Guide pratique de la PEEP, La santé de nos enfants, 1995
Il y a agression dès
lors qu’un acte commis par une ou plusieurs personnes en fait souffrir une ou plusieurs autres. C’est
dire que la violence peut prendre des formes très variées. Nous ne savons pas
si nous pourrons un jour résorber la violence. En revanche, nous savons que
diminuer la violence et les souffrances qu’elle entraîne, en passe par le
double travail du droit et de la culture.
La prévention de la violence suppose donc la construction
de la citoyenneté. Éduquer les enfants à la justice :
pas seulement quand ils sont victimes de violences, mais aussi lorsqu’ils sont
eux-mêmes tentés par la violence, ou restent passifs devant la violence subie
par un autre. C’est souvent grâce à l’intervention d’un enfant auquel a pu se
confier un camarade victime que des solutions ont pu ĂŞtre apportĂ©es, Ă
commencer par la rupture de la loi du silence.
La violence rompt le cours de la parole, qu’il s’agit
donc de rétablir ; pour ceux qui en sont victimes, mais aussi pour ceux
qui en sont les acteurs ou les témoins passifs. Les éducateurs peuvent certes
faire preuve ici de savoir-faire psychologique, par les capacités d’écoute,
d’attention aux symptômes qui “ parlent ”. Mais il est non moins
important que l’enfant ou l’adolescent soit clairement informé de ses droits
et, surtout, des procédures à suivre
qui lui permettront d’être entendu, même par ceux des adultes qui ne veulent
pas, ou ne peuvent pas, entendre. L’affirmation explicite de l’interdit de la
violence – dont les formes les plus graves sont le meurtre et l’inceste, mais
qui commence à la simple moquerie… – est nécessaire, de même que la
sensibilisation à d’autres formes de violences plus cachées, dans des
fonctionnements institutionnels considérés comme “ normaux ”, par
exemple…
L’enjeu de cette éducation est l’intériorisation des
principes fondateurs du droit :
la loi est la même pour tous, toute infraction entraîne punition et réparation,
nul ne peut se faire justice Ă soi-mĂŞme, la passivitĂ© est non assistance Ă
personne en danger, etc. L’interdit de la
violence ne se discute pas puisqu’il permet la discussion. Le dialogue peut
s’instaurer en famille, à partir des multiples exemples tirés de la vie
quotidienne et de l’actualité, ce qui constitue la meilleure des préventions.
Rien de pire ici que le mensonge (qui consisterait par exemple Ă donner raison
devant l’enfant à un adulte abusif ou violent) : grandir, c’est aussi
découvrir que les adultes ne sont pas toujours “ parfaits ”…
Bernard Defrance, professeur de philosophie.