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Paru dans les Cahiers Pédagogiques, n° 376/377, septembre/octobre 1999, en version raccourcie, texte intégral ici et sur http://www

Paru dans les Cahiers Pédagogiques, n° 376/377, septembre/octobre 1999, en version raccourcie, texte intégral ici et sur http://www.cahiers-pedagogiques.com

 

Le verrou du bac…

 

La caractĂ©ristique principale des actions menĂ©es en lycĂ©e en vue de l’apprentissage de la citoyennetĂ© est qu’elles concernent gĂ©nĂ©ralement ce qu’on pourrait appeler des fonctions " pĂ©riphĂ©riques " par rapport Ă  la fonction centrale du lycĂ©e qui est de prĂ©parer l’obtention du baccalaurĂ©at : les textes officiels qui autorisent les lycĂ©ens Ă  constituer des associations, publier des journaux, animer des clubs, prendre diverses responsabilitĂ©s, sont abondants. En revanche peu de lycĂ©ens se saisissent de ces droits. Sans doute savent-ils que leur exercice est tout Ă  fait secondaire par rapport aux enjeux de ce que l’on vient faire au lycĂ©e : essayer, par le " sĂ©same " du bac, de s’ouvrir plus de chances de poursuivre des Ă©tudes, d’obtenir un diplĂ´me supĂ©rieur, et donc d’échapper aux fatalitĂ©s du chĂ´mage. Et le livret scolaire d’un Ă©lève ne mentionnera pas, par exemple, qu’il s’est occupĂ© d’animer un club de poĂ©sie, de dĂ©fense des droits de l’homme, ou d’organiser un tournoi sportif… Et d’ailleurs, puisque l’essentiel de l’évaluation se rĂ©duit encore Ă  la notation, comment pourrait-on " noter " de telles activitĂ©s ?

Or, pour les lycĂ©ens qui s’y engagent, il s’agit bien lĂ  d’occasions de prises de responsabilitĂ©s, de dĂ©veloppement des capacitĂ©s d’initiatives, de comprĂ©hension des exigences de la vie associative et dĂ©mocratique, c’est-Ă -dire, dans les rapports Ă  autrui, de l’articulation des droits et des devoirs – sans parler du dĂ©veloppement de qualitĂ©s peu sollicitĂ©es dans l’enseignement proprement dit : imagination, crĂ©ativitĂ©, travail d’équipe, conduite Ă  leur terme de projets personnels et collectifs. Ce qui a un rapport Ă©vident avec la citoyennetĂ©. Ce n’est certes pas une règle gĂ©nĂ©rale – voilĂ  un sujet d’enquĂŞte pour les sociologues ! â€“, mais assez souvent, il semble que les lycĂ©ens qui prennent ces initiatives vivent des tensions entre les exigences proprement scolaires et la rĂ©alisation de ces projets, et manifestent des tendances au non conformisme scolaire et social.

On se souvient de ce cĂ©lèbre film (1) oĂą le drame se noue Ă  partir du moment oĂą, entrant en dernière annĂ©e, le hĂ©ros principal se voit signifier par son père l’interdiction de s’occuper du journal de l’institution, puis de jouer un rĂ´le dans une pièce de théâtre : tout ceci ne compte pas pour l’obtention du diplĂ´me ! C’est une des analyses possibles du film : le heurt des logiques institutionnelles et associatives ; les " associations " pouvant ĂŞtre tolĂ©rĂ©es par l’institution (le journal, le théâtre), ou clandestines (les rĂ©unions nocturnes Ă  la grotte), mais se situant en tout cas en opposition aux normes scolaires et au conformisme familial. La contradiction aboutira au suicide du hĂ©ros, Ă  l’expulsion d’un autre Ă©lève et du professeur – lequel s’est rĂ©vĂ©lĂ© incapable de protĂ©ger le hĂ©ros, par exemple en convoquant le père pour lui signifier que le rĂ´le jouĂ© par son fils au théâtre serait " Ă©valuĂ© " scolairement ! C’est-Ă -dire en rĂ©introduisant par une sorte de subterfuge la logique institutionnelle dans la logique associative, subterfuge qui trouverait ici sa justification dans l’urgence (2). Mais il est vrai que dans sa pĂ©dagogie mĂŞme, ce professeur ignore la logique institutionnelle, au bĂ©nĂ©fice d’une logique associative, doublement perverse en ce qu’elle joue essentiellement des registres de la sĂ©duction dans la constitution d’un cercle de " disciples ", et qu’elle en exclut certains : tous ne montent pas sur les tables dans la scène finale…

L’éducation Ă  la citoyennetĂ© – quand elle a lieu ! – apparaĂ®t bien le plus souvent au lycĂ©e comme un " Ă -cĂ´tĂ© " secondaire, juxtaposĂ© aux apprentissages disciplinaires, voire en contradiction avec. Il est significatif de constater que dans les règlements intĂ©rieurs, très gĂ©nĂ©ralement, l’énumĂ©ration des " droits " des lycĂ©ens porte prĂ©cisĂ©ment sur les activitĂ©s associatives (clubs, journaux, etc.), non obligatoires par dĂ©finition, tandis que l’énumĂ©ration des " devoirs " porte sur les exigences institutionnelles liĂ©es aux apprentissages (Ă  commencer par l’obligation de prĂ©sence aux cours). D’un cĂ´tĂ© les activitĂ©s autonomes, non obligatoires, et de l’autre, les activitĂ©s contraintes, hĂ©tĂ©ronomes. Si bien que se constitue une sĂ©paration nette entre l’accessoire (les droits) et l’essentiel (les devoirs â€“ le mĂŞme mot signifiant les normes de comportement et les tâches scolaires…). Cette coupure remonte loin : Ă  la naissance mĂŞme de la dĂ©mocratie ! Puisque l’on sait que chez les grecs l’exercice des responsabilitĂ©s politiques suppose le loisir, la scholè, et que le citoyen libre ne " travaille " pas. Encore aujourd’hui, toutes proportions gardĂ©es, les responsabilitĂ©s associatives et politiques ne peuvent s’exercer qu’en dehors du temps de travail, ce qui explique la sur-reprĂ©sentation, chez les Ă©lus de tous les niveaux, des professions libĂ©rales (ou des salariĂ©s qui peuvent relativement maĂ®triser leur temps de travail, comme les enseignants…). De mĂŞme retrouvera-t-on au lycĂ©e (Ă  vĂ©rifier par nos sociologues !), dans les activitĂ©s associatives, beaucoup plus d’élèves des sĂ©ries gĂ©nĂ©rales que des sĂ©ries technologiques et professionnelles : les proportions de temps libre et contraint ne sont pas les mĂŞmes…

Ce clivage se justifierait par le fait que l’autoritĂ© de la vĂ©ritĂ©, de la science, ou de la compĂ©tence, ne saurait se " discuter " dĂ©mocratiquement : " On ne peut pas discuter avec un prof ! ", puisqu’il est savant et l’élève ignorant. Ce qui explique que l’autre aspect de la formation Ă  la citoyennetĂ©, qui fait de plus en plus l’objet d’efforts importants de la part des conseillers d’éducation, l’exercice de la fonction de dĂ©lĂ©guĂ©, n’aboutit le plus souvent qu’à une caricature de la reprĂ©sentation dĂ©mocratique. Puisque le nĹ“ud de cette fonction est la participation aux conseils de classe et qu’il s’agit du moment institutionnel oĂą sont jugĂ©s les Ă©lèves par leurs propres professeurs, au nom de l’expertise qu’ils dĂ©tiennent, comment intervenir, sinon pour solliciter (poliment) l’indulgence en faveur de camarades rencontrant des " problèmes " personnels quelconques ? La tâche du dĂ©lĂ©guĂ© de classe est une tâche impossible : celle d’un avocat qui demande les circonstances attĂ©nuantes… Elle montre la confusion qui règne gĂ©nĂ©ralement dans ces conseils : s’agit-il de valider le niveau de compĂ©tences atteint par un Ă©lève Ă  un moment donnĂ© ? Alors les considĂ©rations personnelles, pseudo-psychologiques ou familiales n’ont pas Ă  intervenir dans cette validation, sans parler des graves infractions Ă  la dĂ©ontologie la plus Ă©lĂ©mentaire qui voient parfois la vie privĂ©e des Ă©lèves Ă©talĂ©e au grand jour. Ou bien s’agit-il d’une Ă©valuation pĂ©dagogique interne au travail de la classe ? Alors ces Ă©valuations doivent ĂŞtre rĂ©ciproques, porter aussi bien sur les comportements des Ă©lèves que sur celui des professeurs, ne pas sortir de la classe ni se dĂ©rouler en prĂ©sence de supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques, et ne pas ĂŞtre portĂ©es sur des bulletins ou livrets qui seront rendus publics et influenceront les dĂ©cisions d’orientation ou les jurys d’examen. Validation externe des connaissances et Ă©valuation pĂ©dagogique interne sont toutes deux Ă©galement nĂ©cessaires, et, dans la situation de confusion actuelle, on ne fait ni l’une ni l’autre !

La deuxième consĂ©quence de ce clivage entre la loi et les savoirs est de dĂ©naturer les savoirs eux-mĂŞmes. Pour faire vite, on pourrait dire que le cours magistral (y compris dans les dĂ©guisements pseudo-dialoguĂ©s de la " devinette ") est fait pour ne pas transmettre les savoirs, en interdire l’appropriation par le plus grand nombre : il maintient une structure, non pas de transmission, mais de rĂ©vĂ©lation, au sens religieux du terme. Or, l’art, la science et la philosophie supposent le loisir, c’est-Ă -dire la suspension de l’obligation de rĂ©sultats. Pour s’en tenir aux sciences : leur apprentissage exige d’en passer par le doute, l’incertitude, la discutabilitĂ©, la rĂ©futabilitĂ©, l’ouverture des savoirs, inachevĂ©s et inachevables. Lorsqu’à l’école l’ignorance, ou le simple doute, sont punis, lorsqu’une note basse devient mauvaise (et une note haute bonne), lorsqu’on dĂ©signe les tâches comme des devoirs, Ă  la rĂ©alisation desquels on ne saurait se soustraire sans punition, c’est l’essence mĂŞme de l’école qui se trouve niĂ©e, ce sont toutes les sources de la " motivation ", du dĂ©sir d’apprendre, des curiositĂ©s, des mises en questions, du dĂ©veloppement du sens critique et des dissidences crĂ©atrices qui risquent (ce n’est heureusement pas une fatalitĂ©) de s’en trouver taries chez les Ă©lèves, qui se retrouveront classĂ©s en bons ou mauvais selon leurs rĂ©sultats. Cette " moralisation " du travail scolaire aboutit aux deux extrĂ©mitĂ©s de la rĂ©ussite et de l’échec Ă  l’intĂ©riorisation par les Ă©lèves des jugements que l’on porte sur eux, soit la survalorisation (" Je suis le meilleur… ") des futurs " dĂ©cideurs " qui deviendront incapables de se remettre en question dans leurs responsabilitĂ©s professionnelles et imposeront leurs dĂ©cisions aux autres citoyens au nom de leur expertise, soit la dĂ©valorisation (" Je suis nul… ") et la culpabilisation de ceux qui se retrouveront vouĂ©s aux futures tâches professionnelles d’exĂ©cution, voire carrĂ©ment exclus par le chĂ´mage.

Dans les dĂ©bats actuels sur le lycĂ©e, il est tout Ă  fait extraordinaire de constater que les plus farouches partisans de la prĂ©Ă©minence des savoirs, voire de leur transcendance, se font aussi les plus dĂ©terminĂ©s Ă  tenter de maintenir des structures institutionnelles de transmission en parfaite contradiction avec la nature mĂŞme des savoirs Ă  transmettre ! En effet, si l’école est loisir, alors l’idĂ©e mĂŞme d’un examen n’a plus de sens en soumettant l’acquisition des savoirs Ă  l’obligation de rĂ©sultats, laquelle est Ă©videmment contradictoire avec la scholè de nos chers philosophes… (par exemple, mais ils ne sont pas les seuls sur ce front). Et le verrou essentiel qui empĂŞche toute rĂ©forme du lycĂ©e, dans ses structures institutionnelles et dans les mĂ©thodes pĂ©dagogiques qui y ont massivement cours, est bien en effet la forme actuelle du baccalaurĂ©at.

Il y a plus de cinq mois maintenant, une jeune fille de mon quartier a Ă©tĂ© violĂ©e par un jeune d’une autre citĂ©. Elle est allĂ©e porter plainte le jour mĂŞme, avec un certificat mĂ©dical, au commissariat. Et pendant ce temps, ses frères et tous les jeunes de mon quartier ont Ă©tĂ© mis au courant et nous Ă©tions tous très tristes et très Ă©nervĂ©s. Au bout d’un mois, voyant que rien ne se passait du cĂ´tĂ© de l’enquĂŞte des policiers, nous avons dĂ©cidĂ© de retrouver nous-mĂŞmes le violeur. Après quelques recherches, nous avons fini par trouver son adresse ainsi que sa voiture dont nous avons relevĂ© le numĂ©ro de la plaque d’immatriculation. Et le soir mĂŞme, nous l’avons attendu, planquĂ©s au pied de son immeuble, mais la nuit s’avançait et il ne sortait pas. Alors, de plus en plus impatients, une dizaine de garçons de mon quartier sont montĂ©s dans l’immeuble – moi j’ai dĂ» rentrer chez moi car il Ă©tait dĂ©jĂ  plus de minuit et j’avais un contrĂ´le de maths le lendemain. Ils ont forcĂ© la porte de son appartement, cognĂ© ses parents qui essayaient de s’interposer, et ont trouvĂ© le gars qui se planquait, ils ont aussi commencĂ© Ă  le cogner, et ont dĂ©vastĂ© l’appartement. Ils l’ont emmenĂ© de force, l’ont sorti de l’immeuble et l’ont enfermĂ© dans le coffre d’une de leurs voitures. Ils l’ont emmenĂ© dans un stade près de notre citĂ©. LĂ , la jeune fille violĂ©e est venue le reconnaĂ®tre : c’était bien lui. Alors les jeunes de mon quartier l’ont mis tout nu, frappĂ©, torturĂ© avec des cigarettes, massacrĂ©, quasiment violĂ© avec un club de golf, jusqu’à ce que le soleil se lève. Le gars avait perdu beaucoup de sang, c’était les plus petits de ma citĂ© qui Ă©taient les plus acharnĂ©s, et les grands Ă©taient obligĂ©s de les retenir, pour qu’ils ne le tuent pas… Quelque temps plus tard, les policiers sont venus arrĂŞter l’un des grands frères de la jeune fille violĂ©e : le violeur l’a reconnu, il avait aussi portĂ© plainte. Et ce grand frère est depuis en prison, en dĂ©tention prĂ©ventive. Sa famille a pris un avocat, et cet avocat a dĂ©couvert que le violeur Ă©tait le fils d’un ancien policier, et que la plainte dĂ©posĂ©e par la fille violĂ©e n’était jamais sortie du commissariat, n’avait jamais Ă©tĂ© transmise au procureur.

VoilĂ  un aperçu du quotidien des jeunes de banlieue. Comment est-il possible après de tels Ă©vĂ©nements que nous puissions avoir un dialogue avec la police ? C’est la haine de la police et de la justice qui s’est ancrĂ©e dans nos esprits et je pense qu’il faudra du temps avant qu’elle disparaisse…

A. N., élève de terminale.

Quand A. me donne son texte, nous sommes Ă  dix jours du baccalaurĂ©at. Impossible de mettre au propre le texte, et d’en travailler le sens en classe de philosophie. Je n’ai eu que le temps d’entendre A. confirmer que, s’il n’avait pas eu ce contrĂ´le de maths le lendemain, il aurait certainement participĂ© au lynchage, et d’indiquer deux choses : 1. que le plus efficace pour porter plainte est d’écrire directement au procureur de la RĂ©publique, avec tous les Ă©lĂ©ments de preuves (ici, le certificat mĂ©dical), et c’est ce qu’aurait dĂ» faire la jeune fille violĂ©e, constatant l’inertie de la police ; et 2. que le grand frère, majeur, se retrouve sans doute sous les chefs d’inculpation d’enlèvement, sĂ©questration, viol, tortures et actes de barbarie (art. 222.26, entre autres, du Code pĂ©nal) et qu’il risque la rĂ©clusion criminelle Ă  perpĂ©tuité… Mais nous n’avons plus vraiment le temps de parler : A. et ses camarades sont engloutis dans leurs " rĂ©visions " et nous passons tous les cours Ă  fignoler les techniques de la dissertation. C’est-Ă -dire que, très concrètement ici, les obligations de bouclage du programme et l’obsession de l’épreuve de dissertation en philosophie nous empĂŞchent de… philosopher ! Et qu’est-ce que cette histoire racontĂ©e par A., sinon la guerre de Troie en banlieue aujourd’hui ?

Pas la place ici de montrer comment on pourrait, aujourd’hui, faire sauter ce verrou du bac, plus exactement, comment on pourrait remplacer la loterie qu’il représente dans sa forme actuelle par un contrôle continu, à la condition impérative que ce contrôle soit effectué par d’autres professeurs que ceux qui enseignent aux élèves concernés (3), et ce contrôle pourrait alors valider également les responsabilités associatives et citoyennes prises par les élèves au cours de leur cursus. Cette mesure de bon sens permettrait sans doute alors, d’une part, de libérer les professeurs de l’obligation d’avoir à juger leurs propres élèves, ce qui pourrait permettre une véritable évaluation interne du travail en libérant aussi la parole des élèves, et d’autre part, de contribuer à une validation nettement moins hasardeuse des compétences acquises, en étalant sur une, deux, voire trois années, un effort qui se concentre aujourd’hui en un ou deux mois et sur des secteurs de compétences extrêmement restreints. Je sais que A. sait écrire, je sais qu’il est capable d’une réelle et profonde réflexion philosophique, je sais qu’il a quasiment appris par cœur la Lettre à Ménécée, mais je ne peux m’empêcher d’être très inquiet quant à la note qu’il obtiendra à sa dissertation du bac…

Tant que les situations d’apprentissage, oĂą le droit Ă  l’erreur est impĂ©ratif pour les progrès, seront confondues avec les situations de contrĂ´le de ces apprentissages, oĂą l’obligation de rĂ©sultats joue pour l’obtention du diplĂ´me, tant que le verrou du bac dans son organisation actuelle de " jugement dernier " n’aura pas sautĂ©, il est parfaitement vain d’espĂ©rer une quelconque rĂ©forme du lycĂ©e. On peut toujours s’amuser Ă  bricoler horaires, programmes et filières Ă  l’infini, Ă  dĂ©velopper les dispositifs d’aide personnalisĂ©e ou en petits groupes, ces mesures ne toucheront ni la structure institutionnelle du lycĂ©e oĂą les professeurs sont juges et parties, ni les mĂ©thodes pĂ©dagogiques par lesquelles les savoirs sont dĂ©naturĂ©s et dĂ©tournĂ©s de leurs fins propres par les mĂ©canismes exigĂ©s d’ingurgitation / rĂ©gurgitation, oĂą la soumission au pouvoir du professeur est confondue avec l’obĂ©issance aux exigences extraordinairement complexes de la construction des savoirs. Personne ne semble se rendre compte de ce que l’introduction de deux Ă©lĂ©ments (sans doute les plus importants de la rĂ©forme actuelle des lycĂ©es, dans la mesure oĂą ils pourront servir de leviers pour des transformations plus dĂ©cisives), l’éducation civique et juridique et " l’heure de vie de classe ", appellent des transformations inĂ©vitables dans la pĂ©dagogie de toutes les autres disciplines d’une part et dans les modes institutionnels actuels d’évaluation d’autre part. Comment enseigner en effet le droit, dans ses principes fondateurs mĂŞmes, et continuer Ă  enseigner dans des structures hors-droit ?

Bernard Defrance.

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(1) Peter Weir, Le Cercle des poètes disparus.

(2) Mais, évidemment, il n’y aurait plus de film, commercial, dans ce cas…

(3) Voir Cahiers PĂ©dagogiques, n° 329, dĂ©cembre 1994 : " Le baccalaurĂ©at : examen terminal ou contrĂ´le continu ? " 


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