce que nous avons affaire Ă  des enfants et des adolescents qui, s’ils sont dĂ©jĂ  sujets de droit, ne sont cependant pas encore citoyens, et toute la problĂ©matique de l’éducation consiste en cette tension constitutive entre le “ dĂ©jĂ  â€ť et le “ pas encore â€ť. C’est parce qu’ils ne sont pas encore citoyens que les structures et fonctionnements institutionnels doivent leur permettre de le devenir (“ c’est en forgeant qu’on devient forgeron â€ťâ€¦), et donc c’est en pratiquant la loi elle-mĂŞme qu’on peut apprendre Ă  la construire, “ la mise en pratique de la loi â€ť, et je reprends lĂ  une expression de Francis Imbert [16], est ici absolument essentielle et pas seulement sous forme de cours, de discours, de connaissance mĂŞme de ce que contiennent les codes pĂ©nal et civil, ce qui est fort utile bien entendu, mais une mise en pratique dans la pĂ©dagogie, dans la classe, dans l’institution scolaire elle-mĂŞme de ces principes Ă©lĂ©mentaires. Au fond, il s’agit bien lĂ  de faire mentir Russell Banks, et j’ai envie de dire aussi qu’il faudrait que ce que raconte SĂ©bastien, un de mes Ă©lèves, par exemple, puisse en effet ĂŞtre mis au jour, puisse ĂŞtre rĂ©glĂ© du point de vue de la socialisation, du point de vue de l’apprentissage de la citoyennetĂ© et de la dĂ©mocratie :

« En CM2, lorsque j’étais enfant, la classe Ă©tait partagĂ©e en plusieurs groupuscules, un Ă©lève exclu par ces groupes, qui Ă©tait assez rachitique, et issu d’une famille pauvre, ses deux parents Ă©tant au chĂ´mage, se trouvait souvent seul. Il Ă©tait donc notre victime favorite, les moqueries et blagues cuisantes l’assaillaient, la masse des Ă©lèves m’attirait, l’engrenage me “ forçait â€ť Ă  rĂ©agir comme les autres, sa scolaritĂ© devait ĂŞtre un enfer. Il y a deux ans, j’ai appris qu’il Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ© au cours d’une crise d’asthme. Et après cet Ă©vĂ©nement, j’ai longtemps regrettĂ© d’avoir fait partie de cette majoritĂ© : “ La majoritĂ© a toujours tort. â€ť Â»

SĂ©bastien Plura (si je cite son nom, c’est parce qu’il m’y a autorisĂ© bien sĂ»r) [17].

“ La majoritĂ© a toujours tort â€ť : quelle conception avons-nous des relations sociales et de la dĂ©mocratie ? Trop souvent l’application mĂ©canique de la loi de la majoritĂ© et l’élimination des minoritĂ©s… Il n’est pas sĂ»r que ce soit ça la dĂ©finition de la dĂ©mocratie, c’est peut-ĂŞtre d’abord la construction des procĂ©dures de sĂ©paration, de rĂ©paration et de mĂ©diation qui permettent prĂ©cisĂ©ment au “ bouc Ă©missaire â€ť ou Ă  la “ tĂŞte de turc â€ť de disparaĂ®tre des groupes humains. Nous n’avons pas d’autre objectif que de diminuer la violence en nos vies et dans la vie des enfants qui nous sont confiĂ©s.

L’apprentissage de la libertĂ©, la construction de la loi, ça consiste Ă  dĂ©finitivement abandonner ce lieu commun que nous avons tous utilisĂ© dans nos pratiques professionnelles, que nous rĂ©pĂ©tons [18] au bagarreur de la cour de rĂ©crĂ©ation, Ă  celui qui injurie ses camarades ou le maĂ®tre, ou qui perturbe tout simplement le travail de la classe : « Ta libertĂ© s’arrĂŞte lĂ  oĂą commence celle de l’autre. Â» Et nous avons peut-ĂŞtre lĂ  un des principes qui nous guide très souvent et qui est Ă  la source, Ă  l’origine mĂŞme de la guerre entre nous et de la violence. Si ma libertĂ© s’arrĂŞte lĂ  oĂą commence celle de l’autre, fatalement il y a des frictions aux frontières, puisque je ne peux grandir qu’à augmenter mes pouvoirs, mes libertĂ©s, mes capacitĂ©s, ce que me permet prĂ©cisĂ©ment l’école. Et si je ne peux augmenter mes pouvoirs, mes libertĂ©s, mes capacitĂ©s qu’au dĂ©triment de l’autre, dans la compĂ©tition dont parlait Monsieur Monteil tout Ă  l’heure, dans la comparaison qui exclut [19], si je ne peux augmenter mes libertĂ©s qu’au dĂ©triment de l’autre, alors nous sommes dans la guerre. Ma libertĂ© ne s’arrĂŞte pas lĂ  oĂą commence celle de l’autre, elle commence lĂ  oĂą commence celle de l’autre. Et cet Ă©lève qui rĂ©ussit, qui va aider celui qui Ă©choue, parce que sinon il pourrait ĂŞtre mis en cause pour non assistance Ă  personne en danger, cet Ă©lève va se rendre compte qu’en partageant le savoir avec l’autre, il accroĂ®t son propre savoir : c’est lorsque je transmets, dans une situation de rĂ©ciprocitĂ© coopĂ©rative, ce que j’ai moi-mĂŞme appris, qu’alors je dĂ©couvre le vĂ©ritable sens de ce que j’ai appris. Et le savoir, c’est la seule chose [20] que je puisse donner tout en l’augmentant et sans jamais la perdre (applaudissements). VoilĂ  ce que les enfants ont Ă  dĂ©couvrir Ă  l’école.

Je crois que l’enjeu, en cette fin de XXe siècle devient de plus en plus urgent. Un certain nombre de gens très Ă©minents [21] nous disent que nous n’avons plus beaucoup de temps devant nous pour dĂ©cider de la survie de l’espèce humaine. Il ne s’agit pas seulement de la citoyennetĂ© rĂ©publicaine française, il ne s’agit pas seulement de la construction de l’Europe, les enfants savent que notre planète est finie.

Dans mes classes de terminale, les plus ordinaires, nous remontons seulement aux grands-parents, aux arrières-grands-parents et nous avons 35, 40 nationalitĂ©s diffĂ©rentes : la planète est dans nos classes. L’enjeu, c’est celui de la survie de l’espèce humaine face au dĂ©fi, au triple dĂ©fi, des croissances urbaines, dĂ©mographiques et industrielles, et c’est cette dĂ©cision qu’en tant que citoyens les enfants que nous avons actuellement dans nos classes auront Ă  rĂ©soudre. Les vĂ´tres ont 3 ans, 4 ans, 6 ans : quel âge auront-ils en 2030 ou en 2050 ? Combien serons-nous sur la planète ? Quels seront les problèmes qui se poseront Ă  eux et qu’ils auront Ă  rĂ©soudre en tant que citoyens, en tant que responsables politiques de cette question radicale ?

Alors je crois que l’essentiel de notre travail est peut-ĂŞtre de s’en tenir au principe Ă©thique fondateur qui nous permet de tenir en tant qu’êtres humains, de nous comporter nous-mĂŞmes, autant que nous le pouvons, en citoyens dans nos classes. Et, pour faire comprendre en quoi consiste ce principe Ă©thique, et pour conclure, je vais laisser la parole Ă  un auteur, un romancier anglais du dĂ©but du siècle, mort en 1936, qui pratiquait l’humour britannique d’une manière un peu sarcastique, Chesterton, et qui Ă©crivait ceci :

« Il y a quelque temps, certains docteurs et sociologues promulguèrent un ordre d’après lequel toutes les petites filles devaient avoir les cheveux coupĂ©s courts, je veux dire bien entendu toutes les petites filles dont les parents Ă©taient pauvres. Les petites filles riches ont bien des habitudes insalubres mais ce n’est pas de sitĂ´t que les docteurs s’y opposeront par la force. Or le motif de cette intervention Ă©tait que les pauvres sont empilĂ©s dans des rĂ©duits crasseux, si nausĂ©abonds et Ă©touffants qu’on ne peut pas leur permettre d’avoir des cheveux parce que ces cheveux abriteraient des poux, donc les docteurs proposent de supprimer les cheveux, ils ne semblent pas jamais avoir songĂ© Ă  supprimer les poux (heureusement, ça a un peu changĂ© aujourd’hui, les poux vous connaissez en maternelle…). Quand une tyrannie crapuleuse Ă©crase les hommes dans la crasse si bien que leurs cheveux mĂŞme sont sales, il serait long et pĂ©nible de couper les tĂŞtes des tyrans, il est plus facile de couper les cheveux des esclaves. Et de mĂŞme s’il arrive un jour que des enfants pauvres soient tourmentĂ©s par des maux de dents, il sera facile d’arracher toutes les dents des pauvres, si leurs ongles sont d’une saletĂ© rĂ©pugnante, on leur arrachera les ongles, si leurs nez sont indĂ©cemment morveux (vous connaissez cela aussi) on leur coupera le nez.

Je pars des cheveux d’une petite fille, cela je sais que c’est bon dans l’absolu. Quelque mal qu’il y ait ailleurs, la fierté qu’éprouve une mère de la beauté de sa fille est une chose bonne. C’est une de ces tendresses impérissables qui sont les pierres de touche de toutes les époques, de toutes les cultures. Si d’autres choses sont contraires à cela, qu’elles disparaissent. Si les propriétaires et les lois sont contre cela que les propriétaires et les lois disparaissent. Avec la chevelure rousse d’une gamine des rues, mettons le feu à toute la civilisation moderne. Puisque une fille doit avoir les cheveux longs, il faut qu’elle les ait propres. Puisqu’elle doit avoir les cheveux propres, il ne faut pas qu’elle ait une maison sale. Puisqu’elle ne doit pas avoir une maison sale, il faut que sa mère soit libre et qu’elle ait des loisirs. Puisque sa mère doit être libre, il ne faut pas qu’elle ait un propriétaire usurier. Puisqu’elle ne doit pas avoir un propriétaire usurier, il faut redistribuer la propriété. Puisqu’il faut redistribuer la propriété, nous ferons une révolution (applaudissements).

Cette petite gamine aux cheveux d’or que je viens justement de voir trotter devant chez moi, on ne l’élaguera pas, on ne l’estropiera pas, on ne la modifiera pas, on ne lui coupera pas les cheveux courts comme Ă  un forçat. Tous les royaumes de la terre seront retaillĂ©s, dĂ©coupĂ©s Ă  sa mesure, les vents du monde seront calmĂ©s pour cet agneau qui ne sera pas tondu. Toutes les couronnes qui ne vont pas Ă  sa tĂŞte seront brisĂ©es, tous les vĂŞtements, toutes les demeures qui ne conviennent pas Ă  sa gloire seront dĂ©truits. Sa mère peut lui ordonner de nouer ses cheveux car c’est l’autoritĂ© naturelle, mais l’Empereur de la planète ne lui ordonnera pas de les couper. Elle est l’image sacrĂ©e de l’humanitĂ©, tout autour d’elle l’usine sociale doit s’incliner, se briser, s’effondrer ; les colonnes de la sociĂ©tĂ© seront Ă©branlĂ©es, les voĂ»tes des Ă©poques s’écrouleront mais pas un cheveu de sa tĂŞte ne sera touchĂ©. Â» [22]

Je vous remercie. (applaudissements). [23]



[1] Transcription de l’enregistrement, revu par l’auteur, le style oral ayant Ă©tĂ© conservĂ© et les notes ajoutĂ©es pour la publication, Actes du 69e Congrès de l’AGIEM : “ Les enfants, les enseignants, l’école, aujourd’hui pour demain â€ť, 30 juin - 3 juillet 1996, Clermont-Ferrand.

[2] Dans l’académie de Créteil.

[3] Adil Jazouli, Une saison en banlieue, Plon, 1995, p. 347.

[4] Bernard Defrance, “ RĂ©tablir la loi dans les citĂ©s ? Chiche ! â€ť, Urbanisme, n° 286, janvier 1996.

[5] Francis Imbert, “ L’image ou la parole â€ť, dans La Question du sujet, coordonnĂ© par Pascal Bouchard, l’Harmattan, 1996, p. 147-179.

[6] Russell Banks, De beaux lendemains, Actes-Sud, 1994, trad. Christine Le BĹ“uf, p. 105.

[7] Les pédophiles ne sont pas seulement là où la rubrique des faits divers des journaux nous les désigne…

[8] Francis Imbert et le GRPI (Groupe de recherche en pédagogie institutionnelle), Médiations, institutions et loi dans la classe, ESF, 1995.

[9] Tel que les textes actuellement en vigueur qui définissent mes responsabilités me le donne, et c’est en ce sens que la mise en question porte bien ici sur les fonctionnements institutionnels et non sur les capacités psychologiques ou les habiletés pédagogiques du maître.

[10] Marie Choquet et Sylvie Ledoux, Adolescents, rapport INSERM 1994, La Documentation Française, 1995.

[11] Ou de la difficulté, en tout cas…

[12] Philippe Perrenoud, “ La communication dans la classe â€ť, dans MĂ©tier d’élève et sens du travail scolaire, ESF, 1995 ; cf. Ă©galement Patrice Ranjard, Les enseignants persĂ©cutĂ©s, Robert Jauze Ă©d., 1984.

[13] Imaginons une seule seconde ce que donnerait, dans un établissement ordinaire, le fait de rendre public les notations administratives et pédagogiques, avec les appréciations et rapports qui les accompagnent, des professeurs…

[14] Obéir à la loi, dans les comportements et les rapports aux autres, et obéir aux exigences de la recherche de la vérité dans la construction des savoirs.

[15] Ou les flirts…

[16] Il s’agit bien de mise en pratique de la loi et non de “ rappel Ă  la loi â€ť : les distinctions seraient ici nĂ©cessaires entre le concept de loi au sens juridique ou moral et le concept de loi au sens analytique ou Ă©thique, le second – la loi de sĂ©paration, l’interdit de l’inceste, prĂ©cède le premier et le fonde ; mĂŞme si le “ rappel Ă  la loi â€ť est parfois nĂ©cessaire, il ne s’agit pas, Ă  l’école, de “ rĂ©duire â€ť les voyous de banlieue mais de leur (re)donner la parole…

[17] Après la confĂ©rence, j’ai Ă©tĂ© abordĂ© par plusieurs institutrices d’une Ă©cole maternelle de Villenoy, près de Meaux, qui avaient eu SĂ©bastien comme Ă©lève, et j’ai ainsi pu leur apprendre qu’il avait eu son bac avec mention, avec un 19 en philo… Que savons-nous de ce que deviennent les centaines d’enfants et d’adolescents que nous voyons “ passer â€ť dans une carrière ? Comment prendre la mesure des effets de notre travail ?

[18] Sans grand succès, évidemment…

[19] « Tout le mal du monde vient de la comparaison Â» St Jean Chrysostome, souvent citĂ© par Michel Serres ; qui analysera un jour les ravages des jeux de prestance, de “ frime â€ť disent les Ă©lèves, dans la cour de rĂ©crĂ©ation ou la classe… ou la salle des profs ?

[20] Avec l’amour, mais le développement de ce sentiment ne relève pas de l’école…

[21] Albert Jacquard, Michel Serres, et bien d’autres…

[22] Gilbert K. Chesterton, Le monde comme il ne va pas, L’Âge d’Homme, 1994 ; la traduction ici citée est celle de Gallimard, 1962.

[23] Ă€ relire cette transcription, je m’aperçois que j’avais (un peu, pas tout Ă  fait…) perdu de vue la question initiale ! Je me permets donc d’ajouter ici pour la publication un extrait d’une intervention devant les responsables nationaux des CEMÉA :

« L’éducation des enfants se joue dans la famille, l’institution (Ă©cole) et l’association (au sens le plus large du mot) ; et donc, pour dire les choses de manière un peu rapide et pour prĂ©ciser les conditions de la distinction et de l’articulation des fonctions entre ces trois lieux de socialisation :

- dans la famille, l’enfant dĂ©couvre un interdit (nĂ©gatif) et une valeur (positive) : l’interdit de l’inceste qui ouvre les voies de la libertĂ© du sujet ; 

- dans l’institution, oĂą on le place sans lui demander son avis, il dĂ©couvre un interdit (nĂ©gatif) et une valeur (positive) : l’interdit de la violence qui ouvre les voies de l’égalitĂ© des sujets (dans la double genèse de la raison et de la loi) ;

- enfin, dans l’association, l’enfant peut découvrir l’interdit du parasitisme qui ouvre les voies de la fraternité, de quelque chose en tout cas que l’on peut appeler comme ça…

Il ne peut y avoir articulation entre ces trois pĂ´les de socialisation qu’à la condition que leurs rĂ´les soient le plus clairement possible distincts. Â»

Voir le texte de cette intervention dans Vers l’Éducation nouvelle, n° 477-478 du cinquantenaire des CEMÉA, décembre 1996.


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