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Violence de l’école

 

 

 

Violence de l’école ? *

 

 

en mémoire de Christian Bachmann.

 

Nous avons encore quelques difficultĂ©s pour nous rendre Ă  l’évidence de ce siècle qui s’achève : les " crimes contre l’humanitĂ© ", catĂ©gorie juridique d’invention rĂ©cente, sont commis par des gens instruits et cultivĂ©s. Erreur commune : la violence et la guerre seraient des survivances en nous de la nature sauvage, que la raison, la culture et l’éducation pourraient finir par domestiquer ou Ă©radiquer. Or, seul de tous les mammifères, l’homme tue l’homme. Les animaux ne sont pas violents et ne se posent pas la question – originaire – de la " connaissance du bien et du mal " : la perte par l’homo sapiens de l’inhibition biologique qui empĂŞche le meurtre entre individus de la mĂŞme espèce est peut-ĂŞtre le prix payĂ© pour la libertĂ©. Et donc la violence, nous le savons, au moins depuis le Goulag, Auschwitz et Hiroshima, est produite par la culture, le savoir et les techniques. Les formes plus extrĂŞmes de la nĂ©gation d’autrui, individus ou masses, peuvent ĂŞtre très rationnellement organisĂ©es et le " bourreau " peut n’être qu’un fonctionnaire anonyme qui ne tire aucune jouissance sadique de sa position. Si les dĂ©veloppements scientifiques, techniques, culturels, non seulement peuvent accroĂ®tre considĂ©rablement l’efficacitĂ© extensive et la profondeur destructrice de la violence, mais peuvent aussi la produire, de ses formes les plus Ă©lĂ©mentaires au plus sophistiquĂ©es, alors c’est l’école dans son cĹ“ur mĂŞme qui se trouve atteinte, voire dĂ©truite dans sa finalitĂ© : les savoirs accroĂ®traient les moyens de la violence et leur mode institutionnel de transmission la produirait.

Notre imprĂ©gnation par les " grands rĂ©cits " du progrès et de la civilisation est extrĂŞmement profonde, et nous avons quelques difficultĂ©s Ă  nous rendre compte que nos exhortations morales d’éducateurs Ă  l’intention des enfants risquent d’obtenir les effets exactement inverses de ceux que nous souhaitons. Le court-circuit de l’éducation produit la violence parce qu’il se fonde sur l’illusion que nous pourrions esquiver les exigences de l’institution de l’humanitĂ© en chacun et Ă©viter la nĂ©cessitĂ© pour chaque petit d’homme de reparcourir lui-mĂŞme l’itinĂ©raire de l’hominisation. Ainsi l’éducation se trouve-t-elle prise dans des successions contradictoires aux effets tragiques : les quatre interdits majeurs de l’inceste, de la violence, de l’idolâtrie et du parasitisme s’imposent au lieu de s’instituer. Inceste : Ă  l’érotisation du bĂ©bĂ© (voir les images publicitaires) succèdent la coupure et l’abandon marquĂ©s par la crèche et l’école (les pleurs de la première journĂ©e de maternelle). Violence : l’interdit du toucher n’offre plus que le heurt accidentel, la frappe intentionnelle ou le tripotage pervers pour la rencontre de l’autre Ă©gal (voir les cours de rĂ©crĂ©ation d’école et les couloirs de collège). Idolâtrie : l’institution du langage, parlĂ© et Ă©crit, se dĂ©grade Ă  l’école en Ă©chos et rĂ©pĂ©tition du discours magistral et laisse l’enfant (infans) impuissant dans la sidĂ©ration des images mĂ©diatiques et la fascination des idoles. Parasitisme : l’enfant doit ĂŞtre gavĂ©, instruit, recevoir, et ne saurait donner Ă  son tour, s’inscrire dans un rĂ©seau d’échanges de responsabilitĂ©s (" Quand tu seras majeur, tu feras ce que tu voudras, en attendant… ") ; Ă  la dĂ©pendance complète succède l’illusion de libertĂ©, dans l’écrasement des temps de passage oĂą l’interdiction devrait se rĂ©vĂ©ler autorisation. L’imposition des interdits provoque leur transgression, le " rappel Ă  la loi " (très Ă  la mode en ce moment, devant le flot montant des incivilitĂ©s, c’est-Ă -dire le bavardage, en classe ou au pied des tours d’HLM…) empĂŞche l’institution de la loi, c’est-Ă -dire la perception de l’autre comme un autre soi-mĂŞme. Le rapport Ă  autrui se construit donc, par l’éducation, dans la nĂ©gation d’autrui. Et, par l’école, l’offre au plus grand nombre possible d’en savoir le plus possible est, en mĂŞme temps, transformation de tout savoir en outil de pouvoir. Et tout pouvoir ne peut s’exercer qu’à tenter de rĂ©duire celui de l’autre. En prĂ©tendant permettre l’accès Ă  la culture dans sa dimension universelle, l’école rabat l’enfant sur l’immĂ©diatetĂ© de son intĂ©rĂŞt particulier : apprendre pour asservir. Ă€ quoi servent les diplĂ´mes, exactement ? De quel prix se paient-ils ? Et quel prix paient ceux qui Ă©chouent Ă  les obtenir ?

C’est d’abord dans l’organisation du temps et de l’espace que l’école produit la violence. Ce n’est pas seulement une question d’architecture et d’emplois du temps. Il s’agit d’abord de dimensions symboliques d’appropriation qui structurent le rapport social : prĂ©servation de l’espace personnel et des temps de solitude, usage rĂ©glĂ© des espaces et des temps collectifs, respect des espaces et temps d’autrui. Ă€ la maternelle, par exemple, les fonctions corporelles les plus intimes s’effectuent Ă  heures fixes et en public : le regard de l’adulte est nĂ©cessairement de surveillance, et plus tard il suffira alors, en certains lieux, de regarder un adolescent pour qu’il se sente agressĂ© (" Qu’est-ce t’as toi ? Tu veux ma photo ? "). L’école contribue Ă  empĂŞcher la structuration du sujet dans son rapport au temps et Ă  l’espace, et donc aux savoirs et aux autres : de 8h30 Ă  9h30, les enjeux de la bataille de Marignan, de 9h30 Ă  10h30, la reproduction des oursins, de 10h 30 Ă  11h30, gymnastique au sol, de 11h30 Ă  12h30, la litanie des verbes irrĂ©guliers en anglais ou tel poème de Rimbaud rĂ©citĂ© au tableau… Et Ă  chaque heure, il faut ĂŞtre attentif, intĂ©ressĂ©, " motivĂ© " ; sans compter qu’il faut aussi ĂŞtre vigilant quant aux règles de comportement : de 8h30 Ă  9h30, on s’agite, on fait n’importe quoi, des bulles avec les chewing-gums par exemple (" Le prof, il dit jamais rien… "), et Ă  9h30 on rĂ©colte une punition parce qu’on a oubliĂ© de se dĂ©barrasser du chewing-gum, par exemple en le collant sous la table (d’oĂą le dĂ©collera la femme de mĂ©nage…) : la règle change avec la salle et l’adulte chargĂ© de la faire respecter. C’est-Ă -dire qu’il n’y a pas de règles, seulement la " loi " du plus fort : " Celui-lĂ , il sait se faire respecter… ", ce qui annule la notion mĂŞme de respect. Malheur aux faibles, dans la classe, les couloirs, les cours de rĂ©crĂ©ation, la rue, la cité… la planète, dont les images, chaque soir Ă  la tĂ©lĂ©vision, dĂ©truisent lentement l’espoir d’un avenir viable.

Entrer dans la classe, c’est d’emblĂ©e se trouver pris dans un rapport de forces, et c’est d’abord la peur, tout simplement, aussi bien du cĂ´tĂ© des enseignants que des enseignĂ©s, qui va guider les comportements. On parle souvent, pour qualifier ce qui se passe dans la classe une fois la porte refermĂ©e sur les Ă©lèves et leur professeur, de " boĂ®te noire " : situation dangereuse en ce qu’elle met face-Ă -face un adulte et 25, 30 ou 35 autres personnes, enfants ou adolescents. Ce qui ne se retrouve dans aucun autre mĂ©tier oĂą la relation humaine est l’élĂ©ment primordial. En mĂ©decine, dans le travail social, les acteurs n’ont affaire Ă  leurs " clients " que un par un, ou par très petits groupes. Ă€ l’école, il y a un poids spĂ©cifique de cette co-prĂ©sence humaine entre un acteur principal et un grand groupe, constamment, Ă  raison de trois, cinq ou huit heures par jour… L’angoisse de l’enseignant tient Ă  cette simple question : " Vais-je pouvoir " tenir " et " les " tenir ? " Les professeurs expĂ©rimentĂ©s n’échappent pas Ă  cette peur particulière, tous les ans, voire tous les jours, toutes les heures, recommencĂ©e… Ils donnent souvent quelques conseils aux dĂ©butants : " D’abord, serrer la vis ! Après on peut relâcher un peu… ". Il faut donc s’imposer d’emblĂ©e comme " force " face Ă  la classe, Ă  ce rassemblement imprĂ©visible d’enfants ou d’adolescents et c’est bien cette situation duelle, sans mĂ©diations, qui dĂ©truit toute possibilitĂ© de construction de la citoyennetĂ© chez les Ă©lèves : dans ce rapport de forces, du cĂ´tĂ© des Ă©lèves, l’obĂ©issance se pervertit en soumission, et du cĂ´tĂ© du professeur, l’autoritĂ© se pervertit en pouvoir.

Ce rapport de forces laisse les acteurs sans recours, aussi bien l’adulte enseignant, renvoyĂ© Ă  sa solitude et Ă  ses seules habiletĂ©s ou incapacitĂ©s psychologiques, que les enfants et adolescents Ă©lèves qui savent bien que : " C’est pas la peine de discuter avec lui, de toute façon, il aura toujours le dernier mot… ", et qu’en dernier ressort le ministre en personne ne peut pas faire changer la note ou l’apprĂ©ciation qu’un professeur met sur une copie – mot qui trahit la vĂ©ritable nature des travaux scolaires… Dès lors que professeurs et Ă©lèves se trouvent pris dans ce face-Ă -face, que nul contrĂ´le rĂ©el ne peut s’exercer sur le professeur, que nul recours ne peut ĂŞtre exercĂ© par les Ă©lèves, que l’essentiel de la tâche, si l’on veut " rĂ©ussir ", se rĂ©duit Ă  essayer de deviner ce que le professeur attend comme rĂ©ponse orale ou Ă©crite, que c’est ce mĂŞme professeur qui est Ă  la fois juge et partie puisqu’il enseigne et juge ensuite les rĂ©sultats de cet enseignement, on peut faire l’inventaire de tous les " doubles liens " qui vont vider de leur sens les savoirs eux-mĂŞmes : heures après heures, il faut ĂŞtre Ă  la fois docile et actif, paraĂ®tre demandeur de ce qui est imposĂ©, ĂŞtre motivĂ© sur commande selon la succession des disciplines, ĂŞtre autonome et soumis, travailler sans rester " scolaire ", rĂ©citer en donnant l’impression de parler, reproduire en donnant l’impression d’inventer… Et ces injonctions contradictoires marquent symĂ©triquement le comportement du professeur : Ă©tablir le contact et maintenir la distance, ĂŞtre libre de ses mĂ©thodes pĂ©dagogiques, souverain dans sa classe, sans contredire l’inspecteur ou sortir des programmes, sans oublier la cĂ©lèbre exigence d’être " sĂ©vère mais juste " ! Dès lors que le maĂ®tre assume tous les rĂ´les dans la confusion des pouvoirs, la recherche de la vĂ©ritĂ© dans tous les champs du savoir se pervertit en recherche de la conformitĂ©, et les Ă©lèves vont se rĂ©partir en trois catĂ©gories principales : 1/ ceux qui vont s’employer, grâce Ă  l’obtention des diplĂ´mes, Ă  " passer de l’autre cĂ´tĂ© du manche " pour pouvoir Ă  leur tour imposer leur " loi " aux autres : ils deviendront bons Ă©lèves, futurs " dĂ©cideurs " ; 2/ Ă  l'opposĂ©, ceux qui refusent, consciemment ou non, cet apprentissage systĂ©matique de l’hypocrisie, qui se retrouvent dĂ©munis devant l’exigence de mentir Ă  eux-mĂŞmes et devant les autres, et qui risquent la marginalisation et l’exclusion ; et enfin, 3/ la masse intermĂ©diaire de ceux qui font juste ce qu’il faut pour " ne pas avoir d’ennuis " et qui formeront plus tard les majoritĂ©s silencieuses indiffĂ©rentes aux responsabilitĂ©s civiques et manipulables au grĂ© des influences mĂ©diatiques. Bien sĂ»r, cette catĂ©gorisation reste sommaire, il y a parfois de " bons Ă©lèves " qui ne sont pas dupes et quelquefois aussi certains de ceux qui sont dans le refus peuvent trouver des voies moins destructrices pour eux-mĂŞmes et pour les autres que l’agitation, la violence directe, ou l’absentĂ©isme… Et peut-ĂŞtre est-ce finalement la catĂ©gorie " moyenne " qui est la plus inquiĂ©tante !

La pauvretĂ© des moyens pĂ©dagogiques utilisĂ©s Ă  l’école a maintes fois Ă©tĂ© soulignĂ©e, et le cours magistral demeure le mode privilĂ©giĂ© de transmission. Or, il est de plus en plus Ă©vident que ce cours magistral (y compris dans les dĂ©guisements pseudo-dialoguĂ©s de la " devinette ") est fait pour ne pas transmettre les savoirs, en empĂŞcher l’appropriation par le plus grand nombre : il maintient une structure, non pas de transmission, mais de rĂ©vĂ©lation, au sens religieux du terme (ne pas s’étonner s’il y a " peu d’élus " !). Or, l’art, la science et la philosophie supposent le loisir, c’est-Ă -dire la suspension de l’obligation de rĂ©sultats. Pour s’en tenir aux sciences, leur apprentissage exige d’en passer par le doute, l’incertitude, la discutabilitĂ©, la rĂ©futabilitĂ© : l’ouverture des savoirs, inachevĂ©s et inachevables, entre en contradiction avec les prĂ©tentions de clĂ´ture incarnĂ©es dans le programme en vue de l’examen – le mĂŞme mot dĂ©signe aussi les procĂ©dures juridiques et mĂ©dicales â€“ qui commande par rĂ©troaction aussi bien le comportement des Ă©lèves que celui du professeur.

Ă€ cette violence de la " mise en examen ", s’ajoute la simultanĂ©itĂ© de deux processus apparemment contradictoires, en rĂ©alitĂ© Ă©troitement liĂ©s : d’une part, la sĂ©paration, le clivage entre l’apprentissage des savoirs et celui du " vivre ensemble ", qui fait que le plus instruit peut aussi ĂŞtre le plus " immoral ", et, d’autre part, la confusion de ce qu’on appellerait en termes juridiques les registres civil et pĂ©nal, qui fait qu’une note basse devient mauvaise, une tâche Ă  accomplir un devoir, et une sanction une punition. Dès lors, la libido dominandi (la " frime ", les jeux de prestance, jusqu’aux plus hauts niveaux de la science et de la culture…) peut s’investir dans la " rĂ©ussite " scolaire et s’y dĂ©guiser, ce qui pervertit doublement les savoirs et la citoyennetĂ©. Cette confusion-sĂ©paration s’oppose Ă  la nĂ©cessaire distinction-articulation des savoirs et de la loi que l’école aurait pour tâche prĂ©cisĂ©ment d’instituer dans ses fonctionnements les plus ordinaires et quotidiens.

Et, enfin, c’est probablement dans les effets des jugements professoraux sur le cursus des Ă©lèves que la violence de l’école se manifeste avec le plus d’évidence. Au lieu de permettre le dĂ©ploiement de toutes les potentialitĂ©s de l’enfant et de l’adolescent – dont on sait qu’elles sont quasiment infinies – l’école contraint aux inversions et renoncements successifs selon les paliers d’orientation : privation des dimensions de la culture technique pour les " bons Ă©lèves " ou moyens, orientĂ©s en Ă©tudes longues ; privation de la dimension artistique et littĂ©raire pour les futurs " forçats " des mathĂ©matiques et des classes prĂ©paratoires ; privation des informations scientifiques nĂ©cessaires au citoyen d’aujourd’hui, pour les " relĂ©guĂ©s " littĂ©raires ou ceux qui se retrouvent engagĂ©s dans des filières professionnelles dĂ©valorisĂ©es. Et dĂ©jĂ , dès l’école primaire, le savoir s’instrumentalise en outil de pouvoir par l’inversion entre fins et moyens : lecture, Ă©criture et calcul deviennent fins en eux-mĂŞmes – et moyens de sĂ©lection – au lieu de s’originer dans le dĂ©sir d’explorer le monde, d’aller Ă  la rencontre de l’autre inconnu et de s’élever (que signifie d’autre le mot mĂŞme d’élève ?) Ă  Ă©galitĂ© du maĂ®tre. Tout le monde le sait : il est Ă©vident que ni les notes, ni les examens, ni les diplĂ´mes ne peuvent en aucune manière vĂ©rifier, valider ou confirmer le degrĂ© d’instruction, de formation ou d’éducation d’un individu quelconque. Et pourtant, malgrĂ© les très nombreuses recherches dont les rĂ©sultats ne peuvent laisser place Ă  aucun doute possible sur son arbitraire complet, la notation sur 20 demeure le seul moyen d’évaluation, auquel finissent par se ramener tous les autres moyens. La quantification demeure nĂ©cessaire au classement et ce classement lui-mĂŞme nĂ©cessaire Ă  la perpĂ©tuation des hiĂ©rarchies sociales de pouvoir.

Cette perpĂ©tuation est nĂ©cessaire parce qu’il semble bien que la rĂ©publique – et l’école qui en est la condition première â€“ ait peur de ses propres principes. Qui dĂ©cide aujourd’hui ? L’expert ou le citoyen ? Tout se passe comme si l’institution essentielle Ă  la dĂ©mocratie, l’école, Ă©tait le principal obstacle dĂ©sormais Ă  son dĂ©veloppement. C’est Ă  l’école que les " bons Ă©lèves " forment, notamment en France dans le creuset des classes prĂ©paratoires, les mafias qui se rĂ©partiront l’essentiel des pouvoirs Ă©conomiques, administratifs et politiques, dans un jeu fĂ©roce de chaises musicales, de complicitĂ©s occultes et de corruptions partagĂ©es. Ce qui condamne l’école – telle qu’elle fonctionne actuellement â€“ n’est pas l’échec scolaire mais la rĂ©ussite scolaire : ce ne sont pas seulement les violences les plus extrĂŞmes, les gĂ©nocides du siècle, qui sont produits par les instruits, ce sont aussi les multiples et banales dĂ©cisions stupides, incohĂ©rences et violences cachĂ©es qui marquent l’existence de millions d’individus privĂ©s de tout pouvoir civique rĂ©el par un système Ă©conomico-politique qui les exclut de toute vĂ©ritable parole et reprĂ©sentation. Et c’est bien l’école, Ă  l’échelle planĂ©taire, qui produit doublement cette mafia dirigeante et cette masse exclue. On pourrait ici parodier Flaubert : " Exclusion : lutter contre… " Si on prĂ©tend lutter contre l’exclusion par les moyens mĂŞmes qui la produisent, ne pas s’étonner des rĂ©sultats ! En rĂ©alitĂ© le " mauvais Ă©lève " est nĂ©cessaire Ă  la bonne marche de l’école, de mĂŞme que l’exclu est nĂ©cessaire Ă  la bonne marche de nos sociĂ©tĂ©s et de la mondialisation. Le marginal n’est pas du tout en marge : il est au centre, invisible, pivot autour duquel peuvent " tourner rond " nos classes, nos institutions et nos sociĂ©tĂ©s. Ă€ combien de personnes le mauvais Ă©lève, le " voyou de banlieue " et le rĂ©fugiĂ© des guerres et famines fabriquĂ©es permettent-ils de vivre dans la bonne conscience du dĂ©vouement humanitaire et l’altruisme du travail social ou pĂ©dagogique ?

Bons ou mauvais Ă©lèves, l’école produit des dĂ©linquants. La perte de l’esprit civique, la fameuse " absence de repères ", ce ne sont pas les jeunes des citĂ©s, par exemple, qui en donnent les exemples les plus graves aujourd’hui : quelle diffĂ©rence entre un gamin qui " nie l’évidence " devant un enseignant ou un policier et un (ancien) ministre de la RĂ©publique qui ment dĂ©libĂ©rĂ©ment – et qui sait que tout le monde sait qu’il ment â€“ devant un tribunal ? Quelle diffĂ©rence entre tel petit trafiquant de quartier et tel banquier dont les contribuables doivent Ă©ponger les opĂ©rations douteuses ou frauduleuses ? Quelle diffĂ©rence entre la " morale " de tel spĂ©culateur, de tel prĂ©sident de club sportif, de tel Ă©lu corrompu, et celle du petit " caĂŻd " de banlieue faisant dans le bizness et les deals divers ? Aucune, si ce n’est leurs rayons d’action respectifs et leur champ d’application ! Et les coĂ»ts sociaux engendrĂ©s par tel cabinet d’architectes qui, pour arracher le marchĂ©, construit en quelques jours des logements qu’il faudra rĂ©habiliter Ă  coups de milliards aux frais du contribuable moins de vingt ans après, n’ont aucune commune mesure avec les dĂ©gâts provoquĂ©s par quelques gamins excitĂ©s qui jettent trois pierres dans une vitrine ou brĂ»lent quelques voitures !

Il semble bien que l’école trahisse dĂ©sormais sa propre finalitĂ© et que tout son fonctionnement ordinaire tente d’esquiver, dans la peur de ses propres principes, les exigences de l’institution (au sens de processus) des savoirs et de la loi au profit des dĂ©rives managĂ©riales (c’est-Ă -dire le primat exclusif de l’obligation de rĂ©sultats pour les meilleurs) ou associatives (pour les relĂ©guĂ©s des " zones sensibles " qu’il s’agirait de tenir au chaud et d’occuper pour leur Ă©viter de faire des bĂŞtises dans la rue). Dans la quasi-totalitĂ© des dĂ©bats Ă  propos de l’école, on tombe immanquablement dans l’erreur simplificatrice des logiques binaires de l’exclusion rĂ©ciproque, des " ou bien / ou bien " : ou bien on donne la parole aux Ă©lèves en s’imaginant qu’elle pourrait guider les dĂ©cisions, ou bien il est inacceptable qu’ils puissent donner leur avis puisqu’ils seraient, par dĂ©finition, ignorants ; ou bien on ouvre l’école aux partenariats de toute sorte succombant aux intĂ©rĂŞts locaux, ou bien elle doit demeurer sanctuaire hors du siècle vouĂ©e Ă  la seule culture de l’universel ; ou bien on prĂ©serve la gratuitĂ© et la transcendance des savoirs, ou bien on les investit dans des simulations prĂ©-professionnelles ; ou bien l’instruction, ou bien l’éducation… etc. ! Est-il vraiment impossible de comprendre que si, Ă  l’école, on doit donner la parole aux Ă©lèves c’est prĂ©cisĂ©ment parce qu’ils ne savent pas encore la prendre et que si on fait taire le " bavard " c’est pour qu’il puisse parler ? Est-il impossible de comprendre que si l’école doit ĂŞtre fermĂ©e c’est pour qu’elle puisse s’ouvrir ? Que si l’école ne peut pas, par sa dĂ©finition mĂŞme, ĂŞtre soumise Ă  l’obligation de rĂ©sultats (en termes citoyens et professionnels), c’est pour que les Ă©lèves comprennent progressivement, d’une part, les exigences de cette obligation de rĂ©sultats Ă  laquelle tout professionnel est obligĂ©, et, d’autre part, le principe selon lequel toute citoyennetĂ© est impossible Ă  savoir que nul majeur n’est censĂ© ignorer la loi ? Est-il vraiment impossible de comprendre que le sujet ne peut pas accepter de courir les risques de la rencontre de l’autre, diffĂ©rent et indiffĂ©rent, s’il n’est pas lui-mĂŞme reconnu dans son originalitĂ© propre et que l’institution de l’universel n’est possible qu’à partir de la reconnaissance critique des particularitĂ©s culturelles et des enracinements historiques ?

Nous ne savons pas s’il est possible que l’école ne produise pas l’exclusion des faibles, l’immoralitĂ© des dĂ©cideurs ou l’arrogance des " gagneurs ", et la passivitĂ© a-civique des " moyens ". Ce que nous savons, c’est que nous ne pouvons pas faire autrement que de le dĂ©cider : de dĂ©cider donc qu’il n’est pas fatal que les savoirs, la culture et l’école produisent la violence. Proposer et mettre en Ĺ“uvre, ici et maintenant, les transformations institutionnelles nĂ©cessaires pour que l’école puisse rĂ©pondre aux exigences et dĂ©fis du siècle qui s’ouvre : telle est la seule possibilitĂ© qui nous est offerte, et il y a urgence. Comment articuler entre elles les trois fonctions de l’école, l’instruction (produire des individus aussi savants et cultivĂ©s que possible), la formation (produire des individus aptes Ă  s’insĂ©rer dans la vie professionnelle) et l’éducation (produire des citoyens) ? De ces trois fonctions, c’est aujourd’hui la troisième qui devient première et conditionne la rĂ©alisation des deux autres. L’instruction sans l’éducation, de mĂŞme que le dĂ©veloppement des qualitĂ©s professionnelles sans dimension civique, peuvent produire des individus encore plus dangereux que les ignorants ou les incompĂ©tents. Nous le savons dĂ©sormais : l’actuelle " course " aux notes et aux diplĂ´mes consacre Ă  la fois le maintien de rituels archaĂŻques religieux et la pĂ©nĂ©tration dans l’école des soucis marchands – Ă  la limite, le souci de pouvoir se vendre soi-mĂŞme ; et, Ă©videmment, pour se vendre avec efficacitĂ©, tel poème de Rimbaud, la distinction entre poids et masse, la comprĂ©hension du fonctionnement de la clepsydre, la construction du polygone rĂ©gulier Ă  dix-sept cĂ´tĂ©s au compas et Ă  la règle, l’étude des mastabas Ă©gyptiennes, de la structure d’une tragĂ©die grecque, des mythes yanomamis, des enjeux de la bataille de Marignan, ou des mĹ“urs de la mouche drosophile – c’est-Ă -dire ce gigantesque effort de connaissance qui dĂ©finit l’humanitĂ© – ne sont d’aucune utilité… Et mĂŞme, s’agissant de la seule fonction de formation, serait-il possible de ne pas confondre la comprĂ©hension progressive des exigences de l’insertion professionnelle avec l’apprentissage de la prostitution ?

Il va donc falloir, dans le fonctionnement des classes et des Ă©tablissements, instituer progressivement la distinction des pouvoirs qui caractĂ©rise les sociĂ©tĂ©s dĂ©mocratiques : nul ne peut se faire justice Ă  lui-mĂŞme (rĂ©glage de la violence), nul ne peut ĂŞtre juge et partie (validation des compĂ©tences) ; Ă©galement, nul ne peut ĂŞtre mis en cause pour un acte dont il n’est pas l’auteur ou le complice (illĂ©galitĂ© des punitions collectives), en cas d’infraction un mineur bĂ©nĂ©ficie de l’excuse de minoritĂ© et est moins lourdement puni qu’un majeur pour un mĂŞme acte. Les fonctionnements institutionnels, et notamment les règlements intĂ©rieurs, doivent intĂ©grer ces principes, et notamment l’exigence de ne pas utiliser les punitions du registre " pĂ©nal " (retenues, par exemple) pour sanctionner des manquements dans l’acquisition des savoirs, et, rĂ©ciproquement, de ne pas utiliser les moyens d’évaluation des savoirs (baisse de notes, par exemple) pour punir des comportements jugĂ©s dĂ©viants. En ce qui concerne donc les comportements, il devient nĂ©cessaire d’instituer dans l’établissement une instance tierce qui aura Ă  juger des infractions et trancher dans les litiges relevant du rĂ©glementaire (il est aussi des comportements qui peuvent relever du judiciaire) ; des formes très diverses peuvent ĂŞtre inventĂ©es localement : l’essentiel Ă©tant que l’instance qui juge et Ă©ventuellement punit ne soit pas composĂ©e de personnes impliquĂ©es, mĂŞme indirectement, dans l’infraction ou le litige. De mĂŞme, en ce qui concerne les acquisitions de savoirs et de savoir-faire, il importe que soient distinguĂ©es l’évaluation interne nĂ©cessaire au travail pĂ©dagogique lui-mĂŞme – ce qui implique la prĂ©vision de temps de rĂ©gulation propres Ă  chaque classe et Ă  chaque discipline â€“ et la validation externe des compĂ©tences acquises, sous forme de contrĂ´le de connaissances, de vĂ©rifications de savoir-faire, Ă  intervalles rĂ©guliers, par d’autres experts que ceux qui enseignent aux Ă©lèves concernĂ©s, ce qui suppose un accord prĂ©alable sur les savoirs et compĂ©tences exigibles Ă  un moment donnĂ© ainsi que leurs critères de validation. Il importe Ă©galement que les règlements intĂ©rieurs soient clairement distinguĂ©s des " chartes " (qui portent sur les valeurs et non les procĂ©dures) et des " contrats " (qui ne peuvent avoir qu’une signification pĂ©dagogique et non juridique Ă  l’école puisque seul le majeur peut contracter), et qu’ils fassent l’objet d’un travail d’élaboration constant, impliquant l’ensemble des acteurs de l’institution, et distinguant les niveaux de normes entre ce qui se discute, ce qui ne se discute pas et ce qui ne se discute pas encore. De mĂŞme, ces règlements doivent prĂ©voir leurs propres règles de modification et leur " code de procĂ©dure " : l’énumĂ©ration des droits et des devoirs doit s’accompagner de l’indication prĂ©cise des procĂ©dures Ă  suivre pour les faire respecter. La seule diffĂ©rence entre droits et devoirs Ă©tant que, si l’on peut toujours ne pas exercer un droit, on ne peut se soustraire Ă  un devoir. Ces droits et ces devoirs concernent Ă©videmment l’ensemble des acteurs de l’école. Les mettre sur le mĂŞme plan, pire encore les opposer (" Ils ont des droits mais aussi des devoirs "…) est une absurditĂ© logique : il n’y a Ă©videmment que des droits, les devoirs n’étant que les moyens de procĂ©dure nĂ©cessaires Ă  la rĂ©alisation effective, collective et articulĂ©e de ces droits. Et des catĂ©gories entières de personnes n’ont d’ailleurs que des droits : enfants de la naissance Ă  " l’âge de raison ", vieillards grabataires, grands handicapĂ©s, etc. ; et si les droits d’un majeur (un professeur par exemple, mais aussi bien un lycĂ©en majeur) sont plus Ă©tendus que ceux d’un mineur, il va de soi que ses devoirs le sont aussi. Si les Ă©lèves perçoivent que les adultes qui sont responsables d’eux ne respectent pas eux-mĂŞmes les règles qu’ils leur imposent, c’est non seulement l’accès Ă  la citoyennetĂ© qui devient impossible mais Ă©galement la construction des savoirs : l’expertise, qui fonde l’autoritĂ© du professeur, de fin se dĂ©grade en moyen d’exercer le pouvoir sur le groupe. Impossible, par principe, dans cette structure religieuse, et dans le temps de la classe, que l’élève s’élève Ă  hauteur du maĂ®tre, voire le dĂ©passe, ce qui caractĂ©rise pourtant la finalitĂ© du travail du professeur. Impossible aussi de comprendre ce qui fonde l’acte de transmission et d’appropriation des savoirs : le savoir augmente en celui qui le donne, et donc celui qui le reçoit le donne Ă  son tour. Et pour prendre le seul exemple de l’enseignement de la philosophie, il ne peut y avoir dissertation si l’élève n’écrit pas, de droit, Ă  Ă©galitĂ© avec Platon, Descartes ou Kant… ou son professeur !

Et c’est sur ce point que la mise en Ĺ“uvre progressive du droit dans l’institution scolaire devient aujourd’hui nĂ©cessaire pour que l’école retrouve son propre projet, trouve sa vĂ©ritable finalitĂ© : il s’agit alors, dans le loisir (c’est-Ă -dire la protection provisoire contre les jungles communautaires, urbaines et professionnelles, qui permet d’abord de les critiquer et ensuite de les affronter), la scholè, de s’approprier les significations donnĂ©es au monde et Ă  l’histoire par les gĂ©nĂ©rations qui ont prĂ©cĂ©dĂ© pour entrer Ă  son tour dans l’aventure infinie et inachevable des techniques, des arts et des sciences. Si le siècle qui s’achève a vu s’effondrer les espĂ©rances des Lumières, cela ne signifie pas pour autant que les Lumières sont dĂ©passĂ©es, cela signifie que nous pouvons leur rester fidèles en en approfondissant le projet mĂŞme, en articulant le savoir et la loi, la raison et la libertĂ©, les compĂ©tences et l’éthique, en reprenant les dĂ©jĂ  vieilles questions de Rabelais et de Montaigne : " Science sans conscience… " et " TĂŞte bien faite… ". Les enjeux de l’éducation Ă  la citoyennetĂ©, de la construction des savoirs en articulation avec celle de la loi, sont donc de sortir de la violence, ou tout au moins de la diminuer, de la rĂ©gler, et de comprendre que ma libertĂ© ne s’arrĂŞte pas lĂ  oĂą commence celle de l’autre, mais qu’elle commence lĂ  oĂą commence celle de l’autre. C’est l’enjeu central de ce qui se joue au quotidien dans nos classes.

De tous les animaux, disions-nous, seul l’homme tue l’homme. Certes. Mais s’il n’y a pas plus cruel que l’homme pour l’homme, il n’y a pas non plus d’animal qui soit capable d’aussi grand amour que l’homme pour l’homme. Et il est probable qu’en chacune de nos existences singulières, finalement, les moments de violence sont beaucoup plus rares que les moments de paix. Ce ne sont pas la guerre et la violence qui sont Ă©tonnantes : c’est la paix, l’amour ou, beaucoup plus banalement, l’indiffĂ©rence polie qui le sont. Un de mes Ă©lèves nous raconte, en cours de philosophie, qu’un beau jour froid de novembre, se promenant seul au bord du canal de l’Ourcq, aux environs de Meaux, il entend tout Ă  coup des cris, des appels au secours : une petite fille de trois ans environ vient de tomber Ă  l’eau, la mère seule crie dĂ©sespĂ©rĂ©ment. Il a une demi-seconde d’hĂ©sitation – il n’est pas vraiment champion de natation ! –, enlève son blouson et ses chaussures, saute, avant que la mère ne le fasse elle-mĂŞme, ramène la petite fille que la mère parvient Ă  saisir et rĂ©ussit Ă  s’extirper lui-mĂŞme des berges abruptes et glissantes après plusieurs tentatives… Commentaire, en cours de philosophie : " Tu as dĂ©cidĂ©, dans cette demi-seconde, que la vie de cette petite fille, qui t’était jusque lĂ  inconnue et indiffĂ©rente, et qui le redeviendrait passĂ©es les effusions, Ă©tait plus importante que la tienne propre. – Oui, peut-ĂŞtre, mais je ne m’en suis pas vraiment rendu compte sur le moment, la seule chose qui m’a traversĂ© l’esprit Ă©tait que je ne pourrais plus me regarder dans la glace, la honte si je ne faisais rien. C’était autant pour moi que pour elle… "

C’est ici le moment Ă©thique : l’autre, radicalement autre, singulier, diffĂ©rent et indiffĂ©rent, est un autre moi-mĂŞme. C’est le moment fondateur du droit, qui enracine l’espoir que les libertĂ©s puissent s’articuler et non se heurter. Dès lors, si la culture produit la violence en ce qu’elle a de spĂ©cifiquement humain, c’est aussi la culture qui nous permet d’en transmuer les Ă©nergies de manière crĂ©atrice. Ainsi les interdits majeurs, les passions les plus dĂ©vastatrices, la mort elle-mĂŞme, vont-ils pouvoir se jouer, dans la reprĂ©sentation, le langage, la musique, la mathĂ©matique, la gymnastique… et la philosophie. C’est-Ă -dire l’école. L’homme est aussi le seul animal qui rit et joue toute la vie. Et, pour jouer, il faut ĂŞtre ensemble, et pour ĂŞtre ensemble nous instituons la loi. Il y a du plaisir dans la violence et la guerre, ce qui rend vain le discours moral et la leçon imposĂ©e. Chaque petit d’homme refait pour lui-mĂŞme toute l’histoire de l’humanitĂ© : il apprend, Ă  l’école, Ă  faire la paix avec lui-mĂŞme et avec les autres. Parce que cette paix permet de vivre tous les plaisirs de la violence et de la guerre dans le jeu, grâce Ă  l’autre et non contre lui : " Pourquoi, Socrate, apprendre Ă  jouer de la lyre puisque tu vas mourir ? – Pour jouer de la lyre avant de mourir. " Et si je joue de la lyre (ou aussi bien au football ou Ă  peindre ou Ă  Ă©crire ou Ă  me plonger dans les mystères de l’atome…), c’est aussi par et pour les autres. Les progrès de l’humanitĂ© se mesurent Ă  la part de jeu offerte au plus grand nombre possible, dans les techniques, les sciences et les arts : question politique, qui commandera, au XXIe siècle, la survie de l’espèce.

Bernard Defrance.


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