Paru dans Le Monde de
l'Éducation, novembre 1997.
Enfin ! Les longs combats obscurs menés depuis des années contre
la loi du silence, en matière de pédophilie comme de bizutage, vont peut-être
porter leurs fruits. Des vies ont été brisées par le comportement abusif
d'adultes, ou par les brimades subies. Désormais, la complicité trop longtemps
entretenue des administrations à tous les niveaux est rompue. Ces mesures de
bon sens vont certainement contribuer à rappeler aux éducateurs leurs
responsabilités.
Mais il faut craindre, ici, de passer d'un extrême à l'autre, et sous
couvert de lutte – évidemment impérative – contre les violences de toute
nature d'alimenter les fantasmes de retour à l'ordre moral. Le signalement en
matière d'abus sexuel comporte un danger : celui de se défausser de ses
responsabilités d'éducateur sur des " spécialistes ". Et il
paraît inquiétant qu'il faille une circulaire pour rappeler que « la parole de l'enfant doit être entendue et
écoutée », comme si cela ne constituait pas une évidence pédagogique
et pas seulement en matière de violences…
Et en ce qui concerne le bizutage, le risque est d'oublier la
caractéristique essentielle de l'interdit en situation éducative qui est
simultanément d'interdire et
d'autoriser : si, dans la classe, je fais taire le
" bavard ", c'est pour qu'il puisse parler. Réprimer le
bizutage : très bien ! Mais pour ouvrir
à quoi ? Nécessairement à reconnaître d'autres pouvoirs aux citoyens en
formation que sont les élèves et qui ont leur mot à dire sur les contenus et
modalités de leur propre enseignement. Et pourquoi ne pas faire la fête pour
accueillir les " nouveaux " ? À condition, il était
grand temps de le dire, que cette fête ne tourne pas au cauchemar…
Bernard
Defrance.