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Paru dans la revue Panoramiques, n° 10, 1993

Paru dans la revue Panoramiques, n° 10, 1993.

 

Vingt-cinq ans après...

 

 

Dans le premier mois de certaines annĂ©es scolaires, il m’est arrivĂ© et m’arrive encore de communiquer aux Ă©lèves un journal du jour de leur naissance : je ne le fais que rarement, parce que le dĂ©sordre de mes archives est tel que je n’ai pas toujours le temps disponible pour retrouver les deux ou trois cents journaux nĂ©cessaires ! Six ou dix classes de terminales... En revanche, ce que je fais tous les ans est de placer dans l’armoire de ma salle un volumineux dossier qui contient divers documents, tracts, textes et brochures qui ont prĂ©cĂ©dĂ©, accompagnĂ© et suivi Mai-Juin 1968. Ceux que ça intĂ©resse parmi les Ă©lèves peuvent ainsi consulter, lire. Il est rare que cela ne provoque pas quelques questions ! Les documents les plus lus sont les rapports des " commissions " qui avaient travaillĂ© dans les lycĂ©es de la rĂ©gion parisienne (j’étais l’un des responsables de la JEC, ce qui m’avait permis d’en recueillir beaucoup) ; et la surprise principale des Ă©lèves est de constater que les problèmes qui y sont Ă©voquĂ©s (les relations profs-Ă©lèves, les notes, les mĂ©thodes de travail, l’orientation, les programmes, les examens, etc.) sont toujours, vingt ans plus tard, rigoureusement les mĂŞmes que les leurs...

Je suis toujours un peu surpris, dans les dĂ©bats qui agitent les intellectuels Ă  propos de l’école, par ce qu’on pourrait appeler l’immobilitĂ© des arguments, jointe Ă  l’ignorance de ce qui se passe rĂ©ellement sur le terrain et plus prĂ©cisĂ©ment dans la classe mĂŞme, dans le processus central par lequel sont supposĂ©s se transmettre les savoirs. Selon certaine littĂ©rature, tous les maux actuels de l’école seraient directement issus des influences pernicieuses de Mai 68, des " utopies " glorifiant la spontanĂ©itĂ© juvĂ©nile, de la destruction de l’autoritĂ© " lĂ©gitime " des maĂ®tres, de la critique des effets sĂ©lectifs de l’enseignement, du nivellement par le bas des exigences disciplinaires (au deux sens de l’adjectif : ordre et savoir !), du " pĂ©dagogisme " envahissant et " totalitaire "... Bref, comme d’habitude, les jĂ©rĂ©miades se suivent et se ressemblent : " On donne le bac Ă  tout le monde, le niveau baisse, les Ă©lèves ne savent plus lire ni Ă©crire ", etc. !

Certes, çà et lĂ , après 68, des " expĂ©riences " diverses ont eu lieu qui donnaient quelques raisons Ă  ces critiques. La " non-directivitĂ© obligatoire " (Fernand Oury) fut bien responsable de quelques dĂ©gâts ! Mais les quelques aventuriers post-soixant-huitards furent extrĂŞmement peu nombreux et le " laxisme " n’affecta guère qu’une très infime minoritĂ© de classes ou d’établissements.

Tous les ans je demande à mes élèves, principalement de sections F et G, de raconter leurs souvenirs et itinéraires scolaires, de les écrire. Ils sont entrés à l’école maternelle après 68. Je résume un mètre cube, à peu près, de textes.

Ce qui est premier c’est la violence. L’École est une zone de non-droit. Tout y passe : les coups de règles sur les doigts, les fessĂ©es culs nus, les bagarres en cours de rĂ©crĂ©ation, les coups de sifflet et mises en rang, les lignes Ă  copier ou les verbes Ă  conjuguer Ă  tous les temps, les moqueries et le mĂ©pris des enseignants Ă  l’égard des Ă©lèves, l’impossibilitĂ© de parler puisque " de toute façon les profs ont toujours raison ", les six ou huit heures de rang assis, les savoirs et les " devoirs " sans signification d’utilitĂ© ou de plaisir, l’arbitraire gĂ©nĂ©ral et massif de la notation, les orientations complètement hasardeuses et imposĂ©es, le temps morcelĂ© et l’espace anonyme, l’entassement homogène, la dĂ©possession de soi dans la soumission Ă  une logique institutionnelle incomprĂ©hensible. Quelquefois, un enseignant dĂ©passĂ© permet Ă  la meute de se " dĂ©fouler ", un autre rĂ©gresse en fumant un joint avec ses Ă©lèves ou en couchant avec, cas rares qui ont le mĂ©rite de fournir un peu de copie aux journalistes.

Cependant, Ă  entendre les dĂ©plorations sur le " niveau ", principalement en commissions d’harmonisation pour la correction des copies du Bac technologique, je ne peux m’empĂŞcher de faire remarquer aux chers collègues que les Ă©lèves de ces sĂ©ries ne seraient jamais, trente ans avant, parvenus en classes terminales... La critique de l’École ne peut faire oublier qu’elle permet tout de mĂŞme Ă  un nombre de plus en plus important d’enfants d’accĂ©der Ă  des savoirs et des savoir-faire qui leur seraient restĂ©s inaccessibles il y a moins d’un demi-siècle.

Le jeu de balançoire n’a pas cessĂ© et il a commencĂ© bien avant 68 (l’exclusion de CĂ©lestin Freinet, c’était avant la guerre...). Oscillation perpĂ©tuelle qui n’intĂ©resse d’ailleurs qu’une infime partie des acteurs de l’institution (combien d’enseignants lisent des ouvrages concernant leur profession ? 1% ? 5% ?). On continue obstinĂ©ment Ă  ferrailler sur des questions qui sont rĂ©glĂ©es depuis longtemps et la logique impitoyable du " ou bien / ou bien " continue Ă  sĂ©vir : autoritĂ© ou laxisme, contrainte ou permissivitĂ©, savoir ou pĂ©dagogie, instruction ou Ă©ducation... Pourquoi s’étonner des " malaises " ?

J’ai eu, hasard et chance, la possibilitĂ© d’échapper Ă  ces oscillations. Ce que je pensais dĂ©jĂ  du système Ă©ducatif en 1968 n’a pas variĂ© et se serait mĂŞme plutĂ´t radicalisĂ©... Ă€ cette diffĂ©rence près que j’ai rencontrĂ© trois personnes qui ont produit et continuent aujourd’hui Ă  produire des Ĺ“uvres permettant de discerner quelques lueurs dans la complexitĂ© de ce qui se passe dans une classe, soit, par ordre chronologique des rencontres : Fernand Oury, Francis Imbert et Philippe Meirieu. Quand j’ouvre un livre traitant de questions scolaires, je vais droit Ă  la bibliographie : s’il y manque un seul de ces noms, je referme le livre, je sais que j’ai alors affaire, sauf rares exceptions, Ă  un ignorant.

Je ne me souviens plus de la tĂŞte de ceux qui tenaient le stand : en ce 22 juin 1968, je prends quelques tracts sur une table dans la cour de la Sorbonne et j’achète Vers une pĂ©dagogie institutionnelle. Mais, Ă  cette Ă©poque glorieuse, je m’intĂ©ressais surtout aux rapports entre la RĂ©volution et le Royaume de Dieu : malgrĂ© le 30 mai, je m’acharnais, avec quelques autres. Nous Ă©tions dans l’eschaton, la fin de l’histoire. AoĂ»t fut difficile : les chars russes en TchĂ©quoslovaquie, le pompidolisme en France, couvraient nos Ă©nergies d’une chape de plomb. Comment faire ? Je ne me suis rendu compte que bien plus tard de ce que nous avions enterrĂ© en Mai, c’est-Ă -dire, très prĂ©cisĂ©ment, les millĂ©narismes, ces joyeuses funĂ©railles se cĂ©lĂ©brant encore dans le langage mĂŞme, religieux et marxiste, des millĂ©narismes.

J’étais " pion ", maĂ®tre d’internat ; mon passage du lycĂ©e Hoche Ă  Versailles au lycĂ©e technique d’Aulnay-sous-Bois me fit changer de monde : comment " maintenir l’ordre " ? Ă€ Versailles, aucun problème, exceptĂ©s les bizutages de dĂ©but d’annĂ©e : les classes prĂ©pas travaillent... Ambiance diffĂ©rente Ă  Aulnay : je dĂ©couvre que l’on peut parler avec les Ă©lèves, et que leurs " histoires " sociales, familiales, scolaires, donnent tout Ă  coup une certaine consistance aux statistiques de la sĂ©lection Ă  l’école et aux analyses de Baudelot et Establet.

Maintenir l’ordre ? Je dĂ©cide de ne plus avoir recours Ă  une quelconque menace de punition mais seulement Ă  la parole : discussions et conciliabules interminables au dortoir. Nous nous donnons des règles, je constitue, avec une cinquantaine de mes propres bouquins, une bibliothèque, je commence Ă  demander aux Ă©lèves d’écrire... Je dĂ©couvre progressivement la possibilitĂ© d’échapper Ă  l’alternative sĂ©vĂ©ritĂ© / laxisme. Et lorsque je reçois, en 1972, mon affectation en École Normale d’instituteurs, je rouvre AĂŻda Vasquez et Fernand Oury : quitte Ă  devoir enseigner la psycho-pĂ©dagogie Ă  de futurs instituteurs, alors que je n’ai aucune idĂ©e de ce qui se passe Ă  l’école primaire, autant se renseigner auprès de ceux qui racontent et publient ce qu’ils font. Je peux aussi mesurer le gouffre entre ce que je lis, le fonctionnement des classes " pĂ©dagogie institutionnelle – techniques Freinet ", et les classes " ordinaires ", principalement les classes dites " d’application ", oĂą les normaliens sont supposĂ©s apprendre leur mĂ©tier. Et je me dis que le plus simple est peut-ĂŞtre d’essayer de pratiquer soi-mĂŞme avec les normaliens ce que font Oury et d’autres avec les enfants : textes libres, imprimerie, conseil, etc. Sauf que justement ces mĂ©thodes rendent le travail beaucoup plus complexe que de rĂ©citer des manuels de psychologie de l’enfant...

Sur la question du " ou bien / ou bien ", je dĂ©couvre, contre certaines idĂ©ologies de la non-directivitĂ© mal comprise (Rogers et de Peretti, c’est un peu plus complexe que les rĂ©ductions qu’on en fait habituellement...), et contre les partisans de " la loi et de l’ordre ", que la question est d’abord de savoir ce qui fonde lĂ©gitimement les règles dans le fonctionnement de la classe, que le pouvoir du maĂ®tre n’est pas " son " pouvoir mais celui des règles dĂ©cidĂ©es en commun, de la loi, que l’effort est au service du plaisir, que l’ordre est au service de la libertĂ©, que la lecture, l’écriture et le calcul sont les outils de tous les autres savoirs et qu’il est absurde d’en faire des " apprentissages " sĂ©parĂ©s de ce Ă  quoi ils servent ; et que, donc, en ce qui concerne justement ces apprentissages, tout le travail de l’enseignant consiste en la crĂ©ation de situations (les " circonstances " de Fernand Deligny), ou l’utilisation de celles qui se prĂ©sentent, dans lesquelles l’enfant ou l’adolescent pourront dĂ©couvrir simultanĂ©ment les plaisirs et les exigences liĂ©s Ă  l’acquisition des savoirs : si les savoirs augmentent les pouvoirs et la libertĂ©, ils peuvent alors prendre sens, et les règles – y compris celles qui peuvent paraĂ®tre arbitraires, comme celles de l’orthographe – ne sont plus des obstacles mais des points d’appui. Ce retournement dĂ©cisif est assez bien exprimĂ© par un lycĂ©en qui avait participĂ© Ă  une expĂ©rience Ă©tonnante mise en Ĺ“uvre par un professeur de français et un photographe dans un lycĂ©e d’Aulnay-sous-Bois, rapportĂ©e rĂ©cemment par le journal LibĂ©ration : " Avant je subissais le lycĂ©e, maintenant je m’en sers ". Tarte Ă  la crème des sujets de philo au bac : la loi et la libertĂ© ! (Cette annĂ©e encore : " A-t-on le droit de s’opposer Ă  la loi ? ", oĂą deux candidats sur trois confondent " transgresser " et " s’opposer " : " On peut toujours s’opposer Ă  la loi, du moment qu’on ne se fait pas prendre " !).

Ma deuxième chance fut de rencontrer Francis, et Anne-Marie qui y Ă©tait directrice, Imbert, au moment de la fusion des deux Écoles Normales de Châteauroux : enfin la mixitĂ© dans la formation des maĂ®tres ! Il venait de publier un livre Ă©crit avec, entre autres auteurs, quatre normaliennes qui y racontaient et y analysaient leurs essais d’introduction du " conseil " dans des classes primaires pendant un stage en responsabilitĂ© de trois mois. J’y retrouvais mes prĂ©occupations : comment la formation des instituteurs pouvait-elle leur ouvrir des champs pratiques et thĂ©oriques qui puissent leur permettre d’échapper au jeu de " balançoire " ? La question centrale Ă©tait celle de la genèse du pouvoir dans la classe et de l’institution de mĂ©diations autorisant le dĂ©sir et le travail : textes libres, imprimerie, journal scolaire, correspondance, conseil... J’eus aussi la possibilitĂ© de travailler dans la classe de Jacqueline Jubard, institutrice qui pratiquait depuis longtemps ces mĂ©thodes : tout Ă  fait fascinant de voir des enfants de six-huit ans travailler librement, organiser jour après jour les emplois du temps et de l’espace, apprendre Ă  dĂ©cider des activitĂ©s et des règles, gĂ©rer leur budget, apprendre Ă  rĂ©gler leurs conflits par la parole... Je ne pouvais m’empĂŞcher aussi de m’attrister un peu sur le sort des autres enfants que je voyais Ă  l’occasion des visites dans les classes " ordinaires ". Il n’y avait guère que dans les deux classes de l’école annexe, chez Guy et Janine Borgeais, Ă  cĂ´tĂ© mĂŞme des locaux de l’ex-École Normale de garçons, que je retrouvais cette mĂŞme atmosphère de curiositĂ© perpĂ©tuellement en Ă©veil, de recherche incessante, d’expĂ©rimentation et de tâtonnements, dans les activitĂ©s artistiques, techniques et scientifiques. Si cela Ă©tait possible avec des enfants " ordinaires " d’un quartier ordinaire, comment alors expliquer l’échec scolaire ? Pourquoi ces mĂ©thodes n’étaient-elles pas utilisĂ©es partout ?

Le troisième hasard heureux fut la rencontre, toujours Ă  l’École Normale de Châteauroux, de Jean Aubegny, qui se spĂ©cialisait dans les problèmes de l’évaluation et qui faisait partie du comitĂ© de rĂ©daction des Cahiers PĂ©dagogiques. Il me sollicita pour un article, Ă  la suite duquel CĂ©cile Delannoy, rĂ©dactrice en chef Ă  l’époque, me sollicita pour un dossier, si bien que, quelques annĂ©es plus tard, une fois nommĂ© en lycĂ©e technique dans l’acadĂ©mie de CrĂ©teil, j’entrais Ă  mon tour aux Cahiers : j’y dĂ©couvris une collection d’individus, et parmi eux Philippe Meirieu, qui semblaient Ă©chapper eux aussi aux pseudo-dĂ©bats, aux polĂ©miques stĂ©riles, et qui travaillaient somme toute assez joyeusement, dans des styles fort diffĂ©rents – cela allait (et cela va toujours !) du " didacticien " le plus pointu Ă  l’" institutionnaliste " rigoureux en passant par le praticien le plus " basiste ". MĂ©lange de fortes personnalitĂ©s et de disciplines oĂą les diffĂ©rences s’articulaient de manière Ă©tonnante. Je ne crois pas trop exagĂ©rer en disant que seuls ceux qui sont passĂ©s par ce creuset peuvent aujourd’hui effectivement, dans leurs pratiques comme dans leurs recherches et rĂ©flexions, Ă©chapper aux querelles stĂ©riles sur le système Ă©ducatif. Et ce sont eux aussi qui ont, avant et après 68, certainement le plus apportĂ© Ă  l’école, avec, du cĂ´tĂ© du primaire, le travail obstinĂ©ment poursuivi des " Freinet " et des " Oury ".

Aujourd’hui donc, je m’obstine aussi avec mes classes terminales de sĂ©ries techniques. Je fais parler et Ă©crire et, quand nous en avons le temps, nous publions ces textes. Si je me suis laissĂ© entraĂ®ner Ă  devenir aussi formateur Ă  la Mafpen (Mission AcadĂ©mique Ă  la Formation des Personnels de l’Éducation Nationale), pour un tiers de mon temps de service, c’est aussi en grande partie pour avoir la possibilitĂ© de travailler avec des professeurs de collège. C’est en effet au collège que se dĂ©ploient actuellement les plus grandes Ă©nergies pour, envers et contre tout, arracher les Ă©lèves aux pseudo-fatalitĂ©s de l’échec. Bien entendu, certains collègues se dĂ©couragent, ou " rĂ©sistent ". Peut-ĂŞtre aussi suis-je mal placĂ© pour juger objectivement : je peux travailler tout Ă  fait librement dans mon lycĂ©e, je rencontre des enseignants demandeurs de formation et dĂ©jĂ  engagĂ©s dans de multiples tentatives sur tous les domaines et disciplines, et, aux Cahiers PĂ©dagogiques aussi bien qu’à l’association Apprendre (fondĂ©e par Meirieu Ă  Lyon 2), j’entends parler surtout de ce qui marche !

[Mais ma colère persiste Ă  entendre certains ignorants qui occupent le haut du pavĂ© radiophonique, Ă©ditorial ou journalistique, prĂ´ner le retour aux " bonnes vieilles mĂ©thodes ", pourfendre les " pĂ©dagogues ", mot qui dans leur bouche revient Ă  une injure, et chercher par les moyens les plus abjects (jusqu’au harcèlement tĂ©lĂ©phonique, l’injure dans les bulletins " syndicaux ", et la diffamation pure et simple) Ă  dĂ©considĂ©rer et dĂ©courager tous les efforts de ceux qui veulent que l’École soit l’École. Certains ne semblent pouvoir respirer que dans la guerre, la moindre proposition de " rĂ©forme " leur paraissant porteuse de la mort de l’École, ni plus ni moins... Et ces batailles grotesques nous font oublier les enjeux majeurs de ce qui se passe Ă  l’école : pour la première fois dans l’histoire de l’humanitĂ©, voit le jour, dans nos Ă©tablissements, une gĂ©nĂ©ration qui aura Ă  dĂ©cider de la survie de l’espèce humaine. Je ne suis pas sĂ»r que les " bons Ă©lèves ", instruits et soumis, que les partisans de " l’élitisme rĂ©publicain " prĂ©tendent continuer Ă  nous fabriquer, seront vraiment aptes Ă  affronter ces questions...] .

Mai 68 nous a appris que l’histoire n’est pas une succession de fatalitĂ©s, positives ou nĂ©gatives. Nous nous sommes sans doute dĂ©barrassĂ©s de la double illusion (" aliĂ©nation " ?) religieuse : celle, institutionnelle, qui transforme le moyen en fin (Ecclesia societa perfecta !) et justifie toutes les inquisitions, et celle, symĂ©trique, des millĂ©narismes du " tout, tout de suite ", du Royaume ou de la RĂ©volution ; deux attitudes qui engendrent des totalitarismes symĂ©triques, nĂ©gateurs de l’histoire. LĂ  oĂą nous sommes, avec les moyens dont nous disposons, nous sommes un certain nombre Ă  persister, dans le relatif, le prĂ©caire et l’inachevĂ©, et avec plaisir.

Bernard Defrance.

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(1) Sur les distinctions entre " règle " et " loi ", voir Sanctions et discipline Ă  l’école, Syros Ă©d., 1993, p. 121-124.

(2) " Un dĂ©sir peut en cacher un autre " dans Cahiers PĂ©dagogiques, n° 176, septembre 1979.

 

 


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